tain ordre d'architecture qui leur est propre. | espèce de pyramide qui s'étend du midi au Ce qui surprend, c'est qu'ils n'ont point d'autre outil que des haches de pierre pour couper le bois et le mettre en œuvre. Les femmes s'occupent avec grand soin à fabriquer des toiles et à faire tous les ustensiles du ménage, auxquels elles emploient une terre préparée de longue main. Les vases qu'elles travaillent avec cette terre sont si beaux et si délicats qu'à en juger par le son, on croiroit qu'ils sont de métal. nord et dont les extrémités sont habitées par ces Indiens; au milieu sont d'autres peuples aussi différens pour la langue qu'ils parlent qu'ils sont semblables pour la vie barbare qu'ils mènent. A la base de la pyramide sont à l'orient les Quimonocas, et à l'occident les Tapacuras. Le côté du nord, en laissant au delà les Puizocas et les Paunacas, est environné de deux rivières, nommées Potaquissimo et Zununaca, Leurs villages sont peu éloignés les uns des dans lesquelles se jettent plusieurs ruisseaux autres: c'est ce qui facilite les fréquentes viqui portent la fécondité dans toutes ces terres. sites qu'ils se rendent et les festins qu'ils se Les premiers villages vers l'orient sont ceux donnent très-souvent et où ils ne manquent | des Eirinucas, etc.'; vers l'occident se trouvent guère de s'enivrer. Dans ces assemblées publiques, le cérémonial indien donne la place d'honneur au cacique; les mapono, ou prêtres des idoles, occupent la troisième place; les médecins sont au troisième rang; après eux les capitaines et ensuite le reste de la noblesse. Les habitans de chaque village rendent à leur cacique une obéissance entière; ils bâtissent ses maisons, ils cultivent ses terres, ils fournissent sa table de ce qu'il y a de meilleur dans le pays; c'est lui qui commande dans tout le village et qui fait punir les coupables. Les femmes sont tenues à la même obéissance à l'égard de la principale femme du cacique (car il peut en avoir tant qu'il lui plaît). Tous lui paient la dixième partie de leur pêche ou de leur chasse, et ils ne peuvent y aller sans avoir obtenu sa permission. ceux de Zounaaca, etc.*; en tirant de là vers la pointe de la pyramide au nord, on rencontre les Quimiticas, etc.5. Les Zibacas, qui n'en sont pas fort éloignés, ont été jusqu'ici préservés des irruptions des Mamelus, lesquels ont désolé tout le reste du pays qui s'étend jusqu'au fleuve Paraguay. Entre l'orient et le septentrion, derrière les Zibacas et à plusieurs lieues plus loin, on trouve les Parabacas, les Quiziacas, les Naquicas et les Mapasinas, nation fort brave, mais qui a été détruite en partie par une sorte d'oiseaux nommés peresiucas, qui vivent sous terre et qui, n'étant pas plus gros qu'un moineau, ont tant de force et sont si hardis que, voyant un Indien, ils se jettent dessus et le tuent. Vis-à-vis de ces peuples sont les Mochozuus et les Picozas, qui vont brutalement tout nus; les femmes mêmes n'ont qu'une bandelette qui leur pend du col pour y attacher leurs enfans. Les Tapacuras, qui s'étendent entre l'occident et le septentrion, sont également nus et se nourrissent de chair humaine. Fort près de lå sont les Boures, etc. 4. Le gouvernement y est héréditaire. On y prépare de bonne heure le fils aîné du cacique par l'autorité qu'on lui donne sur toute la jeunesse, et c'est comme un apprentissage qu'il fait de bien gouverner. Quand il est parvenu à un âge mûr et capable du maniement des affaires, son père se démet du gouvernement et il lui en donne l'investiture avec beaucoup de cérémonies. Tout dépossédé qu'il est, on n'en a pas moins d'affection et de respect pour lui. 2 Quitemuca, Ovizibica, Beruca, Obariquica, OboboQuand il vient à mourir, ses obsèques se font coca, Monocaraca, Quizemaaca, Simomuca, Piquica, avec grand appareil, où l'on mêle une infinité ❘ Otuquimaaca, Ouituuca, Bararoca, Quimamaca, Cuzica, de superstitions. Son sépulcre se place dans une voûte souterraine bien murée, afin que l'humidité n'altère pas sitôt ses ossemens. La nation des Mannacicas est, comme je l'ai déjà dit, fort nombreuse et se divise en une multitude de noms et de peuples dont je renvoie les noms à la marge. Leur pays forme une • Muposicos, Zibacas, Jurocarecas, Quiviquicas, Cozocas, Subarecas, Ibocicas, Ozonimaaca, Tunumaaca, Zouca, Quitesuca, Osaaca, Matezupinica, Totaica, Quinomeca. Pichazica et d'autres encore qu'on ne connaît point. Bovituzaica, Sepeseca, Otaroso, Tobaizica, Munaizica, Zaruraca, Obisisioca, Baquica, Obobizooca, Sosiaca, Otenemema, Otigoca, Barayzipnnoca, Zizooca, Tobazica. 4 Oyures, Sepes, Carababas, Payzinones, Toros, Omunaizis, Canamasi, Comano, Penoquis, Jovatabes, Zutimus, Oyurica, Sibu, Otezoo, Baraisi, Mochosi, Tesu, Pochaquiunape, Mayeo, Jobarasica, Zasuquichoco, Tepopechosisos, Sosoaca, Zumonocococa et plusieurs autres dont on n'a pu encore avoir connaissance. Pour ce qui est de la religion de ces peuplesque qui sert de temple aux dieux. Une partie et des cérémonies qu'ils y observent, il n'y a point de nation plus superstitieuse. Cependant, au travers de fables grossières et ridicules et des dogmes monstrueux qui les asservissent au démon, on ne laisse pas de découvrir quelques traces de la vraie foi, qui, selon la commune opinion, leur fut prêchée par Saint-Thomas ou par ses disciples: il paroît même qu'ils ont quelque idée confuse de l'avénement de Jésus-Christ incarné pour la rédemption des hommes. C'est une tradition parmi eux que dans les siècles passés, une dame d'une grande beauté conçut un fort bel enfant sans l'opération d'aucun homme; que cet enfant, étant parvenu à un certain âge, opéra les plus grands prodiges qui remplirent toute la terre d'admiration; qu'il guérit les malades, ressuscita les morts, fit marcher les boiteux, rendit la vue aux aveugles et fit une infinité d'autres merveilles qui étoient fort au-dessus des forces humaines; qu'un jour, ayant rassemblé un grand peuple, il s'éleva dans les airs et se transforma dans ce soleil que nous voyons. «Son corps est tout lumineux, disent les mapono ou prêtres des idoles, et s'il n'y avoit pas une si grande distance de lui à nous, nous pourrions distinguer les traits de son visage. >>> Il paroît très-naturel qu'un si grand personnage fût l'objet de leur culte; cependant ils n'adorent que des démons et ils disent qu'ils apparoissent quelquefois à eux sous des formes horribles. Ils reconnoissent une trinité de dieux principaux qu'ils distinguent des autres dieux qui ont beaucoup moin d'autorité, savoir: le père, le fils et l'esprit. Ils nomment le père Omequeturiqui, ou bien Uragozorizo; le nom du fils est Uruzana, et l'esprit se nomme Urupo. Cette vierge, qu'ils appellent Quipoci, est la mère du dieu Uruzana et la femme d'Uragozorizo. Le père parle d'une voix haute et distincte; le fils parle du nez, et la voix de l'esprit est semblable au tonnerre. Le père est le dieu de la justice et châtie les méchans; le fils et l'esprit, de même que la déesse, font la fonction de médiateurs et intercèdent pour les coupables. C'est une vaste salle de la maison du caci de la salle se ferme d'un grand rideau, et c'est là le sanctuaire où ces trois divinités, qu'ils appellent d'un nom commun à toutes trois Tinimacaas, viennent recevoir les hommages des peuples et publier leurs oracles. Ce sanctuaire n'est accessible qu'au principal mapono, car il y en a deux ou trois autres subalternes en chaque village, mais il leur est défendu d'en approcher, sous peine de mort. C'est d'ordinaire dans le temps des assemblées publiques que ces dieux se rendent dans leur sanctuaire: un grand bruit, dont toute la maison retentit, annonce leur arrivée. Ces peuples, qui passent le temps à boire et à danser, interrompent leurs plaisirs et poussent de grands cris de joie pour honorer la présence de leurs dieux. « Tata equice, » disent-ils; c'està-dire: «Père êtes-vous déjà venu ? » Ils entendent une voix qui leur répond : « Panitoques, » qui veut dire: « Enfans! courage, continuez à bien boire, à bien manger et à bien vous divertir; vous ne sauriez me faire plus de plaisir: j'ai grand soin de vous tous, c'est moi qui vous procure les avantages que vous retirez de la chasse et de la pêche, c'est de moi que vous tenez tous les biens que vous possédez. >>> Après cette réponse, que ces peuples écoutent en grand silence et avec respect, ils retournent à leur danse et à la chicha, qui est leur boisson, et bientôt leurs têtes étant échauffées par l'excés qu'ils font de cette liqueur, la fête se termine par des querelles, par des blessures et par la mort de plusieurs d'entre eux, Les dieux ont soif à leur tour et demandent à boire: aussitôt on prépare des vases ornés de fleurs, et on choisit l'Indien et l'Indienne qui sont le plus en vénération dans le village pour présenter la boisson. Le mapono entr'ouvre un coin du rideau et la reçoit pour la porter aux dieux, car il n'y a que lui qui soit leur confident et qui ait le droit de les entretenir. Les offrandes de ce qu'on a pris à la chasse et à la pêche ne sont pas oubliées. Quand ces peuples sont au fort de leur ivresse et de leurs querelles, le mapono sort du sanctuaire, et leur imposant silence, il leur annonce qu'il a exposé aux dieux leurs besoins, qu'il en a reçu les réponses les plus favorables; qu'ils leur promettent toute sorte de prospérités, de la pluie selon les besoins, une bonne récolte, une chasse et une pêche abondante, et tout ce qu'ils peu avec elle. vent désirer. Un jour qu'un de ces Indiens, ❘ ciel, où il l'attend pour partager son bonheur moins dupe que ses compatriotes, s'avisa de dire en riant que les dieux avoient bien bu et que la chicha les avoit rendus de bonne humeur, le mapono, qui entendit ce trait de raillerie, changea aussitôt ses magnifiques promesses en autant d'imprécations, et les menaça de tempêtes, de tonnerre, de la famine et de la mort. Ce voyage du mapono avec l'âme est pénible: il lui faut traverser d'épaisses forêts, des montagnes escarpées, descendre dans des vallées remplies de rivières, de lacs et de marais bourbeux jusqu'à ce qu'enfin, après bien des fatigues, il arrive à une grande rivière, sur laquelle est un pont de bois gardé nuit et jour par un dieu nommé Tatusiso, qui préside au passage des âmes et qui met le mapono dans le Il arrive souvent que ce mapono rapporte de la part des dieux des réponses bien cruelles. II ordonne à tout le village de prendre les armes, d'aller fondre sur quelqu'un des villages voi-chemin du ciel. sins, de piller tout ce qui s'y trouvera et d'y mettre tout à feu et à sang : il est toujours obéi; c'est ce qui entretient parmi ces peuples des inimitiés et des guerres continuelles, et ce qui les porte à s'entre-détruire les uns les autres; c'est aussi la récompense des hommages qu'ils rendent à l'esprit infernal, qui ne se plaît que dans le trouble et la division et qui n'a d'autre but que la perte éternelle de ses adorateurs. Outre ces dieux principaux, ils en adorent d'autres d'un ordre inférieur, qu'ils nomment Isituus, ce qui signifie seigneurs de l'eau. L'emploi de ces dieux est de parcourir les rivières et les lacs et de les remplir de poissons en faveur de leurs dévots. Ceux-ci les invoquent dans le temps de leur pêche et les encensent avec de la fumée de tabac. Si la chasse ou la pêche a été abondante, ils vont au temple leur en offrir une partie en signe de reconnoissance. Ces idolâtres croient que les âmes sont immortelles, ils les nomment oquipau, et qu'au sortir de leur corps, elles sont portées par leurs prêtres dans le ciel, où elles doivent se réjouir éternellement. Quand quelqu'un vient à mourir, on célèbre ses obsèques avec plus ou moins de solennité, selon le rang qu'il tenoit dans le village. Le mapono, auquel ils croient que cette âme est confiée, reçoit les offrandes que la mère et la femme du défunt lui apportent; il répand de l'eau pour purifier l'âme de ses souilJures; il console cette mère et cette femme affligées et leur fait espérer que bientôt il aura d'agréables nouvelles à leur dire sur l'heureux sort de l'âme du défunt, et qu'il va la conduire au ciel. Après quelque temps, le mapono, de retour de son voyage, fait venir la mère et la femme; et, prenant un air gai, il ordonne à celle-ci d'essuyer ses larmes et de quitter ses habits de deuil, parce que son mari est heureusement dans le Ce dieu a le visage pâle, la tête chauve, une physionomie qui fait horreur, le corps plein d'ulcères et couvert de misérables haillons. II ne va point au temple pour y recevoir les hommages de ses dévots, son emploi ne lui en donne pas le loisir, parce qu'il est continuellement occupé à passer les âmes. Il arrive quelquefois que ce dieu arrête l'âme au passage, surtout si c'est celle d'un jeune homme, afin de la purifier. Si cette âme est peu docile et résiste à ses volontés, il s'irrite, il prend l'âme et la précipite dans la rivière afin qu'elle se noie. C'est là, disent-ils, la source de tant de funestes événemens qui arrivent dans le monde. Des pluies abondantes et continuelles avoient ruiné les moissons dans la terre des Indiens Jurucares; le peuple, qui étoit inconsolable, s'adressa au mapono pour demander aux dieux quelle étoit la cause d'un si grand malheur. Le mapono, après avoir pris le temps de consulter les dieux, rapporta leur réponse, qui étoit qu'en portant au ciel l'âme d'un jeune homme dont le père vivoit encore dans le village, celle âme manqua de respect au Tatusiso et ne voulut point se laisser purifier, ce qui avoit obligé ce dieu, cruellement irrité, de la jeter dans la rivière. A ce récit, le père du jeune homme, qui aimoit tendrement son fils et qui le croyoit déjà au ciel, ne pouvoit se consoler; mais le mapono ne manqua pas de ressource dans ce malheur extrême. Il dit au père affligé que, s'il vouloit lui préparer un canot bien propre, il iroit chercher l'âme de son fils au fond de la rivière. Le canot fut bientôt prêt, et le mapono le chargea sur ses épaules. Peu après, les pluies étant cessées et le ciel devenu serein, il revint avec d'agréables nouvelles, mais le canot ne reparut jamais. Du reste, c'est un pauvre paradis que le leur, et les plaisirs qu'on y goûte ne son guère capa- mac bien chaud pour prendre goût à un mets bles de contenter un esprit tant soit peu raison- | semblable. Après être descendus de la montagne, ses guides se trompèrent et ne prirent pas le droit chemin. Errant à l'aventure dans des bois épais, il fut si maltraité des branches d'arbres souvent entrelacées ensemble, des arbres épineux, des herbes piquantes, des taons et des mos nable. Ils disent qu'il y a de fort gros arbres qui distillent une sorte de gomme dont ces âmes subsistent; que l'on y trouve des singes que l'on prendroit pour des Éthiopiens; qu'il y a du miel et un peu de poisson; qu'on y voit voler de toutes parts un grand aigle, sur lequel ils débitent beaucoup de fables ridicules et si dignes ❘ quites, qu'il ne pouvoit se soutenir sur ses pieds de compassion qu'on ne peut s'empêcher de déplorer l'aveuglement de ces pauvres peu-ples. et que ses néophytes étoient obligés de le mettre sur son cheval et de l'en descendre. Enfin, après bien des incommodités souffertes dans ce voyage, il approcha du village des Sibacas: c'est le lieu dont le mapono avoit juré sa perte l'année précédente, ainsi que je l'ai rapporté, et qui peu après fut enlevé avec ses complices par une maladie contagieuse dont le village fut affligé. Le père Cavallero avoit employé tout l'hiver à cultiver dans la peuplade les nouveaux chrétiens et à instruire les catéchumènes : le retour de la belle saison l'avertissoit de continuer ses excursions apostoliques, mais les besoins de ses néophytes le retinrent plus de temps qu'il ne croyoit; ce ne fut qu'à la mi-octobre et aux apLe père envoya au-devant un fervent chréproches de l'hiver qu'il partit avec quelques ❘ tien nommé Numani, afin de pressentir la dis fervens néophytes qui, avant leur départ, s'étoient fortifiés de la divine eucharistie et s'étoient préparés à répandre leur sang pour annoncer Jésus-Christ aux nations infidèles. Les pluies ne recommencèrent pas sitôt qu'ils l'appréhendoient, et ils eurent beaucoup à souffrir de la soif dans leur voyage, surtout pendant deux jours où ils furent obligés d'abord de comprimer avec les mains un peu de terre imbibée d'eau pour en tirer quelques gouttes et se rafraîchir la bouche; mais enfin, lorsqu'ils étoient extrêmement pressés de la soif, ils trouvèrent dans le creux d'un arbre une eau pure et claire, et en assez grande quantité pour se désaltérer. position de ces peuples. Il les trouva persuadés que la mort du mapono, causée par la contagion assez récente, étoit une punition de leurs dieux, d'où ils concluoient que le missionnaire étoit leur grand ami et qu'il falloit bien le recevoir. Ainsi ce n'étoit point le désir de profiter de ses instructions, mais la crainte d'un nouveau désastre qui les portoit à lui faire un bon accueil. Le père, étant entré dans le village, tira à part le cacique et commença par détruire le préjugé ridicule qu'il s'étoit formé ; il lui découvrit ensuite le motif qui lui avoit fait supporter tant de fatigues pour le venir voir; qu'il étoit touché de leur aveuglement et de la vie malheureuse qu'ils menoient sous la tyrannie du démon; qu'il venoit dissiper leurs ténèbres et les éclairer des lumières de la foi, en leur faisant connoître le vrai Dieu pour l'adorer, et sa sainte loi pour l'observer, et se procurer par là un véritable bonheur dans cette vie et dans l'autre. Les premiers villages où il entra le comblèrent de joie, car il trouva les peuples constamment attachés aux vérités chrétiennes qu'il leur avoit prêchées. Après avoir demeuré avec eux quelques jours, il avança plus avant. Il lui fallut mettre un jour entier à grimper une haute montagne toute hérissée de rochers. Quand il fut arrivé au sommet, il se sentit fort abattu, sans trouver de quoi réparer ses forces. Un Indien de sa suite, après avoir cherché de tous côtés, lui apporta certaines herbes, lesquelles, à ce que disent les gentils, font les délices de leurs dieux. On eut bien de la peine à les cuire. La faim devint alors le meilleur assaisonnement: le père en mangea, mais il ne put s'empêcher de sourire en disant qu'il falloit que ces dieux eussent terriblement faim et l'esto- | de la vérité étoit plus l'effet de son ignorance, Tandis que ces paroles frappoient les oreilles de ce barbare, Dieu lui faisoit entendre sa voix au fond du cœur: il fut touché et converti. L'exemple de son mapono contribua à fortifier ses bons désirs. Ce mapono étoit un jeune homme, fils de celui qui l'année précédente s'étoit engagé par serment de boire le sang du missionnaire. Un jeune chrétien fut l'instrument dont Dieu se servit pour le retirer de l'infidélité; et d'ailleurs l'éloignement où il étoit que de la dépravation de son cœur. Il ouvrit | penchant de sa ruine, sans quoi nos dieux vont les yeux à la lumière, et il devint aussitôt apotirer une vengeance si éclatante quelle répantre que disciple, car ce jour-là même il gagna | dra la terreur dans tous les villages d'alentour.>>> à Jésus-Christ deux des principaux du village. Le peuple ne tarda pas à les imiter. Il s'assembla le jour suivant dans la grande place, où le père les entretint fort longtemps des mystères de la foi qu'ils devoient croire, des commandemens de la loi qu'ils devoient pratiquer afin de vivre chrétiennement et de mériter, par une vie chrétienne, un solide contentement en cette vie et un bonheur éternel en l'autre. On planta ensuite par ses ordres une grande croix, et au pied de cette croix on dressa une espèce d'autel sur lequel furent exposées les images de Notre-Seigneur, de la sainte Vierge et de l'archange saint Michel. Tout ce peuple se mit à genoux, et après une inclination profonde, il cria à haute voix: « Jésus-Christ Notre-Seigneur, soyez notre père; sainte ❘teurs, et Dieu, pour le récompenser, le rétablit Marie Notre-Dame, soyez notre mère. » C'est ce que ces bons Indiens répétoient sans cesse et ce qui répandoit dans le cœur du missionnaire une joie et une consolation qu'il ne pouvoit exprimer. « O mon Seigneur et mon Dieu! s'écrioit-il de son côté, que je suis bien payé de mes sueurs et de mes fatigues en voyant ce grand peuple vous reconnoître pour son créateur et son Seigneur! Qu'il vous aime, qu'il vous adore, c'est toute la récompense que je vous demande en ce monde. >>> La foi prit de si fortes racines dans le cœur Le jeune catéchumène, loin d'être effrayé de ces menaces, ne fit qu'en rire; et à l'instant ces barbares se jetèrent sur lui, le foulèrent aux pieds, l'accablèrent de coups et le maltraitèrent de telle sorte que le sang lui sortoit de la bouche en abondance. Un de ses amis, touché de l'état où l'on venoit de le mettre, s'approcha de lui et l'exhorta à marquer du moins à l'extérieur quelque respect pour les dieux et à dire un mot pour la forme au cacique. Le jeune homme lui répondit qu'il sacrifieroit volontiers le reste de vie qu'on lui laissoit pour la défense de la sainte loi qu'il avoit embrassée et pour témoigner son amour à Jésus-Christ, le seul Dieu que nous devons adorer. Sa constance confondit ses persécu dans sa première santé. Le père Cavallero, après avoir baptisé tous les enfans que ces nouveaux catéchumènes lui présentèrent, forma le dessein d'aller chez les Indiens Quiriquicas. Il en fit part au cacique du lieu, nommé Patozi, et le pria de l'accompagner avec un nombre de ses vassaux pour lui ouvrir un passage au travers des forêts qui se trouvent sur la route. Le cacique ne goûta pas d'abord cette proposition, à cause de la haine implacable que les Indiens qu'il alloit chercher portoient à ceux de son village. Ce de ces Indiens que quelques-uns d'eux, et | pendant l'amour qu'il avoit pour le mission naire surmonta ses craintes et ses répugnances; il espéroit même de conclure avec eux une paix qui pût mettre fin pour toujours à leurs divisions. Le père avoit outre cela quelques néophytes, à la tête desquels étoit un nommé Jean Quiara, que la bonté de son naturel et l'innocence de ses mœurs rendoient aimable même aux infidèles. entre autres le jeune mapono dont je viens de parler, souffrirent pour sa défense des vexations cruelles. Le démon, outré de se voir chassé d'un lieu où depuis tant de siècles il étoit le maître, suscita un de ses suppôts, qui ameuta quelques autres Indiens, et tous ensemble ils environnèrent le jeune homme et lui firent les reproches les plus amers: « Vous, lui dirent-ils, qui étiez le ministre de nos dieux et Il se mit donc en chemin, et il eut à essuyer qu'un si bel emploi obligeoit à maintenir leur sur la route les mêmes fatigues et les mêmes culte, vous les abandonnez lâchement, au lieu incommodités qu'il avoit souffertes dans ses de les défendre; vous écoutez les discours séautres voyages et qu'il est inutile de répéter. duisans d'un imposteur qui vous trompe, et Lorsqu'il fut près du village, il fit prendre les vous devenez le vil instrument de ses pernicieux devans à deux de ses néophytes pour obserdesseins. Reconnoissez votre faute, demandez ver ce qui s'y passoit. Ils trouvèrent que tout pardon à nos dieux, réparez-la au plus tôt, rey étoit en mouvement: un suppôt du démon, présentez au cacique ses promesses et ses eninformé del'arrivée du père, répandoit l'alarme gagemens, et tous deux travaillez de concert à de tous côtés, criant de toutes ses forces que rétablir la religion de vos pères, qui est sur le | les dieux ordonnoient de prendre les armes |