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piré, et voyant qu'il ne se présentoit personne, | leurs missionnaires; ils se dispersèrent à l'ins

il examina plus sérieusement la vérité des faits qu'on lui avoit exposés et la manière dont les jésuites gouvernoient leurs missions. Comme ce prélat avoit les intentions droites, il eut bientòt découvert la vérité; les mauvaises impressions qu'on lui avoit données se changèrent dans une si grande estime pour les jésuites qu'il leur donna toute sa confiance. La sainte Vierge, à qui il avoit une dévotion singulière, lui ayant fait connoître que sa mort approchoit, il fit venir le père Thomas Donvidas, recteur du collége, et fit sous sa conduite, pendant huit jours, les exercices spirituels de saint Ignace, qu'il termina par une confession générale ; ensuite, dans les différentes prédications qu'il fit à son peuple pour lui dire les derniers adieux, il ne cessa de réfuter les calomnies dont on youloit noircir les jésuites, en déclarant qu'il avoit pensé lui-même y être surpris, et que c'étoient autant d'artifices du démon, qui cherchoit à perdre une infinité d'âmes en les retirant de la direction de ces pères, qui les conduisoient dans la voie du salut. Peu de jours après, il mourut, comme il l'avoit prédit, laissant à son peuple les exemples des plus héroïques vertus qu'il avoit pratiquées durant le cours de son épiscopat.

Revenons. Les corrégidors espagnols auroient-ils de grands avantages à espérer dans ces peuplades où un ecclésiastique n'y trouve pas même de quoi s'y faire une subsistance honnête? Supposons qu'on leur en confiât le gouvernement: ou ils suivront la méthode des missionnaires ou ils se formeront un système nouveau. S'ils conservent la forme du présent gouvernement, ils doivent s'attendre à être calomniés de même que ces pères; on ne manquera pas de dire qu'ils fraudent les droits du roi, qu'ils ont des mines cachées, qu'ils dominent en souverains. Si, pour éviter des reproches si mal fondés, ils prennent une autre route et changent des usages conformes au génie de ces peuples, qu'on a étudié depuis si longtemps, la ruine des missions est certaine, les Indiens se retireront dans leurs montagnes et les peuplades seront tout à coup désertes: près de deux cent mille Indiens vivront dans les bois sans culte et sans religion, et ce seront autant de sujets perdus pour le roi.

C'est ce qu'on a éprouvé dans la NouvelleEspagne. On ôta aux Indiens de la Laguna

tant avec la rage dans le cœur contre les Espagnols et ne cherchant que les moyens de la satisfaire. Encore aujourd'hui ils répandent la terreur sur tout le chemin qui conduit aux riches mines de cette province, et on est obligé d'entretenir à grands frais des garnisons pour la sûreté de ces passages.

On l'éprouve encore actuellement de la part de deux nations belliqueuses, les Nocomies et les Abipones'. Elles s'étoient soumises volontairement au joug de l'Évangile et à l'obéissance du roi, sur la parole que les jésuites leur avoient donnée qu'elles dépendroient uniquement des officiers de sa majesté; on ne leur a point tenu parole, et dans le moment ces peuples ont secoué le joug et ont ferméles chemins qui mènent au Pérou, en sorte qu'on n'y peut aller sans courir risque dela vie, à moins qu'on ne soit bien escorté. Ils ont même porté l'audace jusqu'à bloquer la ville de Sainte-Foi, avec menace d'assiéger la ville de Cordoue, qui est la capitale du Tucuman.

Si l'anonyme et ceux qui l'ont mis en œuvre avoient mérité qu'on eût fait attention à leur mémoire, nos Indiens neseroient-ils pas en droit de se plaindre? «Quel est doncle crime que nous avons commis, pourroient-ils dire, pour qu'on abroge les priviléges dont la bonté du roi et de ses augustes prédécesseurs nous ont gratifiés? Ce sont des grâces, il est vrai, mais elles nous ont été accordées à des conditions onéreuses que nous avons fidèlement remplies. N'avonsnous pas servi de rempart contre les ennemis de sa couronne? N'avons-nous pas prodigué notre sang et nos vies pour sa défense? Que savons-nous si les habitans de l'Assomption, dont l'anonyme françois n'est que l'interprète, ne sont pas d'intelligence avec les ennemis de la monarchie pour nous désarmer et par ce moyen-là leur donner un libre passage au royaume du Pérou et se soustraire eux-mêmes aux justes châtimens que méritent leurs fréquentes révoltes? Dès qu'il s'agit des intérêts du roi et que ses officiers nous appellent, ne nous voit-on pas voler à leur secours? Ne sommes-nous pas actuellement armés au nombre de six mille hommes, par ordredu seigneur don Bruno de Zabala, gouverneur de Buenos-Ayres, résolus de verser jusqu'à la dernière goutte de

Rive droite de Rio-Parana.

missionnaires de cette province. Comme ils me déclarent dans leur lettre qu'ils écrivent en conformité au conseil suprême des Indes, je serois très-blamable si je manquois de découvrir à votre majesté la malignité de leurs calomnies et de l'informer de la sage el sainte conduite des hommes vraiment apostoliques contre lesquels ils se déchaînent avec tant de fureur.

notre sang pour le service de sa majesté? En- | cusations fausses et calomnieuses contre les fin si, depuis plus de cent trente ans que nous nous sommes soumis volontairement à la couronne d'Espagne, notre conduite a toujours été la plus édifiante et notre fidélité la plus constante, comme on le voit par les informations qui en ont été faites, par les témoignages qu'en ont rendus tant d'officiers illustres, par les sentences des tribunaux et par les patentes de nos rois, écoutera-t-on à notre préjudice un petit nombre de gens infidèles à leur roi et désobéissans à ses ordres, qui tant de fois ont attenté sur la vie de leurs gouverneurs; qui ont porté P'insolence jusqu'à les déposer et à en établir d'autres de leur propre autorité, comme ils font actuellement; qui, se prévalant du vain titre de conquérans, lequel n'est dû qu'à leurs ancêtres, ont détruit presque toutes les nombreuses peuplades qui leur avoient été concé- ❘ la calomnie inventée faussement sont trois cho

dées à quarante lieues aux environs de la ville de l'Assomption? »

Je puis assurer votre majesté que j'ai ressenti très-vivement le contre-coup de ces calomnies: il semble que le Saint-Esprit les ait eues en vue dans ces paroles du chapitre 6 de l'Ecclésiastique: Delaturam civitatis, et collectionem populi calumniam mendacem super mortem omnia gravia. La haine injuste de toute une ville, l'émotion séditieuse d'un peuple et

ses plus insupportables que la mort.

Ce n'est pas la première fois qu'ils ont envoyé au conseil suprême des Indes de semblables plaintes contre les missionnaires. Mais ces

Et en effet, combien ne pourroit-on pas citer de témoignages que tant de saints évêques, tant d'illustres gouverneurs, tant d'officiers distin-pères, qui n'ont d'autre objet que le service de

Dieu, la conservation et l'augmentation de ces florissantes missions, ont supporté toutes ces

d'âme qui m'ont infiniment édifié.

gués des audiences royales ont rendus en différens temps à la piété de nos Indiens, à leur constante fidélité et à leur attachement invio-attaques avec une constance et une égalité lable pour les intérêts de la monarchie? Je n'en rapporterai que deux assez récens, l'un de monseigneur don Pierre Faxardo, évêque de Buenos-Ayres, l'autre du seigneur don Bruno de Zabala, gouverneur et capitaine de ladite province, à quoi j'ajouterai les patentes par lesquelles notre grand monarque met les Indiens de nos peuplades sous sa royale protection.

LETTRE DE DON P. FAXARDO,
JÉVÊQUE DE BUENOS-AYRES,

AU ROI.

Réponse aux accusations portées contre les jésuites.
SIRE,

Ce qui fait encore plus mon admiration, c'est que non-seulement ils paroissent comme insen|sibles à tous les coups qu'on leur porte, mais encore qu'ils ne répondent à tant d'injures de leurs adversaires que par une suite continuelle de bienfaits. Combien voit-on de pauvres de cette capitale du Paraguay qui ne subsistent que de leurs charités! Avec quel zèle ne s'emploient-ils pas au service de ses habitans! Ils les consolent dans leurs afflictions, ils les éclairent dans leurs doutes, ils leur prêchent les vérités du salut, ils enseignent leurs enfans, ils les assistent dans leurs maladies, ils confessent les moribonds, ils apaisent leurs différends et les réconcilient ensemble, enfin ils sont toujours prêts à leur faire du bien; mais tant de vertus, qui devroient gagner l'estime et l'affection de ces peuples, ne servent qu'à les rendre plus susceptibles des impressions malignes de la calomnie. J'ose le dire, sire, ces pères auroient moins d'ennemis s'ils étoient moins vertueux.

Une lettre que j'ai reçue de la capitale du Paraguay, signée de ses régidors, où ma personne n'est pas trop ménagée, me fait prendre la liberté d'écrire à votre majesté. Je suis peu On demanda un jour à Thémistocle quelle touché de leurs injures, mais je ne puis dissiraison il avoit de s'attrister tandis qu'il étoit muler à votre majesté qu'elle est remplie d'ac- | chéri et estimé de toute la Grèce. « C'est cela

même qui m'afflige, répondit-il, car c'est une marque que je n'ai pas fait d'action assez glorieuse pour mériter d'avoir des ennemis. » Ces saints missionnaires n'ont de vrais ennemis que ceux que leur attirent leurs vertus et leurs actions, qui me paroissent héroïques. J'ai souvent | parcouru leurs missions, et j'ose attester à votre majesté que durant tout le cours de ma vie, je n'ai jamais vu plus d'ordre que dans ces peuplades, ni un désintéressement plus parfait que celui de ces pères, ne s'appropriant rien de ce qui est aux Indiens, ni pour leur vêtement ni pour leur subsistance.

Dans ces peuplades nombreuses, composées d'Indiens naturellement portés à toutes sortes de vices, il règne une si grande innocence de mœurs que je ne crois pas qu'il s'y commette un seul péché mortel. Le soin, l'attention et la vigilance continuelle des missionnaires préviennent jusqu'aux moindres fautes qui pourroient leur échapper. Je me trouvai dans une de ces peuplades à une fête de Notre-Dame et j'y vis communier huit cents personnes. Fautil s'étonner que l'ennemi commun du salut des hommes excite tant d'orages et de tempêtes contre une œuvre si sainte et qu'il s'efforce de la détruire!

Il est vrai que les missionnaires sont très-attentifs à empêcher que les Indiens ne fréquentent les Espagnols, et ils ont grande raison, car cette fréquentation seroit une peste fatale à leur innocence et introduiroit le libertinage et la corruption dans leurs peuplades. On en a vu un exemple palpable dans la vie que mènent les Indiens des quatre peuplades qui sont aux environs de la capitale du Paraguay.

Il est vrai encore que les Indiens ont pour ces pères une parfaite soumission, et c'est ce qui est admirable que dans des barbares, qui avant leur conversion faisoient douter s'ils étoient des hommes raisonnables, on trouve plus de gratitude que dans ceux qui ont eu dès leur enfance une éducation chrétienne.

A l'égard de leurs prétendues richesses, on ne pouvoit rien imaginer de plus chimérique : ce que ces pauvres Indiens gagnent de leur travail ne va qu'à leur procurer pour chaque jour un peu de viande avec du blé d'Inde et des légumes, des habits vils et grossiers et l'entretien de l'église. Si ces missions produisoient de grands avantages, cette province seroit-elle endettée comme elle l'est; les colléges se

roient-ils si pauvres que ces pères ont à peine ce qui est absolument nécessaire pour vivre ?

Pour moi, qui suis parfaitement informé de ce qui se passe dans ces saintes missions, je ne puis m'empêcher d'appliquer à cette compagnie qui en a la conduite ces paroles de la sagesse, et de m'écrier: O quam pulchra est casta generatio cum claritate! O combien est belle la race chaste lorsqu'elle est jointé avec l'éclat d'un zèle pur et ardent, qui de tant d'infidèles en fait de vrais enfans de l'Église, qui les élève dans la crainte de Dieu et les forme aux vertus chrétiennes, et qui, pour les maintenir dans la piété et pour les préserver du vice, souffre en patience les plus atroces calomnies! Immortalis est enim memoria illius, quoniam apud Deum nota est et apud homines. Sa mémoire est immortelle et est en honneur devant Dieu et devant les hommes, surtout devant votre majesté, à qui cette province est redevable de tant de bienfaits. C'est en son nom que j'ai l'honneur de présenter ce mémorial à votre majesté, et de lui faire la même demande qui fut faite à l'empereur Domitien par un de ses sujets : « J'ai un ennemi, disoitil, qui s'afflige extrêmement de toutes les gråces que me fait votre majesté. Je la supplie de m'en faire encore de plus grandes, afin que mon ennemi en ait plus de chagrin. » Da, sar, tantò tu magis ut doleat. C'est ce que j'espère de sa bonté, en priant le Seigneur qu'il la conserve un grand nombre d'années pour le bien de cette monarchie.

PIERRE, évêque de Buenos-Ayres.

A Buenos-Ayres, ce 20 mai 1721.

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des entreprises militaires, soit pour travailler | les plus pures d'une compagnie qui rend de si aux fortifications des places, j'ai toujours trouvé dans ceux qui les gouvernent une activité surprenante et un zèle très-ardent pour le service de votre majesté. Un nombre de ces Indiens, ainsi que je le mande séparément à votre majesté, sont actuellement occupés aux ouvrages qui se font à Montevide', et ils avancent ces travaux avec une promptitude et une ardeur incroyables, se contentant pour leur salaire d'alimens grossiers dont on les nourrit chaque jour.

Je n'ai garde d'exagérer quand je parle à votre majesté, et j'ose l'assurer que si nous n'avions pas eu le secours de ces Indiens, les fortifications qu'on avoit commencé de faire à Montevide et à la forteresse de cette ville n'auroient jamais pu être achevées. Les soldats, les autres Espagnols et les Indiens du voisinage qui travaillent à la journée sont incapables de soutenir longtemps cette fatigue. Ils sont assez ponctuels les trois ou quatre premiers jours, après quoi ils veulent être payés d'avance. Qu'on leur donne de l'argent ou qu'on leur en refuse, c'est la même chose, ils quittent l'ouvrage et s'enfuient. La paresse et l'amour de la liberté sont tellement enracinés dans leur naturel qu'il est impossible de les en corriger

Il y a une différence infinie entre ces lâches Indiens et ceux qui sont sous la conduite des missionnaires. On ne peut exprimer avec quelle docilité, avec quelle ardeur et avec quelle constance ils se portent à tout ce qui est du service de votre majesté, ne donnant aucun sujet de plainte ni de murmure, se rendant ponctuellement aux heures marquées pour le travail, et édifiant d'ailleurs tout le monde par leur piété et par la régularité de leur conduite, ce qu'on ne peut attribuer, après Dieu, qu'à la sagesse et à la prudence de ceux qui les gouvernent. Aussi monsieur l'évêque de cette ville m'a-t-il souvent assuré que toutes les fois qu'il a fait la visite de ces missions, il a été charmé de voir la dévotion de ces nouveaux fidèles de l'un et de l'autre sexe et leur dextérité dans tous les ouvrages qui se font à la main.

Quoique quelques personnes mal intentionnées, soit par jalousie, soit par d'autres motiss, tâchent de décrier le zèle et les intentions

• Monte-Video.

grands services dans tout le monde et en particulier dans l'Amérique, ils ne viendront jamais à bout d'obscurcir la vérité de ces faits, dont il y a une infinité de témoins. Ce que j'en dis à votre majesté n'est pas pour exalter ces pères, mais pour lui rendre un compte sincère tel qu'elle a droit de l'attendre d'un fidèle sujet qu'elle honore de sa confiance, et pour la prévenir sur les fausses impressions que la malignité et les artifices de certaines gens voudroient donner à votre majesté en renouvelant des plaintes et des accusations qu'elle a tant de fois méprisées.

J'ajouterai à votre majesté que les Indiens des trois peuplades établies aux environs de cette ville seroient bien plus heureux si dans la manière de les gouverner on suivoit le plan et le modèle que donnent ces pères dans le gouvernement de leurs missions. Ces trois peuplades sont peu nombreuses, et cependant ce sont des dissensions continuelles entre le curé, le corrégidor et les alcades; ce n'est pas pour moi une petite peine de trouver des curés qui veuillent en prendre soin; le grand nombre de ceux qui ont abandonné ces cures dégoûte presque tous les ecclésiastiques que je voudrois y envoyer.

C'est uniquement, sire, pour satisfaire à une de mes principales obligations que j'expose ici les services importans que rendent les Indiens Tapes qui sont sous la conduite des missionnaires jésuites, dont votre majesté connoît l'attachement plein de zèle pour tout ce qui est de son service. Je ne doute point qu'elle ne leur fassse ressentir les effets de sa clémence et de sa bonté royale. Pour moi, je ne cesserai de faire des vœux pour la conservation de votre majesté, qui est si nécessaire au bien de toute la chrétienté.

A Buenos-Ayres, le 28 mai 1724.

Clauses favorables aux jésuites, insérées dans le décret que le le roi Philippe V envoya au gouverneur de Buenos-Ayres le 12 novembre 1716.

A l'égard du troisième article qui concerne les Indiens des missions dont les pères jésuites sont chargés dans ces provinces, faites attention qu'il y a plus de cent treize ans que ces pères, par leur zèle et leurs travaux, ont converti à la foi et soumis à mon obéissance

rentes occasions, avoient fait plus de trois cent mille prisonniers. Ces hostilités cessèrent aussitôt qu'on eut pris le parti de les armer.

une multitude innombrable de ces peuples; | des actes continuels d'hostilité et qui, en difféque ce qui a facilité en partie l'accroissement de ces missions, c'est que nous et nos prédécesseurs n'avons jamais voulu permettre qu'ils fussent mis en commanderies, comme on le voit par plusieurs patentes et ordonnances expédiées en différens temps, et spécialement en l'année 1661, où, entre autres choses, il fut ordonné au gouverneur du Paraguay d'unir et d'incorporer à la couronne tous les Indiens des peuplades qui étoient sous la conduite des jésuites, et de n'exiger pour le tribut qu'une piastre de chaque Indien, en déclarant qu'ils ne la paieroient pas avant quatorze ans ni après cinquante; laquelle grâce fut plus étendue en l'année 1684, où, pour procurer une plus grande augmentation des peuplades, il fut ordonné qu'ils cesseroient de payer après quarante ans, et que les trente premières années depuis leur conversion à la foi et leur réunion | saccagement et au pillage que faisoient les

dans les peuplades, ils seroient exempts du tribut.

Par une autre patente expédiée en la même année de 1684 et envoyée aux officiers royaux de Buenos-Ayres, il fut ordonné qu'on conservât aux Indiens des peuplades des jésuites le privilége de ne payer aucun droit ni pour l'herbe du Paraguay ni pour leurs autres denrées, et il étoit marqué dans la même patente que ces Indiens payoient neuf mille piastres par an.

Une patente fut expédiée en l'année 1669, qui ordonnoit aux officiers royaux qui recevoient les tributs des Indiens de Parana et d'Uruguay de payer chaque année, sur leur caisse, à chacun des vingt-deux missionnaires qui ont soin des vingt-deux peuplades, quatre cent quarante-six piastres et cinq réaux.

Et par une autre patente expédiée en l'année 1707, il est pareillement ordonné que sur ce qui se perçoit du tribut des Indiens on paie trois cent cinquante piastres à chaque missionnaire (y compris son compagnon) qui a soin des quatre nouvelles peuplades appelées Chiquites, et autant à ceux qui gouverneront les peuplades qu'on fondera dans la suite.

Au regard des armes qu'ont lesdits Indiens, il est certain qu'à mesure que se formèrent ces peuplades, les missionnaires obtinrent la permission de distribuer des fusils à un nombre d'Indiens, afin de pouvoir se défendre des Portugais et des Indiens infidèles, qui exerçoient

Et quoique par une patente de 1654 on ordonne au gouverneur du Paraguay de ne pas permettre que les Indiens des peuplades se servent des armes à feu que par son ordre, on dérogea depuis à cette résolution, ayant égard d'une part à la conservation de ces peuples, qui ont donné en tant d'occasions de si fortes preuves de leur zèle et de leur attachement à mon service, et considérant d'une autre part l'utilité qui en résultoit pour la sûreté de la ville de Buenos-Ayres et de toute l'étendue de sa juridiction, comme on l'éprouva en l'année 1702, que deux mille de ces Indiens firent, par ordre du gouverneur, plus de deux cents lieues, par des chemins très-difficiles, pour s'opposer au

Indiens infidèles nommés Mamelus du Brésil, que les Portugais mettoient en œuvre. Les Indiens des missions les combattirent durant cinq jours et les défirent entièrement, ce qui me porta, dès que j'en fus informé, à témoigner par une patente adressée aux supérieurs de ces missions combien j'étois satisfait de la valeur et de la fidélité de ces peuples, attribuant le succès de cette expédition à la sagesse avec laquelle ils les gouvernoient, et en les chargeant de les assurer qu'ils éprouveront en toute occasion les effets de ma bonté et de ma royale protection.

Ces Indiens ont eu aussi beaucoup de part à une autre expédition non moins importante, lorsqu'il fut question de chasser les Portugais de la colonie du Saint-Sacrement. Ils s'y trouvèrent en l'année 1680 au nombre de trois mille, avec quatre mille chevaux, deux cents bœufs et d'autres provisions qu'ils conduisirent à leurs frais, et firent dans cette expédition des actions prodigieuses de valeur; et en l'année 1705, qu'enfin on se rendit maître de cette colonie, les Indiens, qui y vinrent au nombre de quatre mille, avec six mille chevaux, s'y distinguèrent également par leur courage. Il y en eut parmi eux quarante de tués et soixante de blessés, ainsi que j'en fus informé par les lettres de don Juan Alonso de Valdės, gouverneur de Buenos-Ayres.

En l'année 1698, don André-Augustin de Roblès, craignant que douze vaisseaux de

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