cidentale de l'Inde et sur les montagnes de Malabar, d'où se forme le Coloran, qui porte la fertilité dans les royaumes de Maissour, de Maduré, du Tanjaour et du Choren-Mandalam. Les peuples de l'Inde attendent ces pluies avec la même impatience que ceux d'Egypte soupirent après l'inondation du Nil. Le canal ne fut pas longtemps à se remplir et la joie fut d'autant plus grande parmi ces peuples qu'ils s'attendoient déjà à une stérilité prochaine. On les voyoit transportés hors d'euxmêmes, courir en foule vers la rivière afin de s'y laver, dans la persuasion ridicule où ils sont que ces premières eaux purifient de tous les crimes, de même qu'elles nettoient le canal de toutes ses immondices. On croyoit que la rivière grossiroit cette année avant la saison ordinaire, parce que les vents avoient commencé à souffler bien plus tôt que les années précédentes. Mon dessein étoit de partir d'Elacourrichy dès que les eaux paraîtroient dans la rivière, afin de pénétrer du côté du midi, dans une province où l'on n'a ja- | royaume que la foi est cruellement persécutée, mais vu ni missionnaire ni catéchiste; mais les vents eurent beau souffler, le fleuve demeuroit toujours à sec et l'on étoit déjà dans l'appréhension d'une famine générale. Comme le Coloran étoit encore guéable, je le traversai au plus tôt, afin de me rendre à Counampati et d'y attendre une occasion favorable de me transporter à Tanjaour. C'est dans ce et c'est de cette persécution que je vous entre tiendrai dans mes premières lettres. Vous jugerez assez par ce que j'ai l'honneur de vous écrire que si nos travaux sont mêlés de bien des amertumes, Dieu prend soin de nous en dédommager par les fruits abondans qu'il nous fait recueillir. Je suis, avec bien du respect, dans l'union de vos saints sacrifices, etc. LETTRE DU P. DE BOURZES Cependant les pluies étoient tombées dans leur temps, et les eaux, qui descendent avec rapidité des montagnes, seroient entrées dans le Coloran plus tôt même qu'à l'ordinaire si le roi de Maissour n'en avoit arrêté le cours par une digue énorme qu'il avoit fait construire et qui occupoit toute la largeur du canal. Son dessein étoit de détourner les eaux par cette digue, afin que, se répandant dans les canaux qu'il avoit pratiqués, elles vinssent arroser ses campagnes. Mais en même temps qu'il songeoit à fertiliser ses terres et à augmenter ses revenus, il ruinoit les deux royaumes voisins, celui de Maduré et celui de Tanjaour. Les eaux n'auroient commencé à y paroître que sur la fin de juillet et le canal eût été tari vers la mi-septembre. Les deux princes, attentifs au bien de leurs Lorsque j'étois sur le point de m'embarquer royaumes, furent irrités de cette entreprise: pour les Indes, je reçus une de vos lettres par ils se liguèrent contre l'ennemi commun afin | laquelle vous me recommandiez de consacrer de le contraindre par la force des armes à rompre une digue si préjudiciable à leurs états. Ils faisoient déjà de grands préparatifs, lorsque le fleuve Coloran vengea par lui-même (comme on s'exprimoit ici) l'affront que le roi faisoit à ses eaux en les retenant captives. Tandis que les pluies furent médiocres sur les montagnes, la digue subsista et les eaux coulèrent lentement dans les canaux préparés; mais dès que ces pluies tombèrent en abondance, le fleuve s'enfla de telle sorte qu'il entr'ouvrit la digue, la renversa et l'entraîna par la rapidité de son cours. Ainsi le prince de Maissour, après bien des dépenses inutiles, se vit frustré tout à coup des richesses immenses qu'il s'étoit promises. Traversée. Phosphorescence. MON RÉVÉREND PÈRE, P. C. quelques momens à ce qui peut regarder les sciences, autant que me le permettroient les occupations attachées à l'emploi de missionnaire, et de vous communiquer en même temps les découvertes que j'aurois faites. Dans le voyage même j'ai pensé à vous contenter, mas je manquois d'instrumens, et vous savez qu'ils sont absolument nécessaires quand on veut faire quelque chose d'exact. C'est pourquoi je n'ai fait que de ces observations où les yeux seuls suffisent, sans qu'ils aient besoin d'un secours étranger. Je commencerai par une matière de physique qui aura quelque chose de nouveau pour ceux qui n'ont jamais navigué, et peut-être même pour ceux qui ayant navigué ne l'ont | mineux à trente ou quarante pieds au loin, pas observée avec beaucoup d'attention. mais la lumière est bien plus foible à une plus grande distance. Vous avez lu, mon révérend père, ce que disent les philosophes sur les étincelles qui paroissent durant la nuit sur la mer; mais peutêtre aurez-vous trouvé qu'ils passent fort légèrement sur ce phénomène, ou du moins qu'ils se sont plus appliqués à en rendre raison conformément à leurs principes, qu'à le bien exposer tel qu'il est. Il me semble pourtant qu'avant que de se mettre à expliquer les merveilles de la nature, il faudroit s'efforcer d'en bien connoître toutes les particularités. Voici ce qui m'a paru le plus digne d'être remarqué sur la matière présente. I. Lorsque le vaisseau fait bonne route, on voit souvent une grande lumière dans le sillage, je veux dire dans les eaux qu'il a fendues et comme brisées à son passage. Ceux qui n'y regardent pas de si près attribuent souvent cette lumière ou à la lune, ou aux étoiles, ou au fanal de la poupe. C'est en effet ce qui me vint d'abord dans l'esprit la première fois que j'aperçus cette grande lumière. Mais comme j'avois une fenêtre qui donnoit sur le sillage même, je me détrompai bientôt, surtout quand je vis que cette lumière paroissoit bien davantage lorsque la lune étoit sous l'horizon, que les étoiles étoient couvertes de nuages, que le fanal étoit éteint, enfin lorsqu'aucune lumière étrangère ne pouvoit éclairer la surface de la mer. II. Cette lumière n'est pas toujours égale: à certains jours il y en a peu ou point du tout; quelquefois elle est plus vive, quelquefois plus languissante: il y a des temps où elle est fort étendue, d'autres où elle l'est moins. V. Il y a des jours où l'on démêle aisément dans le sillage les parties lumineuses d'avec celles qui ne le sont pas; d'autres fois on ne peut faire cette distinction. Le sillage paroît alors comme un fleuve de lait qui fait plaisir à voir. C'est en cet état qu'il me parut le 10 de juillet 1704. VI. Lorsqu'on peut distinguer les parties brillantes d'avec les autres, on remarque qu'elles n'ont pas toutes la même figure: les unes ne paroissent que comme des pointes de lumière, les autres ont à peu près la grandeur des étoiles, telles qu'elles nous paroissent; on en voit qui ont la figure de globules d'une ligne ou deux de diamètre; d'autres sont comme des globes de la grosseur de la tête. Souvent aussi ces phosphores se forment en carré de trois ou quatre pouces de long, sur un ou deux de large. Ces phosphores de différentes figures se voient quelquefois en même temps. Le 12 de juin, le sillage du vaisseau étoit plein de gros tourbillons de lumière et de ces carrés oblongs dont j'ai parlé. Un autre jour que notre vaisseau avançoit lentement, ces tourbillons paroissoient et disparoissoient tout à coup en forme d'éclairs. VII. Ce n'est pas seulement le passage d'un vaisseau qui produit ces lumières, les poissons laissent aussi après eux un sillage lumineux, qui éclaire assez pour pouvoirdistinguer la grandeur du poisson et connoître de quelle espèce il est. J'ai vu quelquefois une grande quantité de ces poissons, qui, en se jouant dans la mer, faisoient une espèce de feu d'artifice dans l'eau, qui avoit son agrément. Souvent une corde mise en travers suffit pour briser l'eau en sorte III. Pour ce qui est de sa vivacité, vous serez peut-être surpris quand je vous dirai que j'ai lu sans peine à la lueur de ces sillons, quoi-qu'elle devienne lumineuse. VIII. Si on tire de l'eau de la mer, pour peu qu'on la remue avec la main dans les ténèbres, on y verra une infinité de parties brillantes. que élevé de neuf ou dix pieds au-dessus de la surface de l'eau. J'ai remarqué les jours par curiosité: c'étoient le 12 de juin de l'année 1704 et le dixième de juillet de la même année. Il faut pourtant vous ajouter que je ne pouvois IX. Si l'on trempe un linge dans l'eau de la lire que le titre de mon livre, qui étoit en let-mer, on verra la même chose quand on se met tres majuscules. Cependant ce fait a paru incroyable à ceux à qui je l'ai raconté.; mais vous pouvez m'en croire, et je vous assure qu'il est très-certain. IV. Pour ce qui regarde l'étendue de cette lumière, quelquefois tout le sillage paroît lu aletordre dans un lieu obscur, et même, quand il est à demi sec, il ne faut que le remuer pour en voir sortir quantité d'étincelles. X. Lorsqu'une de ces étincelles est une fois formée, elle se conserve longtemps, et si elle s'attache à quelque chose de solide, par exemple aux bords d'un vase, elle durera des heures | l'humeur fut desséchée, la lumière s'éteignit. entières. XI. Ce n'est pas toujours lorsque la mer est le plus agitée qu'il y paroît le plus de ces phosphores ni même lorsque le vaisseau va plus vite. Ce n'est pas non plus le simple choc des vagues les unes contre les autres qui produit des étincelles, du moins je ne l'ai pas remarqué. Mais j'ai observé que le choc des vagues contre le rivage en produit quelquefois en quantité. Au Brésil, le rivage me parut un soir tout en feu, tant il y avoit de ces lumières. Voilà les principales observations que j'ai faites sur ce phénomène : je vous laisse à examiner si toutes ces particuliarités peuvent s'expliquer dans le système de ceux qui établissent pour principe de cette lumière le mouvement de la matière subtile ou des globules, causé par la violente agitation des sels. Il faut encore vous dire un mot des iris de la mer. Je les ai remarqués après une grosse tempête que nous essuyâmes au cap de BonneEspérance. La mer étoit encore fort agitée, le vent emportoit le haut des vagues et en formoit une espèce de pluie où les rayons du soleil venoient peindre les couleurs de l'iris. Il est vrai que l'iris céleste a cet avantage sur l'iris de la mer, que ses couleurs sont bien plus vives, plus distinctes et en plus grande quantité. Dans l'iris de la mer on ne distingue guère que deux XII. La production de ces feux dépend beaucoup de la qualité de l'eau, et, si je ne me trompe, généralement parlant, on peut ayancer que, le reste étant égal, cette lumière est plus grande lorsque l'eau est plus grasse et plus baveuse, car en haute mer l'eau n'est pas également pure partout: quelquefois le linge qu'on trempe dans la mer revient tout gluant. ❘ sortes de couleurs: un jaune sombre du côté moins de la plus incontestable vérité; ils ont d'ailleurs été décrits maintes fois par les voyageurs de la véracité la moins suspecte, et qui les ont observés en différentes parties des mers. Or, j'ai remarqué plusieurs fois que quand le sillage étoit plus brillant, l'eau étoit plus visqueuse et plus grasse et qu'un linge mouillé de cette eau rendoit plus de lumière lorsqu'on le remuoit. XIII. De plus on trouve dans la mer certains endroits où surnagent je ne sais quelles ordures de différentes couleurs, tantôt rouges, tantôt jaunes. A les voir, on croiroit que ce sont des sciures de bois: nos marins disent que c'est le frai ou la semence de baleine; c'est de quoi l'on n'est guère certain. Lorsqu'on tire de l'eau de la mer en passant par ces endroits, elle se trouve fort visqueuse. Les mêmes marins disent qu'il y a beaucoup de ces bancs de frai dans le nord et que quelquefois pendant la nuit ils paroissent tout lumineux, sans qu'ils soient agités par le passage d'aucun vaisseau ni d'aucun poisson. XIV. Mais pour confirmer davantage ce que j'avance, savoir que plus l'eau est gluante, plus elle est disposée à être lumineuse, j'ajouterai une chose assez particulière que j'ai vue. On prit un jour dans notre vaisseau un poisson que quelques-uns crurent être une bonite. Le dedans de la gueule du poisson paroissoit durant la nuit comme un charbon allumé, de sorte que sans autre lumière je lus encore les même caractères que j'avois lus à la lueur du sillage. Cette gueule étoit pleine d'une humeur visqueuse; nous en frottâmes un morceau de bois qui devint aussitôt tout lumineux : dès que du soleil et un vert pâle du côté opposé. Les autres couleurs ne font pas une assez vive sensation pour pouvoir les distinguer. En récompense, les iris de la mer sont en bien plus grand nombre; on en voit vingt et trente en même temps, on les voit en plein midi et on les voit dans une situation opposée à l'iris céleste, c'est-à-dire, que leur courbure est comme tournée vers le fond de la mer. Qu'on dise après cela que dans ces voyages de long cours on ne voit que la mer et le ciel, cela est vrai, mais pourtant l'un et l'autre représentent tant de merveilles qu'il y auroit de quoi bien occuper ceux qui auroient assez d'intelligence pour les découvrir. Enfin, pour finir toutes les observations que j'ai faites sur la lumière, je n'en ajouterai plus qu'une seule, c'est sur les exhalaisons qui s'enflamment pendant la nuit et qui en s'enflammant forment dans l'air un trait de lumière. Ces exhalaisons laissent aux Indes une trace bien plus étendue qu'en Europe. Du moins j'en ai vu deux ou trois que j'aurois prises pour de véritables fusées: elles paroissoient fort proches de la terre et jetoient une lumière à peu près semblable à celle dont la lune brille les premiers jours de son croissant: leur chute étoit lente et elles traçoient en tombant une ligne courbe. Cela est certain au moins d'une de ces exhalaisons que je vis en haute mer, déjà bien éloigné de la côte de Malabar. C'est tout ce que je puis vous écrire pour le présent: je souhaite, mon réverend père, que | que merveilleux qu'ils puissent paraître, n'en sont pas ces petites observations vous fassent plaisir. Grâce au Seigneur, je n'attends que le moment où l'on m'avertisse d'entrer dans le Maduré. C'est la mission qu'on me destine et après laquelle vous savez que je soupire depuis tant d'années. J'espère que j'aurai occasion d'y faire des observations beaucoup plus importantes sur la miséricorde de Dieu à l'égard de ces peuples et auxquelles vous vous intéresserez vous-même davantage. Aidez-moi du secours de vos saints sacrifices, dont vous savez que j'ai tant de besoin. Je suis, etc. OBSERVATIONS SUR LA PHOSPHORESCENCE DE LA MER. Aux notes fournies par les missionnaires, et qu'on n'aura pas manqué de lire avec intérêt, nous en ajouterons d'autres plus étendues à la fois et plus précises, qui donneront à cette partie des mémoires tout l'attrait qu'elle comporte. Depuis Aristote et Pline, la phosphorescence des eaux de la mer a été pour les navigateurs et les physiciens un constant objet d'étude et de méditation. Les phénomènes en sont nombreux et variés. Ici, la surface de l'océan étincelle et brille dans toute son étendue comme une étoffe d'argent électrisée dans l'ombre; là, se déploient les vagues en nappes immenses de soufre et de bitume embrasés; ailleurs, on dirait une mer de lait, dont on n'aperçoit que les extrémités. Les détails de ce grand phénomène ne sont pas moins dignes d'admiration que leur ensemble. Bernardin de Saint-Pierre a décrit avec enthousiasme ces étoiles brillantes qui semblent jaillir par milliers du fond des eaux, et dont, ajoute-t-il avec raison, celles de nos feux d'artifice ne sont qu'une bien faible imitation. D'autres ont parlé de ces masses embrasées qui roulent sous les vagues comme autant d'énormes boulets rouges, et qui parfois ne paraissent pas avoir moins de dix, quinze et vingt pieds de diamètre. Plusieurs marins ont observé des parallélogrammes incandescens, des cônes de lumière pirouettant sur eux-mêmes, des guirlandes éclatantes, des serpenteaux lumineux. Sur quelques points on voit s'élancer au-dessus de la surface des mers des jets de feux étincelans; ailleurs, on a vu comme des nuages de lumière et de phosphore errer sur les flots au milieu des ténèbres. Quelquefois l'océan paraît comme décoré d'une immense écharpe de lumière mobile, onduleuse, dont les extrémités vont se rattacher aux bornes de l'horizon. Tous ces phénomènes et beaucoup d'autres encore que nous nous abstenons d'indiquer ici, quel Péron est de tous les navigateurs celui qui a réuni le plus de notions sur les phénomènes de la phosphorescence; c'est de lui que nous tirons les descriptions précédentes, dont il puisa lui-même les élémens dans Cook, La Peyrouse, Labillardière, Vancouver, Banks, Sparmann, Solander, Lamanon, d'après de La Mannevilette, Legentil, Adanson, Fleurieu, Marchand, Stavorinus, Spallanzani, Bourzeis, Limės, Pison, Hunter, Byron, Beal, Adler, Rathger, Martins, de Gennes, Hierne, Dagelet, Dicquemarre, Bacon, Lescarbot, Læflingius, Shaw, Sloane, Dombey, Ozanum, Barter, Tarnstrom, Marsigli, Kalm, Nassau, Poutoppidan, Morogue, Phipps, Poutrincourt, Heittmann, Kirchmayer, Anson, Frézier, Lemaire, Van-Neck, Rhumpf, Rogers, Dracke, etc. Combien de théories n'ont pas été successivement émises pour l'explication de ces phénomènes variés. On en a cherché la cause, tantôt dans l'esprit prétendu du sel, dans le bitume, dans le pétrole, dans les huiles animales, tantôt dans le frai du poisson, dans celui des mollusques, dans les débris des animaux marins. D'autres ont cru que le mucus gélatineux qui transsude continuellement des zoophytes n'était pas étranger à ces brillans effets. Quelques physiciens ont admis une espèce de mouvement de putréfaction dans les couches superficielles de l'océan; plusieurs ont appelé la lumière à leur secours, et tandis que les uns la faisaient agir comme combinée, d'autres la considéraient comme exclusivement réfléchie. L'électricité ne pouvait manquer de jouer un grand rôle dans cette partie de l'histoire de la mer, et plusieurs hommes célèbres ont effectivement eu recours à cet agent. Le phosphore et ses combinaisons diverses ont récemment ouvert une nouvelle carrière aux hypothèses; quelques-uns ont supposé que dans ces phénomènes il était à l'état libre, d'autres ont voulu qu'il fût combiné avec l'hydrogène. En un mot, il n'est aucune sorte d'explication, vraisemblable ou même absurde, qui n'ait été donnée sur cet objet, et cependant l'opinion de plusieurs physiciens rigoureux flotte encore incertaine sur la cause réelle de ce grand phénomène physique. Mais Péron, après toutes ses recherches, toutes ses expériences, toutes ses réflexions, tous ses calculs, n'hésite pas à donner comme positifs les résultats suivans: 1o La phosphorescence appartient essentiellement à toutes les mers; on l'observe également au milieu des flots de l'équateur, dans les mers de la Norvége, de la Sibérie et dans celles du pôle antarctique; 2o Toutes choses égales d'ailleurs, la phosphorescence est en général plus forte et plus constante entre les tropiques ou près des tropiques que sous les lati- | personnes de toutes sortes de castes que la cutudes plus rapprochées des pôles; 3o La température habituellement plus élevée des mers équinoxiales pourrait être la cause médiate de cette différence; 4° La phosphorescence est plus grande et plus constante le long des côtes, dans les mers resserrées et dans les détroits, qu'au milieu des mers très-vastes et loin des terres; 5o Ce phénomène est d'autant plus sensible que la mer est plus fortement agitée et que l'obscurité de la nuit est plus profonde. On peut cependant l'observer aussi par les temps les plus calmes, et le plus beau clair de lune ne suffit pas toujours pour l'éclipser. LETTRE DU P. ÉTIENNE LE GAC Lutte des païens contre le christianisme. A Chinnaballabaram, le 10 janvier 1709. MON RÉVÉREND PÈRE. La paix de N.-S. riosité y avoit attirées. Les principaux d'entre ceux-ci demandèrent à parler au missionnaire. Le père de La Fontaine parut aussitôt en leur présence avec cet air affable qui lui est si naturel, et faisant tomber le discours sur la grandeur de Dieu, il les entretint quelque temps de l'importance qu'il y avoit de le connoître et de le servir. Ceux que la passion n'avoit pas encore prévenus témoignèrent être contens de cet entretien et y applaudirent; mais pour ceux qui étoient envoyés de la part des gouroux vichnouvistes', ils élevèrent leurs voix et nous menacèrent de venger bientôt d'une manière éclatante les divinités de leur pays, que nous rendions méprisables par nos discours. Le missionnaire répondit avec douceur qu'il enseignoit la vérité à tout le monde et qu'il n'y avoit que ceux qui embrasseroient cette vérité qui pussent espérer d'arriver un jour à la gloire à laquelle chacun d'eux avoit droit de prétendre. Ainsi se termina cette assemblée. La rage étoit peinte sur le visage de la plupart, et ils ne nous menaçoient de rien moins que de nous chasser du pays et de détruire nos églisés. C'était la résolution que les prêtres gentils avoient prise à Chillacatta, petite ville éloignée d'ici d'environ trois lieues. Ils souffroient impatiemment la désertion de leurs plus zélés disciples, dont un grand nombre avoient déjà reçu le baptême. Leurs revenus diminuoient à mesure que diminuoit le nombre des adorateurs de Vichnou, et cela encore, plus que le zèle pour le culte de leurs fausses divinités, les animoit contre notre sainte religion. Vous n'ignorez pas que depuis quelques années nous sommes entrés dans le royaume de Carnate el que nous y avons formé une mission sur le plan de celle que les jésuites portugais ont établie dans le Maduré : les commencemens en sont à peu près semblables; nous y éprouvons aussi les mêmes difficultés qu'ils y eurent à surmonter et peut-être encore de plus grandes. Tout récemment il nous a fallu essuyer un des plus violens orages qui se soient encore élevés contre cette mission naissante. Les Dasseris, qui font une profession particulière d'honorer Vichnou', faisoient depuis longtemps sous main de vains ❘ poient en grand nombre dans les places de la efforts pour arrêter les progrès de l'Évangile. Mais voyant que leurs trames secrètes devenoient inutiles, ils résolurent enfin d'éclater, se fiant sur leur grand nombre et sur la facilité du prince à leur accorder tout ce qu'ils demandent. Ce fut le jour de la Circoncision, lorsque les chrétiens sortoient de l'église, que notre cour se trouva tout à coup remplie de monde. Un grand nombre de Dasseris s'y étoient rassemblés avec quelques soldats du palais et plusieurs Divinité des Indiens, Le lendemain, second jour de janvier, nous apprîmes dès le matin que les Dasseris s'attrou ville: les cris menaçans que poussoient ces séditieux, le bruit de leurs tambours et de leurs trompettes, dont l'air retentissoit de toutes parts, obligèrent le prince à nous envoyer deux brames pour nous donner avis de cette émeute et nous sommer de sortir au plus tôt de la ville, sans quoi il lui seroit impossible d'apaiser une populace soulevée uniquement contre nous. Le père de La Fontaine répondit qu'il respectoit les moindres volontés du prince, mais qu'il le croyoit trop équitable pour ne lui pas rendre la justice qui lui étoit due. Prêtres de Vichnou, divinité indienne. |