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§ 16:

Sur quoi on en appelle à l'expérience. Quant à moi, je déclare sincèrement que c'est là la seule voie par où je puis découvrir que les idées des choses entrent dans l'entendement. Si d'autres personnes ont des idées innées ou des principes infus, ils ont raison de s'en contenter; et s'ils en sont pleinement assurés, il est impossible aux autres homines de leur refuser ce privilége qu'ils ont par-dessus leurs voisins. Je ne saurais parler, à cet égard, que de ce que je trouve en moi-même, et qui s'accorde avec les notions qui semblent dépendre des fóndements que j'ai posés, et s'y rapporter dans toutes leurs parties et dans tous leurs différents degrés, selon la méthode que je viens d'exposer, comme on peut s'en convaincre en examinant tout le cours de la vie des hommes dans leurs différents âges, dans leurs différents pays, et par rapport à la différente manière dont ils sont élevés.

§ 17.

Notre Entendement comparé à une chambre obscure.

Je ne prétends pas enseigner, mais chercher la vérité. C'est pourquoi je ne puis m'empêcher

:

de déclarer, encore une fois, que les sensations extérieures et intérieures sont les seules voies par où je puis trouver que la connaissance entre dans l'entendement humain. Ce sont là, dis-je, autant que je puis m'en apercevoir, les seuls passages par lesquels la lumière entre dans cette chambre obscure. Car, à mon avis, l'entendement ne ressemble pas mal à un cabinet entièrement obscur, qui n'aurait que quelques petites ouvertures pour laisser entrer par dehors les images extérieures et visibles, ou, pour ainsi dire, les idées des choses: tellement que si ces images venant à se peindre dans ce cabinet obscur, pouvaient y rester, et y être placées en ordre, en sorte qu'on pût les trouver dans l'occasion, il y aurait une grande ressemblance. entre ce cabinet et l'entendement humain, par rapport à tous les objets de la vue, et aux idées qu'ils excitent dans l'esprit.

Ce sont là mes conjectures touchant les moyens par lesquels l'entendement vient à recevoir et à conserver les idées simples et leurs différents modes, avec quelques autres opérations qui les concernent. Je vais présentement examiner, avec un peu plus de précision, quelques-unes de ces idées simples et leurs modes.

CHAPITRE XII.

DES IDÉES COMPLEXES.

§ 1.

Les Idées complexes sont celles que l'esprit compose des idées simples.

NOUS

ous avons considéré jusqu'ici les idées dans la réception desquelles l'esprit est purement passif, c'est-à-dire, ces idées simples qu'il reçoit par la sensation et par la réflexion, en sorte qu'il n'est pas en son pouvoir d'en produire en lui-même aucune nouvelle de cet ordre, ni d'en avoir aucune qui ne soit pas entièrement composée de celles-là. Mais quoique l'esprit soit purement passif dans la réception de toutes ses idées simples, il produit néanmoins de lui-même plusieurs actes par lesquels il forme d'autres idées, composées des idées simples qu'il a reçues, et qui sont les matériaux et les fondements de toutes ses pensées. Voici en quoi consistent principalement ces actes de l'esprit : 1. A combiner plusieurs idées simples en une seule; et c'est par ce moyen que se font toutes les idées complexes. 2. A joindre deux idées ensemble, soit qu'elles soient simples ou complexes, et à les placer l'une près de l'autre, en sorte qu'on les voie tout à la fois sans les combiner en une seule idée : c'est par là que l'esprit se forme toutes les idées des relations. 3. Le troisième de ces actes consiste à séparer des idées d'avec toutes les autres qui existent réellement avec elles : c'est ce qu'on nomme abstraction; et c'est par cette voie que l'esprit forme toutes ses idées générales. Ces différents actes montrent quel est le pouvoir de l'homme, et que ses opérations sont à peu près les mêmes dans le monde matériel et dans le monde intellectuel. Car les matériaux de ces deux mondes sont de telle nature, que l'homme ne peut ni en faire de nouveaux, ni détruire ceux qui existent; toute sa puissance se terminant uniquement ou à les unir ensemble, ou à les placer les uns auprès des autres, ou à les séparer entièrement. Dans le dessein que j'ai d'examiner nos idées complexes, je commencerai par le premier de ces actes, et je parlerai des autres dans un autre endroit. Comme on peut observer que les idées simples existent en différentes combinaisons, l'esprit a la puissance de considérer comme une seule idée plusieurs de ces idées jointes ensemble; et cela, non-seulement selon qu'elles sont unies dans les objets extérieurs, mais selon qu'il les a jointes lui-même. Ces idées formées ainsi de plusieurs idées simples mises ensemble, je les nomme complexes, telles sont la beauté, la reconnaissance, un homme, une armée, l'univers. Et quoiqu'elles soient composées de différentes idées simples, ou d'idées complexes, formées d'idées simples, l'esprit considère pourtant, quand il veut, ces idées complexes, chacune à part, comme une chose unique, qui fait un tout désigné par un seul nom..

§ 2.

C'est volontairement qu'on fait des idées complexes.

Par cette faculté que l'esprit a de répéter et de joindre ensemble ses idées, il peut varier et multiplier à l'infini les objets de ses pensées, au-delà de ce qu'il a reçu par sensation ou par réflexion : mais tout cela se réduit toujours aux idées simples que l'esprit a reçues de ces deux sources, et qui sont les matériaux dans lesquels se résolvent enfin toutes les compositions qu'il peut faire. Car, les idées simples sont toutes tirées des choses même, et l'esprit n'en

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