Moliere a pû traiter comme Racine. Aufli l'intrigue de l'Avare est-elle précisément la même que celle de Mithridate. Harpagon & le Roi de Pont sont deux Vieillards amoureux ; l'un & l'autre ont leur fils pour rival, l'un & l'autre se servent du même artifice pour découvrir l'intelligence qui est entre leur fils & leur Maîtresse: & les deux Piéces finissent par le mariage du jeune hom me. Moliere & Racine ont également réussi, en traitant ces deux intrigues : l'un a amusé, a réjoüi, a fait rire les honnêtes gens; l'autre a attendri, a effraïé, a fait verser des larmes. Moliere a joüé l'amour ridicule d'un vieil Avare: Racine a représenté les foiblesses d'un grand Roi, & les a renduës respectables. Que l'on donne une Nôce a peindre, à Vato, & ale Brun. L'un representera sous une treille des Païfans pleins d'une joïe naïve, groffiere, & effrenée, au tour d'une Table rustique, où l'yvresse, l'emportement, la débauche, le rire immodere regneront. L'autre peindra les Nôces de Pelée & de Thetis, le Festin des Dieux, leur joïe majestueuse. Et tous deux feront arrivez à la perfection de leur ( 1 Art, par des chemins differens. On peut appliquer tous ces exemples à Mariamne. La mauvaise humeur d'une femme, l'amour d'un vieux mari, les Tracafferies d'une belle-fœur, sont des petits objets comiques par eux-mêmes. Mais un Roi à qui la terre a donné le nom de grand, éperdument amoureux de la plus-belle femme de l'Univers, la passion furieuse de ce Roi si fameux par ses vertus & par ses crimes : Ses cruautez passées, ses remords prefens : ce passage si continuel & fi rapide de l'amour à la haine, & de la haine à l'amour: l'ambition de sa sœur, les intrigues de ses Ministres; la situation cruelle d'une Princesse dont la vertu & la beauté sont celebres en cor dans le monde, qui avoit vû son pere & fon frere livrez à la mort par fon mari, & qui pour comble de douleur se voyoit aimée du Meurtrier de sa Famille : Quel champ! quelle carriere pour un autre genie que le mien ! Peut-on dire qu'un tel sujet soit indigne de la Tragedie! Je souhaite sincerement que le même Autheur, qui va donner une nouvelle Tragedie d'Oedipe, retouche aussi le sujet de Mariamne. Il fera voir au Public quelles refsources un genie fécond peut trouver dans ces deux grands sujets : Ce qu'il fera, m'apprendra ce que j'aurois du faire. Il commencera où je finis. Ses succès me feront chers, parce qu'ils feront pour moi des leçons, & parce que je préfere la perfection de mon art, à ma réputation. Je profite de l'occasion de cette Preface pour avertir que le Poëme de la Ligue que j'ai promis, n'est point celui dont on a plufieurs Editions & qu'on débite sous mon nom, Sur tout je défavouë celui qui est imprimé à Amsterdam chez Jean-Federic Bernard en 1724. On y a ajouté beaucoup de Pieces, fugitives, dont la plupart ne sont point de moi. Et le petit nombre de celles qui m'appartiennent, y est entieremet dèfiguré. Je suis dans la résolution de fatisfaire le plus promptement qu'il me sera possible, aux engagemens que j'ai pris avec le Public pour l'Edition de ce Poëme. J'ai fait graver avec beaucoup de soin des Estampes très-belles, fur les desseins de Messieurs de Troye, le Moine & Veugle. Mais la perfection d'un Poëme demande plus de temps que celle d'un Tableau. Toutes les fois que je confidere ce fardeau pénible que je me fuis imposé moi-même, je suis effraïé de sa pésanteur, & je me repens d'avoir osé promettre un Poëme-Epique. Il y a environ quatre-vingt Personnes à Paris qui ont souscrit pour l'Edition de cet Ouvrage ; quelques-uns de ces Mefsieurs ont crié de ce qu'on les faisoit attendre. Les Libraires n'ont eû autre chose à leur répondre que de leur rendre leur argent ; & c'est ce qu'on a fait à Bureau ouvert chez Noël Pissot, Libraire, à la Croix d'Or, Quay des Augustins. A l'égard des Gens raisonnables qui aiment mieux avoir tard un bon Ouvrage, que d'en avoir de bonne heure un mauvais. Ce que j'ai à leur dire, c'est que lorsque je ferai imprimer le Poëme de Henri IV. quelque tard que je le donne, je leur demanderai toûjours pardon, de l'avoir donné trop tôt. VARUS, Préteur Romain, Gouverneur de Syrie. HERODE, Roi de la Palestine. SALOME, Sœur d'Herode. ALBIN, Confident de Varus. MAZAEL, Miniftres d'Herode. IDAMAS, NABAL, ancien Officier des Rois Afmo néens. ELIZE Confidente de Mariamne. Suite de Varus. Suite d'Herode. La Scene est à Ferufalem. |