Ma bouche auprès d'Herode avec dexterité,
Confondoit l'artifice avec la verité.
Mais lorsque sans retour Mariamne est perduë, Quand la faveur d'Herode à vos vœux est renduë,
Dans ces fombres chagrins, qui peut donc vous plon
Madame ; en se vengeant, le Roi va vous venger. Sa fureur est au comble : & moi-même je n'ose Regarder sans effroi les malheurs que je cause. Vous avez vû tantôt ce spectacle inhumain, Ces Esclaves tremblans, égorgez de sa main, Près de leurs corps sanglans, la Reine évanoüie, Le Roi, le bras levé, prêt à trancher sa vie. Ses Fils baignez de pleurs, embrassant ses genoux; Et présentant leur tête au-devant de ses coups. Que vouliez-vous de plus ? que craignez-vous encore?
Je crains le Roi; je crains ces charmes qu'il adore, Ce bras prompt à punir, prompt à se désarmer, Cette colere, enfin, facile à s'enflamer;
Mais qui toûjours douteuse, & toûjours aveuglée, En ces transports soudains s'est peut-être exhalée. Mazael, mon triomphe est encor incertain.
J'ai deux fois en un jour vû changer mon destin;
Deux fois j'ai vû l'amour succeder à la haine ; Et nous sommes perdus, s'il voit encor la Reine.
L vient: de quels ennuis son front paroît chargé !
Eh bien, Seigneur, enfin, n'êtes-vous pas vengé ?
Ah! ma Sœur, à quel point ma flame étoit trahie! Venez contre une ingrate animer ma furie.
De ma douleur mortelle, aïez quelque pitié. Mon cœur n'attend plus rien que de votre amitié. Hélas! plein d'une erreur, erreur, trop fatale, & trop chere, Je vous facrifiois au seul soin de lui plaire;
Je vous comptois déja parmi mes Ennemis. Jepunissois sur vous sa haine & ses mépris. Ah! j'atteste à vos yeux ma tendresse outragée, Qu'avant la fin du jour vous en serez vengée. Je veux, fur-tout, je veux, dans ma juste fureur, La punir du pouvoir qu'elle avoit sur mon cœur. Hélas! jamais ce cœur ne brûla que pour elle. J'aimai, je détestai, j'adorai l'infidelle. Et toi, Varus, & toi, faudra-t'il que ma main, Respecte ici ton crime & le sang d'un Romain ? Non, je te punirai dans un autre toi-même.
Tu verras cet objet, qui m'abhorre, & qui t'ai
Cet objet à mon cœur jadis si précieux,
Dans l'horreur des tourmens expirant à tes yeux.
Que sur toi, s'il se peut, tout son sang rejaillisse.
Tu l'aimes, il suffit, sa mort est ton fupplice.
Il la conseilleroit. N'en doutez point, Seigneur.
Auguste a des Autels où le Romain l'adore; Mais de ses Ennemis le sang y 'fume encore. Auguste à tous les Rois a pris soin d'enseigner,
Comme il faut qu'on les craigne, & comme il faut re
Imitez son exemple, assûrez votre vie,
Tout condamne la Reine, & tout vous justifie. MAZAEL
Ménagéz cependant des momens précieux !
Et tandis que Varus est absent de ces lieux Que par lui, loin des murs, sa garde est disposée,
Saisissez, achevez une vengeance aisée.
Mais, sur tout, aux Hebreux, cachez votre douleur. D'un spectable funeste épargnez-vous l'horreur. Loin de ces tristes lieux, témoins de votre outrage, Fuïez de tant d'objets la douloureuse image. Venez, Seigneur, venez au fond de mon Palais, A vos esprits troublez, daignez rendre la paix. HERODÉ.
Non, ma Sœur, laissez-moi la voir & la confondre. Je veux l'entendre ici, la forcer à répondre :
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