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A Salome.

Je ne vous retiens point; & vous pouvez, Madame,
Aller apprendre au Roi les secrets de mon ame.
Dans son cœur aisément vous pouvez ranimer,
Un couroux que mes yeux dédaignent de calmer.
De tous vos délateurs armez la calomnie;
J'ai laiffe jusqu'ici leur audace impunie:
Et je n'oppose encor à mes vils ennemis,
Qu'une vertu sans tache, & qu'un juste mépris,

MAZAEL.

Quel orguëil!

SALOME.

Mazaël on pourra le confondre,

Et c'est en me vengeant que je dois lui répondre.

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A

SCENE III.

MARIAMNE, ELIZE, NABAL

ELIZE.

H! Madame, à ce point pouvez-vous irriter
Des Ennemis ardens à vous persecuter !

La vengeance d'Herode un moment suspenduë,
Sur votre tête encor, est peut-être étenduë.
Et loin d'en détourner les redoutables coups,

Vous appellęz la mort qui s'éloignoit de vous.

Vous n'avez plusici de bras qui vous appuïe.

Ce défenseur heureux de votre illustre vie

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Varus, aux Nations qui bornent cet Etat,

Ira porter bien-tôt les Ordres du Senat.
Hélas! grace à ses soins, grace à vos bontez même
Rome à votre Tyran donne un pouvoir suprême :
Il revient plus terrible & plus frer que jamais,
Vous le verrez armé de vos propres bienfaits:

Vous dépendrez ici de ce superbe Maître, D'autant plus dangereux qu'il vous aime peut être

Et que cet amour même aigri par vos refus

MARIAMNE.

...

Chere Elife en ces lieux faites venir Varus.
Je conçois vos raisons; j'en demeure frapée :
Mais d'un autre interêt mon ame est occupée;
Par de plus grands objets mes vœux sont attirez.
Que Varus vienne ici; vous Nabal, demeurez.

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Vos vertus, votre zele, & votre experience,

Ont acquis dès long-temps toute ma confiance. Mon cœur vous est connu, vous sçavez mes deffeins, Et les maux que j'éprouve, & les maux que je crains, Vous avez vû ma Mere au desespoir réduite Me presseren pleurant d'accompagner sa fuite.

Son esprit agité d'une juste terreur, Croit à tous les momens voir Herode en fureur. Encor tout dégoûtant du sang de sa Famille, Venir à ses yeux-même assassiner sa Fille. Elle veut que mes Fils portez entre nos bras, S'éloignent avec nous de ces affreux Climats. Les Vaifsseaux des Romains, des bords de la Syrie, Nous ouvrent sur les Eaux les chemins d'Italic. J'attends tout de Varus, d'Auguste, des Romains. Je sçai qu'il m'est permis de füir mes Assassins, Que c'est le seul parti que le destin me laisse. Toutefois en fecret, soit vertu, soit foiblesse, Prête à füir un Epoux, mon cœur frémit d'effroi, Et mes pas chancelans s'arrêtent malgré-moi.

NABAL.

Cet effroi genereux n'a rien que je n'admire.
Tout injuste qu'il est, la vertu vous l'inspire.
Ce cœur indépendant des outrages du fort,
Craint l'ombre d'une faute, & ne craint point la mort.
Banniffez toutefois ces allarmes secretes.

Ouvrez les yeux, Madame, & voïez où vous êtes.

C'est là que répandu par les mains d'un Epoux

Le sang de votre Perea rejailli fur vous.

Votre Frere en ses lieux a vû trancher sa vie.

Envain de son trépas le Roi se justifie;

Envain Cefar trömpé l'en absoût aujourd'hui,
L'Orient révolté n'en accuse que lui.

Regardez, consultez les pleurs de votre Mere,
L'affront fait à vos Fils, le fang de votre Pere,
La cruauté du Roi, la haine de sa Sœur,
Et (ce que je ne puis prononcer sans horreur,
Mais dont votre vertu n'est point épouvantée,)
La mort en ee jour même à vos yeux presentée.
Enfin si tant de maux ne vous étonnent pas,
Si d'un frontassûré võus marchez au trépas :
Du moins de vos Enfans embrassez la défensea
Le Roi leur a du Trône arraché l'esperance,
Et vous connoiffez trop ces Oracles affreux,
Qui depuis fi long-temps vous font trembler pour eux.
Le Ciel voura prédit qu'une main étrangere,
Devoit un jour unir vos Fils à votre Perea

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