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considération de la toute-science de Dieu, qui connaît toutes les choses présentes, passées et à venir, et devant qui toutes les pensées du cœur de l'homme sont toujours à découvert. Car qui peut douter que Dieu ne puisse communiquer à ces esprits glorieux, qui sont immédiatement à sa suite, quelques-unes de ses perfections, en telle proportion qu'il veut, autant que des êtres finis en sont capables? On rapporte de M. Pascal, dont le grand esprit tenait du prodige, que jusqu'à ce que le déclin de sa santé eût affaibli sa mémoire, il n'avait rien oublié de tout ce qu'il avait fait, lu ou pensé, depuis l'âge de raison. C'est là un privilége si peu connu de la plupart des hommes, que la chose paraît presque incroyable à ceux qui, selon la coutume, jugent de tous les autres par euxmêmes. Cependant la considération d'une telle faculté dans M. Pascal, peut servir à nous représenter de plus grandes perfections de cette espèce, dans les esprits d'un ordre supérieur. Car enfin, cette qualité de M. Pascal était réduite aux bornes étroites où l'esprit de l'homme se trouve resserré, je veux dire, à n'avoir une grande diversité d'idées que par succession, et non tout-à-la-fois : au lieu que différents ordres d'anges peuvent probablement avoir des vues plus étendues, et quelques-uns d'eux être actuel

lement enrichis de la faculté de retenir et d'avoir constamment et tout-à-la-fois devant eux, comme dans un tableau, toutes leurs connaissances précédentes. Il est aisé de voir que ce serait un grand avantage à un homme qui cultive son esprit, s'il avait toujours devant les yeux toutes les pensées qu'il a jamais eues, et tous les raisonnements qu'il a jamais faits. D'où nous pou vons conclure, en forme de supposition, que c'est là un des moyens par où la connaissance des purs esprits peut être excessivement supérieure à la nôtre.

§ 10.

Les Bétes ont de la Mémoire.

Il me semble, au reste, que cette faculté de rassembler et de conserver les idées, se trouve en un grand degré dans plusieurs autres animaux, aussi-bien que dans l'homme; car, sans rapporter plusieurs autres exemples, de cela seul que les oiseaux apprennent des airs, et s'appliquent visiblement à en bien marquer les notes, je ne saurais m'empêcher d'en conclure que ces oiseaux ont de la perception, et qu'ils conservent dans leur mémoire des idées qui leur servent de modèle; car il me paraît impossible qu'ils pussent s'appliquer (comme il est clair qu'ils le font) à conformer leur voix à des

tons dont ils n'auraient aucune idée. Et, en effet, quand même j'accorderais que le son peut exciter mécaniquement un certain mouvement d'esprits animaux dans le cerveau de ces oiseaux, tandis qu'on leur joue actuellement un air, et que le mouvement peut être continué jusqu'aux muscles des ailes, en sorte que l'oiseau soit poussé mécaniquement par certains bruits à prendre la fuite, parce que cela peut contribuer à sa conservation; on ne saurait pourtant supposer cela comme une raison pourquoi, en jouant un air à un oiseau, et moins encore après qu'on a cessé de le jouer, cela devrait produire mécaniquement, dans les organes de la voix de cet oiseau, un mouvement qui l'obligeât à imiter les notes d'un son étranger, dont l'imitation ne peut être d'aucun usage à la conservation de ce petit animal. Mais, qui plus est, on ne saurait supposer avec quelque apparence de raison, et moins encore prouver que des oiseaux puissent, sans sentiment ni mémoire, conformer peu à peu et par degrés les inflexions de leur voix, à un air qu'on leur joua hier; puisque s'ils n'en ont aucune idée dans leur mémoire, il n'est présentement nulle part, et, par conséquent, il ne peut être pour eux un modèle à imiter, ou dont ils cherchent à approcher par des essais réitérés. Car il n'y a point de raison

pour que le son du flageolet laissât dans leur cerveau des traces qui ne devraient point produire de pareils sons dans le premier moment; mais seulement après certains efforts, que les oiseaux sont obligés de faire, lorsqu'ils ont entendu le flageolet: et d'ailleurs, il est impossible de concevoir pourquoi les sons qu'ils rendent eux-mêmes, ne feraient pas des traces qu'ils devraient suivre, tout aussi bien que celles que produit le son du flageolet.

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CHAPITRE XI.

DE LA FACULTÉ DE DISTINGUER les idées, et de
QUELQUES AUTRES OPERATIONS DE L'ESPRIT.

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UNE autre faculté que nous pouvons remarquer dans notre esprit, c'est celle de discerner ou distinguer ses différentes idées. Il ne suffit pas que l'esprit ait une perception confuse de quelque chose en général; s'il n'avait pas, outre cela, une perception distincte de divers objets et de leurs différentes qualités, il ne serait capable que d'une très-petite connaissance, quand même l'action des corps qui nous environnent serait aussi vive et aussi constante qu'elle l'est présentement, et quoique l'esprit fût continuellement occupé à penser. C'est de cette faculté, de distinguer une chose d'avec une autre,

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