duite en est à peu prés la même : Phedre eft mourante dans l'une & dans l'autre. Thefée est absent dans les premiers Actes: Il pafse pour avoir été aux enfers avec Pirrithous: Hippolite son fils veut quitter Trezene: il veut fuïr Aricie qu'il aime. Il déclare sa paffion à Aricie, & reçoit avec horreur celle de Phedre, il meurt du même genre de mort, & fon Gouverneur fait le recit de fa mort. Il y a plus. Les Personnages des deux Pieces se trouvant dans les mêmes situations, disent presque toûjours les mêmes choses: Mais c'est là qu'on diftingue le grand Homme, & le mauvais Poëte. C'est lorsque Racine & Pradon pensent de même, qu'ils font les plus differens. En voici un exemple bien sensible; dans la déclaration d'Hippolyte à Aricie. Monfieur Racine fait ainsi parler Hippolite, Moi qui contre l'amour fierement révolté, Un moment a vaincu mon audace imprudente. Depuis près de six mois honteux, désesperé, Voici comment Hippolyte s'exprime dans Pradon. Assez & trop long-temps, d'une bouche profane, : Solitaire, farouche, on me voïoit toûjours On ne sçauroit lire ces deux pieces de comparaison, sans admirer l'une, & fans rire de l'autre. C'est pourtant dans toutes les deux le même fonds de sentimens, & de pensées. Car quand il s'agit de faire parler les pafsions, tous les hommes ont presque les mêmes idées, Mais la façon de les exprimer, diftingue l'homme d'esprit, d'avec celui qui n'en a point; l'homme de genie, d'avec celui qui n'a que de l'esprit, & le Poëte d'avec celui qui veut l'être. Pour parvenir à écrire comme M. Racine, il faudroit avoir fon genie, & polir autant que lui ses Ouvrages. Qu'elle défiance ne dois-je donc point avoir, moi qui né avec talens si foibles, & accablé par des maladies continuelles, n'ai ni le don de bien imaginer, ni la liberté de corriger par un travail affidu les défauts de mes Ouvrages. Je sens avec déplaisir toutes 1 les fautes qui sont dans la contexture de cette Piece, auffi-bien que dans la diction. J'en aurois corrigé quelques-unes, si j'avois pû retarder cette Edition; mais j'en aurois laissé encore beaucoup. Dans tous les Arts il y a un terme par-delà lequel on ne peut plus avancer. On eft refferré dans les bornes de fon talent: on void la perfection au-delà de foi, & on fait des efforts impuifsans pour y atteindre. Je ne ferai point une Critique détaillée de cette Piece,: les Lecteurs la feront assez sans moi. Mais je crois qu'il eft necessaire que je parle ici d'une Critique generale qu'on a faite sur le choix du sujet de Mariamne. comme le genie des François est de saisir vivement le côté ridicule des choses les plus serieuses: on disoit que le sujet de Mariamne n'étoit autre chose qu'un vieux mary amoureux & brutal, à qui sa femme refuse avec aigreur le devoir conjugal. Et on ajoûtoit qu'une querelle de ménage ne pouvoit jamais faire une Tragedie. Je supplie qu'on fasse avec moi quelques reflexions fur ce préjugé. Les pieces tragiques font fondées ou fur les intérêts de toute une Nation, ou fur les interêts particuliers de quelques Princes. De ce premier genre font l'Iphigenie en Aulide, ou la Grece assemblée, demande le fang du fils d'Agamemnon : les Horaces, ou trois combattans ont entre les mains le fort de Rome: l'oedipe, où le Salut des Thebains dépend de la découverte du meurtre de Laïus. Du second genre font Britanicus, Phedre, Mithidate, &c. Dans ces trois dernieres tout l'interêt eft renfermé dans la Famille du Heros de la Piece: Tout roule sur des passions que des Bourgeois ressentent comme les Princes. Et l'intrigue de ces Ouvrages est aussi propre à la Comédie, qu'à la Tragedie. Otez les noms, Mithridaten'est qu'un Vieillard amoureux d'une jeune fille : Ses deux fils en font amoureux aussi ; & il se sert d'une ruse assez basse pour decouvrir celui des deux qui est ai mé. Phedre est une Belle-mere, qui enhardie par une intriguante, fait des propositions à son beaufils, lequel est occupé ailleurs. Neron est un jeune homme impetueux qui devient amoureux tout d'un coup: qui dans le moment veut se séparer d'avec sa femme, & se cache derriere une Tapisserie pour écouter les difcours de sa Maitresse. Voilà des sujets que |