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Quelle entrevûë! ô Cieux ! quels combats! quel suppli.

ce!

Dans ses yeux indignez, j'ai lu mon injustice.

Ses regards inquiets n'osoient tomber sur moi;

Et tout, jusqu'à mes pleurs, augmentoit son effroi.
MAZAEL.

Seigneur, vous le voïez, sa haine envenimée
Jamais par vos bontez ne sera défarmée.

Vos respects dangereux nourrissent sa fierté.

HERODE.

Elle me hait! ah Dieu ! je l'ai trop merité.
Je lui pardonne, hélas! dans le fort qui l'accable,

De haïr à ce point un Epoux si coupable.

MAZAEL.

Vous, coupable ? ch | Seigneur, pouvez-vous ou

blier

Ce que la Reine a fait, pour vous justifier ?

Ses mépris outrageans, sa superbe colere,

Ses desseins contre vous, les complots de son Pere?

Le sang qui la forma, fut un sang ennemi.

1

Le dangereux Hircan vous eût toûjours trahi:

Et des Asmonéens la brigue étoit si forte,
Que sans un coup d'Etat vous n'auriez pû...

HERODE.

N'importe.

Hircan étoit son pere; il falloit l'épargner.
Mais je n'écoutai rien que la soif de regner.
Ma politique affreuse a perdu sa famille.
J'ai fait périr le Pere; & j'ai profcrit la Fille :
J'ai voulu la haïr; j'ai trop sçû l'opprimer.
Le Ciel pour m'en punir, me condamne à l'aimer.
Mes rigueurs, ses chagrins, la perte de son pere,
Les maux que je lui fais me la rendent plus chere.
Si son cœur,... si sa foi,... mais c'est trop differer.
Idamas, en un mot, je veux tout réparer.
Va la trouver; dis-lui que mon ame asservie,
Met à ses pieds mon Trône, & ma gloire & ma vie.
Je veux dans ses Enfans choisir un Successeur.
Des maux qu'elle a soufferts, elle accuse ma Sœur :
C'en est assez. Ma Sœur, aujourd'hui renvoïée,
A ce cher interêt sera sacrifiée.

Je laisse à Mariamne un pouvoir absolu.

:

MAZAE L.

Quoi! Seigneur, vous voulez...

HERODE.

Oüi, je l'ai résolu.

Oüi, mon cœur désormais la voit, la confidere,

Comme un present des Cieux, qu'il faut que je révere.

Que ne peut point sur moi l'amour qui m'a vaincu !
A Mariamne, enfin, je devrai ma vertu.
Il le faut avoiier : On m'a vu dans l'Afie,

Regner avec éclat, mais avec barbarie.

Craint, respecté du Peuple, admiré; mais haï;

J'ai des adorateurs, & n'ai pas un ami.

Ma Sœur, que trop long-temps mon cœur a daigné

croire,

Ma Sœur n'aima jamais ma véritable gloire.
Plus cruelle que moi dans ses sanglants projets,
Sa main faisoit couler le sang de mes Sujets,

Les accabloit du poids de mon Sceptre terrible :
Tandis qu'à leurs douleurs Mariamne sensible,
S'occupant de leur peine, & s'oubliant pour eux,

Portoit à son Epoux les pleurs des malheureux.

:

C'en est fait. Je prétens, plus juste, & moins sévere,

Par le bonheur public, essaïer de lui plaire.
Sion va respirer sous un regne plus doux.
Mariamne a changé le cœur de son Epoux.
Mes mains loin de mon Trône écartant les allarmes,
Deux Peuples opprimez vont efssiiier les larmes.
Je veux sur mes Sujets regner en Cytoïen,
Et gagner tous les cœurs pour mériter le sien.
Va la trouver, te dis-je ; & sur tout, à sa vûë,
Peins bien le repentir de mon ame éperdûë.
Dis-lui que mes remords égalent ma fureur.
Va, cours, vôle, & reviens. Que vois-je! c'est ma Sœur.
à Mazaël.

Sortez... Termine ô Ciel les chagrins de ma vie.

HE

SCENE VI.

HERODE, SALOME.

SALOM F.

E' bien ? vous avez vû vôtre chere Ennemie?
Avez-vous essuié des outrages nouveaux ?

HERODE.

Madame, il n'est plus temps d'appesantir mes maux.
Je cherche à les finir. Ma rigueur implacable,

En me rendant plus craint, m'a fait plus miferable.
Affez & trop long-temps sur ma triste Maison,
La vengeance,
la haine ont versé leur poison.
De la Reine & de vous, les difcordes cruelles,
Seroient de mes tourmens les sources éternelles.

&

Ma Sœur, pour mon repos, pour vous , pour toutes

deux

Eloignez-vous; partez; füiez ces triftes lieux;

Il le faut.

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