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lui est échue en partage; il s'y transporte et il | pres, opiniâtrement attachés à leurs folles sutâche de gagner l'affection des sauvages par des manières affables et insinuantes; il y joint des libéralités, en leur faisant présent de certaines bagatelles qu'ils estiment; il apprend leur langue s'il ne la sait pas encore, et après les avoir préparés au baptême par de fréquentes instructions, il leur confère ce sacrement de notre régénération spirituelle.

Il ne faut pas croire que tout soit fait alors et qu'on puisse les abandonner pour quelque temps. Il y auroit trop à craindre qu'ils ne retournassent bientôt à leur première infidélité: c'est la principale différence qu'il y a entre les missionnaires de ces contrées et ceux qui travaillent auprès des peuples civilisés. On peut compter sur la solidité de ceux-ci et s'en séparer pour un temps, au moyen de quoi on entretient la piété dans des provinces entières; au lieu qu'après avoir rassemblé le troupeau, si nous le perdions de vue, ne fût-ce que pour quelques mois, nous risquerions de profaner le premier de nos sacremens et de voir périr pendant ce temps-là tout le fruit de nos tra

vaux.

Qu'on ne me demande donc pas combien nous baptisons d'Indiens chaque année. De ce que je viens de dire il est aisé de conclure que quand une chrétienté est déjà formée, on ne baptise plus guère que les enfans qui y naissent ou quelques néophytes qui, par leur négligence à se faire instruire ou par d'autres raisons, méritent de longues épreuves, pour ne pas se rendre tout-à-fait indignes de ce sa

crement.

Vous n'ignorez pas, mon révérend père, ce que les missionnaires ont à souffrir, surtout dans des commencemens si pénibles: la disette des choses les plus nécessaires à la vie, quelque désir qu'aient les supérieurs de pourvoir à leurs besoins; les incommodités et les fatigues des fréquens voyages qu'ils sont obligés de faire pour réunir ces barbares en un même lieu; l'abandon général dans les maladies et le défaut de secours et de remèdes. Ce n'est là néanmoins que la moindre partie de leurs croix. Que ne leur en doit-il pas coûter de se voir éloignés de tout commerce avec les Européens et d'avoir à vivre avec des gens sans mœurs et sans éducation, c'est-à-dire avec des gens indiscrets, importuns, légers et inconstans, ingrats, dissimulés, lâches, fainéans, malpro

perstitions, et pour tout dire en un mot, avec des sauvages! Que de violences ne faut-il pas se faire! que d'ennuis, que de dégoûts à essuyer! que de complaisances forcées ne faut-il pas avoir! combien ne doit-on pas être maître de soi-même! Un missionnaire, pour se faire goûter de ses sauvages, doit en quelque sorte devenir sauyage lui-même.

Il faut pourtant vous l'avouer, mon réverend père, on est amplement dédommagé de toutes ces peines, non-seulement par la joie intérieure qu'on ressent de coopérer avec Dieu au salut de tant d'âmes qui ont toutes coûté le précieux sang de Jésus-Christ, mais encore par la satisfaction que l'on a de voir plusieurs de ces infidèles qui, ayant une fois embrassé la foi, ne se démentent jamais de la pratique exacte des devoirs du christianisme. En sorte qu'il arrive en cela, comme en bien d'autres choses, que les racines sont amères et que les fruits sont doux.

C'est en suivant ce plan que nous venons de faire, le père Bessou et moi, un assez long voyage chez les Indiens, qui sont au haut des rivières d'Ouyapoc et de Camopi, afin de les engager à se réunir et à se fixer dans une bourgade où l'on puisse les instruire des vérités de la religion. C'est un projet que j'avois formé il y a long-temps, et que je n'ai pu exécuter plus tôt parce que les Palikours et les nations plus voisines ont attiré jusqu'ici toute mon attention. Mais des personnes, à l'autorité desquelles je dois déférer, ont jugé qu'il ne falloit pas différer plus long-temps de travailler à la conversion des Ouens, des Coussanis' et des Tarouppis, qui sont répandus le long de ces deux rivières. J'ai lieu de croire que Dieu bénira cette entreprise.

Je partis donc le 3 novembre de l'année dernière pour me rendre à la mission de SaintPaul, où je devois m'associer le père Bessou. Je fus agréablement surpris de trouver ce village beaucoup plus nombreux qu'il ne l'étoit la dernière fois que j'y allai: outre plusieurs familles de Pirious, de Palanques et de Macapas, qui s'y sont rendues de nouveau, la nation des Caranes y est maintenant établie tout entière et en fait un des plus beaux ornemens, car, de toutes ces nations barbares, c'est celle où l'on trouve plus de disposition à la vertu.

Coussaris, à l'est de la Guyane française.

Mais ce qui me toucha infiniment, ce fut de | rivière, moins grande que l'Ouyapoc, mais

voir l'empressement extraordinaire de ces peuples à se faire instruire. Au premier coup de cloche qu'ils entendent, il se rendent en foule à l'église, où leur attention est extrême. Le temps qu'on emploie matin et soir à leur faire des catéchismes réglés leur paroît toujours trop court à plusieurs, et il faut que le missionnaire ait encore la patience de leur répéter en particulier ce qu'il leur a expliqué dans l'instruction publique. Une si grande ferveur, si peu conforme au génie et au caractère de ces nations, me fait croire que la chrétienté de SaintPaul deviendra un jour très-florissante.

beaucoup plus facile à naviguer. Il y a pourtant des sauts en quantité; nous en traversâmes un surtout le 15 qui étoit fort long et très-dangereux quand les eaux sont grandes. Aussi ne s'avise-t-on guère de le franchir alors, principalement quand on a des marchandises : on aime mieux faire des portages, quelque pénibles qu'ils soient, et c'est à quoi ne manquent jamais ceux qui vont chercher le cacao.

J'aurois peine à vous exprimer le profond silence qui règne le long de ces rivières; on fait des journées entières sans presque voir ni entendre aucun oiseau. Cependant cette solitude, quelque affreuse qu'elle paroisse d'abord, a je ne sais quoi dans la suite qui dissipe l'ennui. La nature, qui s'y est peinte elle-même dans toute sa simplicité, fournit à la vue mille objets qui la récréent. Tantôt ce sont des arbres de haute futaie, que l'inégalité du terrain présente en forme d'amphithéâtre, et qui char

Après avoir demeuré trois jours dans la mis sion de Saint-Paul, nous nous mîmes en route, le père Bessou et moi, chacun dans notre canot. Dès la première journée je trouvai un fameux pyaye, nommé Canori, qui s'est fort accrédité parmi les sauvages, et avoit eu l'audace, pendant une courte absence du père Dayma, de venir dans sa mission de Saint- | ment les yeux par la variété de leurs feuilles et

de leurs fleurs. Tantôt ce sont de petits torrens ou cascades, qui plaisent autant par la clarté de leurs eaux que par leur agréable murmure.

Je ne dissimulerai pas pourtant, mon révérend père, qu'un pays si désert inspire quelquefois je ne sais quelle horreur secrète, dont on n'est pas tout-à-fait le mattre, et qui donne

Paul et de faire ses jongleries tout autour de la case qu'il avoit nouvellement construite pour son logement. Je tâchai de savoir quelles avoient été ses intentions, mais ce fut inutilement: on ne tire jamais la vérité de ces sortes de gens accoutumés de longue main à la perfidie et au mensonge. Ainsi, prenant le ton qui convenoit, je lui remis devant les yeux les im- | lieu à bien des réflexions. Combien de fois me

postures qu'il mettoit en œuvre pour abuser de la simplicité d'un peuple crédule, en le menaçant que s'il approchoit jamais de la peuplade de Saint-Paul, il y trouveroit le châtiment que méritoient ses fourberies.

Ce qui met en crédit ces sortes de pyayes, c'est le talent qu'ils ont de persuader aux Indiens, surtout quand ils les voient attaqués de quelque maladie, qu'ils sont les favoris d'un esprit beaucoup supérieur à celui qui tourmente le malade; qu'ils vont monter au ciel pour appeler cet esprit bienfaisant, afin qu'il chasse l'esprit malin, seul auteur des maux qu'il souffre; mais, pour l'ordinaire, ils se font payer d'avance et très-chèrement leur voyage. Ainsi, que le malade vienne à mourir entre leurs mains, ils sont toujours sûrs de leur salaire..

disois-je dans mes sombres rêveries, comment est-il possible que la pensée ne vienne point à tant de familles indigentes, qui souffrent en Europe toutes les rigueurs de la pauvreté, de venir peupler ces vastes terres qui, par la dou-ceur du climat et par leur fécondité, semblent ne demander que des habitans qui les cultivent. Un autre plaisir bien innocent que nous goûtâmes dans ce voyage, c'est que, les eaux étant fort basses et fort claires, nous vimes souvent des poissons se jouer sur le sable et s'offrir d'eux-mêmes à la flèche de nos gens, qui ne nous en laissèrent pas manquer.

Ce fut le 16 que nous nous trouvâmes aux premières habitations des Ouens, ou Ouayes. Ces pauvres gens nous firent un très-bon accueil; toutes les démonstrations d'amitié dont un sauvage est capable, ils nous les donnèrent. Ils parurent charmés de la proposition que nous leur fimes de venir demeurer avec eux pour les instruire des vérités chrétiennes et leur se regardoient les uns les autres et se marquoient leur étonnement de ce que, loin de leur rien demander, nous leur faisions présent de mille choses qui, en elles-mêmes, étoient de peu de valeur, mais dont les sauvages sont fort curieux. Il n'y en eut aucun d'eux qui ne promît de venir défricher des terres dans l'endroit que nous avons choisi, c'est-à-dire dans cette langue de terre que forme le confluent des, rivières d'Ouyapoc et de Camopi. J'avois déjà jeté les yeux sur cet emplacement en l'année 1729. Mais aujourd'hui que je l'ai examiné de près, je ne crois pas qu'on puisse trouver un endroit plus commode et plus propre à y établir une peuplade. Il plut également au père Bessou, qui est destiné à gouverner cette peuplade quand les Indiens y seront rassemblés.

Le 11 du même mois, nous entrâmes dans la rivière de Camopi, environ sur les sept heures du matin, laissant la rivière d'Ouyapoc à notre gauche, et nous réservant à la monter à notre retour. Le Camopi est une assez grande | procurer le même bonheur qu'aux Pirious. Ils

Nous nous arrêtâmes le 17 pour nous reposer ce jour-là et pour renouveler nos petites provisions, qui commençoient à nous manquer. Le lendemain matin nous reprîmes notre route. Nous passâmes devant une petite rivière nommée Tamouri, que nous laissâmes à notre droite. Il faut la remonter pendant trois jours et marcher ensuite trois autres jours dans les terres pour aller chez une nation qu'on nomme Caïcoucianes, dont la langue approche assez du langage galibi et est la même que celle des Armagatous. Nous aurions bien voulu visiter ces pauvres infidèles, mais les eaux étoient trop basses et ce n'étoit pas là le principal | but de notre voyage. Nous nous contentâmes de lever les mains au ciel pour prier le père des miséricordes de bénir les vues que nous avons de les réunir aux autres nations que nous devons rassembler. J'ai lieu de croire qu'ils ne sont point éloignés du royaume de Dieu. Quelques-uns d'eux ayant visité la peuplade de Saint-Paul, ont été si contens de ce qu'ils y ont vu, que je ne doute pas qu'ils ne descendent bientôt à l'embouchure de leur rivière, pour se transporter au lieu où l'on fixera la nouvelle mission, surtout si les Armagatous veulent pareillement y venir. Quelques-uns de la nation des Ouens doivent aller leur rendre visite et les y inviter de ma part.

Ce jour-là même, à une heure après midi, nous arrivâmes à l'habitation d'Ouakiri, chef

Les Galibis sont à l'ouest de la Guyane française.

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de toute la nation des Ouens, qui souhaitoit avec ardeur de voir un missionnaire parmi ses poïtos (c'est ainsi qu'on nomme les sujets d'un capitaine indien). Nous eûmes la douleur d'apprendre qu'il y avoit quatre mois que la mort l'avoit enlevé. Il étoit enterré dans un spacieux tabout' tout neuf, où nous passâmes la nuit. Ce que j'y remarquai de singulier, c'est que la fosse étoit ronde et non pas longue, comme elles le sont d'ordinaire. En ayant demandé la raison, on me répondit que l'usage de ces peuples étoit d'inhumer les cadavres comme s'ils étoient accroupis. Peut-être que la situation recourbée où ils sont dans leurs hamacs courts et étroits a introduit cette coutume; peut-être aussi que la paresse y a bonne part, car il ne faut pas alors remuer tant de terre. Quoi qu'il en soit, la nation des Ouens et le missionnaire qui va travailler à leur conversion ont fait une grande perte dans la personne d'Ouakiri. C'étoit un homme plein de feu, ami des François, aspirant au bonheur d'écouter nos instructions et ayant plus d'autorité sur ceux de sa nation que n'en ont communément les capitaines parmi les sauvages. Nous nous flattons néanmoins que cette perte n'est point irréparable, car nous nous sommes aperçus que ses enfans et son frère ont hérité de lui les mêmes senti

mens.

Comme nous ne connaissions point d'autre nation au-delà du lieu où nous étions, il fallut songer au retour: nous descendîmes la rivière de Camopi, et le 23 nous entrâmes dans celle d'Ouyapoc, quoique nos gens se fussent arrêtés quelques heures pour chasser les cabiais, que les Pirious nomment cabionara. C'est un animal amphibie qui ressemble à un gros marcassin. On en tua deux dans l'eau à coups de fusil et de flèche. Cette chasse pensa nous coûter cher. Comme on faisoit boucaner cette viande pendant la nuit, selon l'usage des Indiens, dans le bois où nous étions couchés, nous fùmes réveillés brusquement par les cris de tigres, qui ne sembloient pas être éloignés: sans doute qu'ils étoient attirés par l'odeur de la viande. Nous allumâmes à l'instant de grands feux qui les écartérent.

Il s'en faut bien que les eaux de l'Ouyapoc soient aussi ramassées que celles du Camopi. On trouve à tout moment dans l'Ouyapoc des

Espèce de case.

bancs de roches, des bouquets de bois et des flots qui forment comme autant de labyrinthes: aussi cette rivière n'est-elle pas à beaucoup près si fréquentée que l'autre, et c'est, à ce que je crois, ce qui nous procura la satisfaction de voir à différentes fois deux ou trois manipouris qui traversoient la rivière en des endroits où le chenal étoit plus découvert. Le manipouri est une espèce de mulet sauvage. On tira sur un, mais on ne le tua pas : à moins que la balle ou la flèche ne perce les flancs de cet animal, il s'échappe presque toujours, surtout s'il peut attraper l'eau, parce qu'alors il se plonge et va sortir au bord opposé du lieu où il a reçu la blessure que le chasseur lui a faite. Cette viande est grossière et d'un goût désagréable.

Nous reconnûmes le 25 à notre droite une petite rivière nommée Yarouppi. C'est là qu'on trouve la nation des Tarouppis. Les eaux étoient si basses qu'il ne nous fut pas possible d'y entrer. J'en fus d'abord affligé; mais ce qui me consola un moment après, c'est que j'ai lieu de croire que l'impossibilité où nous avons été de les voir n'apportera aucun retardement à leur conversion. Nous avons vu plusieurs de ces Indiens chez les Ouens, avec qui ils sont en liaison, car ils se visitent souvent en traversant les terres qui séparent l'Oyapoc du Camopi, et ils m'ont bien promis de faire connaître aux chefs de leur nation le sujet de notre voyage en m'assurant qu'ils en auroient de la joie et qu'ils entreroient aisément dans nos vues.

Dès le lendemain 26, nous arrivâmes chez les Coussanis un peu avant le coucher du soleil. Il y a apparence qu'ils n'étoient là que depuis peu de temps, car leurs cases n'étoient pas encore achevées. Ils nous dirent que le principal capitaine et le gros de la nation s'étoient enfoncés dans les bois pour éviter la rencontre des Portugois, lesquels ne manquent guère, chaque année, de faire des excursions vers le haut des rivières qui se déchargent dans le grand fleuve des Amazones, soit pour ramasser du cacao, de la salsepareille et du bois de crabe, qui est une espèce de canelle; soit pour faire des recrues de sauvages et les rassembler, comme nous faisons, dans des peuplades. Mais l'extrême éloignement que ces Indiens ont des Portugois fait justement soupçonner qu'ils en sont traités avec trop de dureté.

Nous passames la nuit dans cet endroit, et le 27 nous allâmes visiter deux autres carbets assez éloignés et où il y avoit un bon nombre de ces Indiens: c'est tout ce que nous trouvâmes de la nation des Coussanis. Leur accueil fut assez froid; j'attribue leur indifférence au peu de communication qu'ils ont eu jusqu'ici avec les François et à la disette extrême où ils vivent, jusque-là que je remarquai plusieurs femmes qui, faute de rassade, n'avoient pas même le tablier ordinaire que les personnes du sexe ont coutume de porter. Leur misère excita notre compassion, et comme nous étions au bout de notre course, n'y ayant point d'Indiens au-delà, nous leur distribuâmes libéralement la plus grande partie de la traite qui nous restait. Cette libéralité ne contribua pas peu à gagner leur confiance: ils nous parlèrent avec ouverture de cœur et se déterminèrent sans peine à se fixer dans le lieu que nous avons choisi pour y établir une peuplade. Depuis ce temps-là, deux des plus considérables de cette nation sont venus me voir à Oyapoc, plusieurs autres sont allés danser chez les Pirious. Lorsque, parmi ces barbares, une nation va danser chez une autre, c'est la plus forte preuve qu'elle puisse donner de son amitié et de sa confiance. Ainsi cette démarche des Coussanis est un témoignage certain de l'estime qu'ils font des Pirious depuis qu'ils sont sous la conduite d'un missionnaire. Après avoir ainsi confirmé toutes ces nations dans la résolution où elles paroissent être d'embrasser le christianisme, nous pensames à notre retour, et nous arrivâmes le 3 décembre à la mission de Saint-Paul.

Nous avons bien remercié le Seigneur des heureuses dispositions que nous avons trouvées dans ces nations sauvages: car c'est déjà beaucoup gagner sur des esprits si légers et si inconstans que de vaincre l'inclination naturelle qu'ils ont d'errer dans les forêts, de changer de demeure et de se transporter chaque année d'un lieu à un autre. Voici comme se font parmi eux ces sortes de transmigrations. Plusieurs mois avant la saison propre à défricher les terres, ils vont à une grande journée de l'endroit où ils sont pour y choisir un emplacement qui leur convienne; ils abattent tous les bois que contient le terrain qu'ils veulent occuper et ils y mettent le feu; quand le feu a tout consumé, ils plantent des branches de magnoc, car cette racine vient de bouture.

truit une case pour lui et pour tous ceux de sa famille. Le père les trouva fort bien instruits et les dispose maintenant à recevoir le baptême. Je suis, avec bien du respect, etc.

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Lorsque le magnoc est mûr, c'est-à-dire au bout | quatre mois dans ces exercices, il retourna chez d'un an ou de quinze mois, ils quittent leur lui et instruisit tous ses parens des vérités de - première demeure et viennent camper dans ce la religion; après quoi il les amena à la misnouvel emplacement. Aussitôt qu'ils s'y sont ❘sion, où il a planté son magnoc et où il conslogés, ils vont abattre du bois à une journée plus loin pour l'année suivante, brûlent le bois qu'ils ont abattu et plantent leur magnoc à l'ordinaire. C'est ainsi qu'ils vivent pendant des trente ou quarante ans ; c'est ce qui rend leur vie fort courte: la plupart meurent assez jeunes, et l'on ne voit guère qu'ils aillent au-delà de quarante ou cinquante ans. Cependant, malgré toutes les incommodités inséparables de ces fréquens voyages, ils aiment extrêmement cette vie vagabonde et errante dans les forêts. Comme rien ne les attache à l'endroit où ils sont et qu'ils n'ont pas grand'meubles à porter, ils espèrent toujours être mieux ailleurs.

A mon retour à Oyapoc, je fus bien consolé d'apprendre, par une lettre du père Lombard, que le père Caranave avoit déjà baptisé la plus grande partie des Galibis répandus le long de la côte, depuis Kourou jusqu'à Sinamiri, et qu'il se disposoit à faire un établissement solide aux environs de cette rivière. D'autres lettres de Cayenne m'apprennent que le père Fourré va se consacrer à la mission des Palikours. Cette nation mérite d'autant plus nos soins qu'étant peu éloignée de nous, elle est pour ainsi dire à la porte du ciel, sans qu'on ait pu jusqu'ici la lui ouvrir. Quant au père d'Auzillac, vous ne sauriez croire ce qu'il lui en coûte de peines et de fatigues pour rassembler dans Ouanari les Indiens du voisinage, c'est-à-dire les Tocoyenes, les Maourious et les Maraones. Il faut avoir un zèle aussi solide et aussi ardent que le sien pour ne point s'être rebuté des diverses contradictions qu'il a eu à essuyer et auxquelles il n'avoit pas lieu de s'attendre. Dieu l'a consolé par la docilité de plusieurs de ces infidèles et par l'ardeur que quelques-uns ont fait paroître pour écouter ses instructions. Je ne vous en citerai qu'un trait qui vous édifiera. Un Indien, nommé Cayariouara, de la nation des Maraones, ne pouvant profiter de la plupart des instructions, à cause de l'éloignement où étoit sa parenté, s'offrit au missionnaire pour être le prêcheur de sa bourgade. Après avoir passé toute la journée à la pêche, il venoit la nuit trouver le père pour le prier de l'instruire; et après avoir persévéré pendant

LETTRE DU PÈRE FAUQUE,

MISSIONNAIRE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS,

AU P.

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,

DE LA MÊME COMPAGNIE.

Relation de la prise du fort d'Oyapoc par un corsaire anglois.

A la Cayenne, le 27 décembre 1744.

MON RÉVÉREND PÈRE,

La paix de N. S.

Je vous fais part de la plus sensible joie que j'aie goûtée de ma vie en vous apprenant l'occasion que je viens d'avoir de souffrir quelque chose pour la gloire de Dieu.

J'étais retourné à Oyapoc le 25 octobre dernier. Quelques jours après, je reçus chez moi le père d'Auzilhac, qui s'étoit rendu à sa mission d'Ouanari, et le père d'Huberlant, qui reste au confluent des rivières d'Oyapoc et de Camopi, où il forme une nouvelle chrétienté.

Nous nous trouvâmes done trois missionnaires ensemble, et nous goûtions le plaisir d'une réunion si rare dans ces contrées lorsque la providence divine permit, pour nous éprouver, un de ces événemens imprévus qui détruisent dans un jour le fruit des travaux de plusieurs années. Voici le fait dans toutes ses circonstances.

A peine la guerre a-t-elle été déclarée en Europe entre la France et l'Angleterre, que les Anglois sont partis de l'Amérique septentrionale pour venir croiser aux îles sous le vent de Cayenne. Ils résolurent de toucher ici dans l'espérance de prendre quelque vaisseau, de piller quelques habitations, mais surtout pour tâcher d'avoir quelque connoissance d'un senau qui s'étoit perdu depuis peu de temps auprès de la rivière de Maroni. Ayant donné trop au sud et manquant d'eau, ils s'approchèrent d'Oyapoc pour en faire. Nous aurions dû natu

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