voir que le nombre en ait été diminué (57). § 8. Lorsque les enfants ont acquis, par des sensations réitérées, des idées qui se sont imprimées dans leur mémoire, ils commencent à apprendre par degrés l'usage des signes. Et quand ils ont plié les organes de la parole, à former des sons articulés, ils commencent à se servir de mots pour faire comprendre leurs idées aux autres. Et ces signes nominaux, ils les apprennent quelquefois des autres hommes, et quelquefois avoir pondu ses oeufs sur le rivage, les enfouit dans le sable, où la chaleur du soleil les fait éclore dans' 'quarante jours. Ce terme échu, la tortue se rend au lieu où elle avait mis ses œufs, pour emmener ses petits dans la mer. A-t-elle compté les quarante jours? Elien l'assure positivement (*), mais un de ses commentateurs soutient que la tortue n'est déterminée à cela que (**) par instinct, grand mot qui ne signifie rien, ou doit signifier une direction sûre, constante, infaillible. (57) « Quant à la multitude précise, les hommes mêmes << ne sauraient connaître les nombres des choses que par quelque adresse, comme en se servant des noms numé«raux pour compter, ou des dispositions en figure, qui fassent connaître d'abord, sans compter, s'il manque quelque chose. » (*) Variæ Hist. lib. I, c. 6. (**) Instinctus naturæ (Schefferus), p. 6. ils en inventent eux-mêmes, comme chacun peut le voir par ces noms nouveaux et inusités que les enfants donnent souvent aux choses lorsqu'ils commencent à parler. 1 § 9. Ce que c'est qu'Abstraction: Or, comme on n'emploie les mots que pour ètre des signes extérieurs des idées qui sont dans l'esprit, et que ces idées sont prises de choses particulières, si chaque idée particulière que nous recevons devait être marquée par un terme distinct, le nombre des mots serait infini. Pour prévenir cet inconvénient, l'esprit rend générales les idées particulières qu'il a reçues par l'entremise des objets particuliers, ce qu'il fait en considérant ces idées comme des apparences séparées de toute autre chose, et de toutes les circonstances qui font qu'elles représentent des êtres particuliers actuellement existants, comme sont le temps, le lieu et autres idées concomittanes. C'est ce qu'on appelle abstraction, par où les idées tirées de quelque être particulier, devenant générales," représentent tous les êtres de la même espèce, de sorte que les noms généraux qu'on leur donne peuvent être appliqués à tout ce qui, dans les êtres actuellement existants, convient à ces idées abstraites. Ces idées simples et précises que l'esprit se représente sans considérer comment, d'où et avec quelles autres idées elles lui sont venues, l'entendement les met à part, avec les noms qu'on leur donne communément, comme autant de modèles, auxquels on puisse rapporter les êtres réels sous différentes espèces, selon qu'ils correspondent à ces exemplaires, en les désignant suivant cela par différents noms. Ainsi, remarquant aujourd'hui, dans de la craie ou dans la neige, la même couleur que le lait excita hier dans mon esprit, je considère cette idée unique, je la regarde comme une représentation de toutes les autres de cette espèce, et lui ayant donné le nom de blancheur, j'exprime par ce son, la -même qualité, en quelque endroit que je puisse Bimaginer, ou la rencontrer et c'est ainsi que se forment les idées universelles, et les termes qu'on emploie pour les désigner. § 10. Les Bétes ne forment point d'abstraction. Si l'on peut douter que les bêtes composent et étendent leurs idées de cette manière, à un certain degré, je crois être en droit d'affirmer que la puissance de former des abstractions ne leur a pas été donnée, et que cette faculté de former des idées générales est ce qui met une parfaite distinction entre l'homme et les brutes, excellente qualité qu'elles ne sauraient acquérir en aucune manière par le secours de leurs facultés (58). Car il est évident que nous n'observons dans les bêtes aucunes preuves qui nous puissent faire connaître qu'elles se servent de signes généraux pour désigner des idées universelles; et puisqu'elles n'ont point l'usage des mots ni d'aucuns autres signes généraux, nous avons raison de penser qu'elles n'ont point la faculté de faire des abstractions, ou de former des idées générales. S II. Or, on ne saurait dire, que c'est faute d'organes propres à former des sons articulés qu'elles ne font aucun usage, ou n'ont aucune connaissance des mots généraux, puisque nous en voyons plusieurs qui peuvent former de tels α (58) « Je suis du même sentiment. Elles connaissent apparemment la blancheur et la remarquent dans la craie « comme dans la neige; mais ce n'est pas encore abstrac<< tion : : car elle demande une considération du commun << séparé du particulier; et par conséquent il y entre la <connaissance des vérités universelles, qui n'est point « donnée aux bêtes. »> sons, et prononcer des paroles assez distinctement, mais qui n'en font jamais une pareille application. D'autre part, les hommes qui, par quelque défaut dans les organes, sont privés de l'usage de la parole, ne laissent pourtant pas d'exprimer leurs idées universelles par des signes qui leur tiennent lieu des termes généraux: faculté que nous ne découvrons point dans les bêtes. Nous pouvons donc supposer, à mon avis, que c'est en cela que les bêtes diffèrent de l'homme. C'est là, dis-je, la différence caractéristique par laquelle ces deux sortes de créatures sont entièrement séparées, et qui met enfin une si vaste distance entre elles; car si les bêtes ont quelques idées, et ne sont pas de pures machines, comme quelques-uns le prétendent, nous ne saurions nier qu'elles n'aient de la raison dans un certain degré. Et pour moi, il me paraît aussi évident qu'il y en a quelques-unes qui raisonnent en certaines rencontres, qu'il me paraît qu'elles ont du sentiment; mais c'est seulement sur des idées particulières qu'elles raisonnent selon que leurs sens les leur présentent (59).. (59) « Les bêtes passent d'une imagination à une autre << par la liaison qu'elles y ont sentie autrefois.... On pour<< rait appeler cela conséquence et raisonnement dans un << sens fort étendu mais j'aime mieux me conformer à : |