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Un Arabe implacable a déja sans pitić,
De cet Oracle obscur accompli la moitié.
Madame après l'horreur d'un essai fi funeste,
Sa cruauté, sans doute, accompliroit le reste.
Dans ses emportemens rien n'est sacré pour lui.
Eh! qui vous répondra que lui-même aujourd'hui,
Ne vienne executer sa sanglante menace,

Et des Afmonéens anéantir la race?

Il est temps désormais de prévenir ses coups:
Il est temps d'épargner un meurtre à votre Epoux,
Et d'éloigner du moins de ces tendres victimes,
Le fer de vos Tyrans, & l'éxemple des crimes.

Nourri dans ce Palais près des Rois vos Aieux,
Je suis prêt à vous suivre en tout temps, en tous lieux.
Partez, rompez vos fers, allez dans Rome même,
Implorer du Senat la justice suprême,

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2

Remettre de vos Fils la fortune en samain,
Et les faire adopter par le Peuple Romain.
Qu'une vertu si pure aille étonner, Auguste.
Si l'on vante à bon droit fon regne heureux & jufte,

7

Si la Terre avec joïe embrasse ses genoux,
S'il mérite sa gloire, il fera tout pour vous.

MARIΑΜΝΕ.

Je vois qu'il n'est plus temps que mon cœur délibere ;
Je cede à vos conseils, aux larmes de ma Mere :
Au danger de mes Fils, au fort, dont les rigueurs
Vont m'entraîner, peut-être, en de plus grands mal

heurs.

Retournez chez ma Mere, allez ; quand la nuit sombre;
Dans ces lieux criminels aura porté son ombre;
Qu'au fond de mon Palais, on me vienne avertir.
On le veut, il le faut ; je suis prête à partir.

SCENE V.

MARIAMNE, VARUS, ELISË.

VARUS.

E viens m'offrir, Madame, à vos ordres suprêmes.
Vos volontez, pour moi, sont les loix des Dieux

mêmes.

Faut-il

:

Faut-il armer mon bras contre vos ennemis ?
Commandez, j'entreprens; parlez & j'obéïs.
MARIAMNE.

4.

Je vous dois tout, Seigneur, & dans mon infortune,
Ma douleur ne craint point de vous être importune,
Ni de folliciter par d'inutiles vœux,
Les bontez d'un Héros, l'appui des malheureux.
Lorsqu'Herode attendoit le Trône ou l'esclavage,
J'osai long-temps pour lui briguer votre suffrage.
Malgré ses cruautez, nalgré mon desespoir,
Malgré mes interêts, j'ai suivi mon devoir.
J'ai fervi mon Epoux ; je le ferois encore.
Souffrez que pour moi-même enfin je vous implore.
Souffrez que je dérobe à d'inhumaines loix,
Les restes malheureux du pur sang de nos Rois.
J'aurois dû dès long-temps, loin d'un lieu si coupable,
Demander au Senat un azile honorable.

Mais, Seigneur, je n'ai pû dans les troubles divers,
Dont vos divisions ont rempli l'Univers,

Chercher parmi l'effroi, la Guerre & les ravages,

Un Port aux mêmes lieux d'où partoient les Orages. C

(

Auguste, au monde entier donne aujourd'hui la paix.

Sur toute la'nature il répand ses bien-faits.

Après les longs travaux d'une Guerre odieuse,
Aïant vaincu la Terre, il veut la rendre heureuse.
Du haut du Capitole il juge tous les Rois:
Et de ceux qu'on opprime il prend en main les droits.
Qui peut à ses bontez plus justement pretendre,
Que mes foibles Enfans que rien ne peut défendre,
Et qu'une Mere en pleurs amene auprès de lui,
Du bout de l'Univers implorer son appui ?
Loin de ces lieux sanglants que le crime environne,
Je mettrai leur enfance à l'ombre de son Trône.
Ses genereuses mains pourront secher nos pleurs.
Je ne demande point qu'il venge mes malheurs
Que sur mes Ennemis son bras s'appésantisse.
C'est assez que mes Fils, témoins de sa justice,
Formez par son éxemple, & devenus Romains
Apprennent à regner des Maîtres des Humains.
Pour conserver les Fils, pour consoler la Mere,
Pour finir tous mes maux, c'est en vous que j'espere.

2

,

Je m'adresse à vous seul, à vous, à ce grand cœur,
De la simple vertu, genereux Protecteur;

A vous, à qui je dois ce jour que je respire.
Seigneur, éloignez-moi de ce fatal Empire.
Donnez-moi dans la nuit des guides affûrez,
Jusques sur vos Vaisseaux dans Sidon préparez.
Vous ne répondez rien. Que faut-il que je pense ?
De ces sombres regards, & de ce long filence ?
Je vois que mes malheurs excitent vos refus.

VARUS.

de

ma vie.

Non,... je respecte trop vos ordres absolus.
Mes Gardes vous suivront jusques dans l'Italie.
Disposez d'eux, de moi, de mon cœur,
Fuïez le Roi. Rompez vos nœuds infortunez.
Il est assez puni si vous l'abandonnez.
Il ne vous verra plus, grace à son injustice:
Et je sens qu'il n'est point de si cruel suplice
Pardonnez-moi ce mot: il m'échape à regret.
La douleur de vous perdre a trahi mon fecret.
Tout mon crime eft connu. Mais malgré ma foiblesse,
Songez que mon respect égale ma tendresse.

...

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