Images de page
PDF
ePub

dont il s'agit, étant âgé de plus de vingt ans, peut et doit suivre la vérité sans égard aux oppositions de ses parens: chacun est personnellement chargé du soin de son âme. » Le prince, satisfait de ses raisons, promit de continuer son affection pour les chrétiens et défendit d'inquiéter personne au sujet de sa religion. Quelque temps après, le jeune Constantin tomba malade et mourut dans les sentimens du plus parfait chrétien. Son père et sa mère se sont fait baptiser et imitent aujourd'hui la ferveur de leur respectable fils. L'église de Vencatiguiri semble avoir tiré de cette persécution un heureux accroissement : plusieurs catéchumènes ont été régénérés; grand nombre d'idolâtres se font instruire et une nouvelle ferveur anime les anciens.

Voilà, monsieur, un récit fidèle des choses principales qui se sont passées sous mes yeux jusqu'en 1743. Une autre lettre vous instruira de ce qui est arrivé depuis. Il ne me reste qu'a vous assurer de ma parfaite reconnoissance et de celle de mes néophytes: eux et moi nous offrirons sans cesse au ciel des vœux pour un si généreux bienfaiteur. Je suis, etc.

LETTRE DU P. COEURDOUX

AU P. PATOUILLET.

Teinture en rouge des toiles de l'Inde.

A Pondichéry, le 13 octobre 1748.

MON RÉVÉREND PÈRE,
La paix de Notre-Seigneur.

Le mémoire que je vous envoie sur les différentes façons de teindre en rouge les toiles dans les Indes a été composé par feu M. Paradis, qui me pria de le lire et qui, sur les réflexions que je fis et que je lui communiquai, le retoucha et le mit dans l'état où il est. J'y ajoute d'autres remarques que j'ai faites depuis sur le même sujet, et je vous adresse le tout; vous en ferez l'usage que vous jugerez à propos. Je suis bien persuadé que vous ne laisserez pas inutile et dans l'oubli ce que vous croyez capable de contribuer à la perfection des arts.

Mémoire sur les différentes façons de tendre en rouge les toiles.

Les teinturiers indiens s'y prennent de trois façons pour teindre les toiles en rouge; j'expliquerai chacune de ces façons en son rang, aprés avoir prévenu que la première manière, bien plus composée que les deux autres, est aussi la meilleure et donne un rouge plus adhérent, et que la dernière est la plus imparfaite.

Première façon.

Pour teindre un coupon de toile de coton de cinq coudées de longueur, on fait ce qui suit. On prend d'abord la tige d'une plante nommée nayourivi, avec les branches et les feuilles, que l'on fait bien sécher, puis brûler pour en avoir la cendre. On met cette cendre dans un vase de terre contenant environ neuf

pintes d'eau de puits, et après l'avoir délayée on la laisse infuser pendant trois heures. Nos Indiens ont attention de choisir par préférence les eaux les plus âpres, comme ils s'expliquent; mais il n'est pas aisé de définir quelle est cette âpreté. Au reste, l'on sait qu'en Europe, aussi bien qu'ici, les teinturiers préfèrent certaines eaux dans lesquelles se trouvent quelques qualités propres à leurs teintures, par exemple l'eau du ruisseau des Gobelins à Paris passe pour la meilleure en ce genre.

Après trois heures, on passe dans un linge l'eau dont j'ai parlé, et l'on en prend une quantité suffisante pour que les cinq coudées de toile en soient bien mouillées et imprégnées. On y délaie des crottes de cabris de la grosseur d'un œuf auxquelles on joint la valeur d'un verre ordinaire d'un levain dont j'expliquerai ci-après la composition.

Enfin on verse sur le tout une sere d'huile

Les teinturiers veulent que la toile soit crue; blanchie, elle ne prendrait pas si bien la teinture. Espèce de cadelari, variété de l'achyrantes aspera, qui passe pour un bon stomachique.

Ces puits dont l'eau est apre ne sont pas fort communs dans les Indes; quelquefois il ne s'en trouve qu'un seul dans toute une ville. J'ai goûté de cette eau, je n'y ai pas trouvé le goût qu'on lui attribue, mais elle m'a paru moins bonne que l'eau ordinaire. On se sert de cette eau préférablement à toute autre, afin que le rouge soit beau, disent les uns, et suivant ce que disent les autres plus communément, c'est une nécessité de s'en servir, parce que autrement le rouge ne tiendrait pas. (Note de l'auteur du mémoire.)

[blocks in formation]

de gergelin'. Lorsque toutes ces drogues ont été bien délayées, si l'infusion de cendres est bonne, l'huile rendra l'eau blanchâtre et ne surnagera pas. Le contraire arriveroit si les cendres étoient mêlées avec celles de quelque autre bois que le nayourivi. Cette préparation faite comme on vient de le dire, on y trempe la toile, qu'on pétrit bien dans le fond du vase, et on la laisse ensuite ramassée pendant douze heures, c'est-à-dire du matin au soir.

La toile ayant été préparée pendant huit jours et huit nuits, on la lave dans de l'eau de cendre simple, pour en tirer l'huile jusqu'à ce qu'elle blanchisse un peu, et de là dans l'eau ordinaire, mais toujours apre; ensuite on la fait sécher au soleil. Pendant les opérations dont je viens de parler, on aura préparé et fait sécher et pulvériser de la feuille de cacha '; on en prend une sere qu'on détrempe dans de l'eau apre toute simple et en quantité suffisante pour en bien imprégner la toile, quel'on y agite cinq ou six fois et qu'on laisse passer la nuit dans cette eau. Ceci ne se fait qu'une fois. Le lendemain matin on tord la toile et l'on en exprime l'eau à un certain point; ensuite on la fait sécher au soleil jusqu'au soir. Cette prépa

Alors on verse dessus un peu d'eau de cendre toute simple afin d'y entretenir l'humidité nécessaire pour pouvoir, en la pétrissant encore, la pénétrer dans toutes ses parties, après quoi on la laisse encore ramassée dans le fond du même vase jusqu'au lendemain. Ce second | ration, qui lui donne un œil jeunâtre, étant gros bout de la longueur d'un pouce, à hacher le reste de la longueur de cinq ou six lignes pour le piler plus facilement dans un mortier de pierre en quantité à peu près d'une sere, enfin à l'humecter avec de l'eau simple, tant pour former une espèce de pâte de cette racine que pour empêcher que la poussière ne s'élève et ne se perde.

jour on agite la toile et on la pétrit comme la veille, de façon qu'elle se trouve humectée également; ensuite, l'ayant tordue à un certain point et secouée plusieurs fois, on la met bien étendue au soleil le plus ardent jusqu'au soir, qu'on la replonge et qu'on l'agite dans la même préparation qu'on a eu soin de conserver et dans laquelle on l'a laissée pendant la nuit; mais comme cette préparation se trouve diminuée, on remplace ce qu'elle a perdu par de l'eau de cendre simple, qui en la rendant plus liquide la rend aussi plus propre à s'étendre et à se partager dans toutes les parties de la toile.

L'opération dont on vient de parler doit se répéter pendant huit jours et huit nuits. On va expliquer à présent ce que c'est que le verre de levain qui doit entrer dans la prépation.

Ce levain n'est autre chose que cette même préparation que les peintres ont soin de conserver dans des vases de terre pour s'en servir une autre fois; mais s'ils avoient perdu leur levain, la façon d'en faire de nouveau est de prendre de l'eau apre dans laquelle on fait infuser des cendres de nayourivi, d'y délayer de la fiente de cabris et l'huile de gergelın, comme on l'a déjà dit, et de laisser le tout fermenter pendant deux fois vingt-quatre heures, ce qui forme un nouveau levain.

achevée, on passe à celle dont je vais parler. Après avoir fait sécher et pulvériser la peau ou l'écorce des racines d'un arbre nommé nouna par les Indiens et nancoul par les Portugais de ce pays-ci, on prend une sere de cette poudre qu'on délaie comme celle du cacha dans l'eau simple. On y plonge et l'on y agite pareillement la toile, et on l'y laisse également passer la nuit pour l'en retirer le lendemain, la tordre et la faire sécher jusqu'au soir, qu'on la replonge dans la même eau; elle y passe une seconde nuit, et on la retire le troisième jour pour la faire sécher. Cette dernière préparation lui communique une couleur rougeâtre à laquelle le chayaver donne la force et l'adhérence.

Pendant qu'on prépare la toile comme je viens de le dire, on doit aussi préparer les racines de chayaver, ce qui consiste à les émonder, à rejeter les extrémités du côté du

profondeur. La sere est aussi un poids Indien qui est de neuf onces.

* L'huile de gergelin, comme on l'appelle aux Indes du terme portugais, n'est autre chose que l'huile de sésame. A son défaut on peut se servir de saindoux liquéfie.

Le cacha est un grand arbre commun aux Indes et dont la feuille est d'une consistance assez semblable à celle du laurier, mais plus moelleuse, plus courte et arrondie par le bout; sa fleur est bleue. On le nomme aussi cachi ou jaquier.

• Le nouna est un grand arbre dont les feuilles sont longues d'environ trois pouces et demi et larges de quinze lignes. Son fruit est à peu près de la grosseur d'une petite noix et couvert d'une peau verte contenant dans des cellules cinq à six pepins ou noyaux. Les Malabares mangent de ce fruit en acharts, c'est-àdire préparé à la façon de nos cornichons. Cet arbre est un psychoturia de la famille des rubiacés.

* Chaya ou chayaver est une plante qui ne croît hors de terre que d'environ un demi-pied; sa feuille est d'un vert clair, ses racines sont quelquefois de quatre pieds : celles qui n'en ont qu'un de longueur sont les meilleures pour la teinture.

cadou ou cadoucaye1, au nombre de deux pour chaque coudée de toile; on les cassera pour en tirer le noyau, qui n'est bon à rien dans le cas présent; on broiera le reste en roulant un cylindre de pierre plate et unie, ayant soin de l'humecter avec de l'eau (j'entends toujours de l'eau âpre), de façon que le tout forme une espèce de pâte plus sèche que liquide que l'on délaie en quantité suffisante pour bien humecter les cinq coudées de toile à teindre, c'està-dire un peu plus d'une pinte d'eau. Cette toile ainsi humectée, on la tord sans cependant la dessécher trop; puis après l'avoir troussée on l'étend à l'ombre, où on la laisse sécher. Cette préparation, qui lui donne un œil jaunâtre, la dispose à recevoir la couleur du

Ce chayaver ainsi préparé, on le délaie dans environ neuf pintes d'eau simple; e; on y plonge et agite la toile, qui y passe la nuit pour en être retirée le lendemain matin. Alors on la tord fortement et on la fait sécher au soleil pendant huit jours consécutifs. Chacun de ces huit jours charge de plus en plus cette toile de couleur, qui parvient enfin à un rouge foncé. Les huit jours expirés, on prend deux seres de la même | chayaver et l'y attache plus intimement. poudre de chayaver qu'on met dans un autre vase de terre avec environ dix pintes d'eau, qu'on fait chauffer sur un feu modéré jusqu'à ce que l'eau s'élève un peu: c'est le moment où l'on y plonge la toile, après quoi on aug-le-champ, et aussitôt on retire de dessus le feu

La toile étant en l'état qu'on vient de dire, on prend un vase de terre dans lequel on fait un peu chauffer environ une pinte d'eau; on y verse un palam d'alun pulvérisé qui fond sur

mente le feu; et quand l'eau bout bien fort, on le vase, dans lequel on verse deux ou trois retire le bois qui restoit sous le vase, qu'on pintes d'eau fraîche; ensuite on étend la toile laisse sur la braise pendant dix-huit heures sur l'herbe au soleil et on prend un chiffon de sans toucher ni alimenter le feu par de nou- | linge net que l'on trempe dans cette eau et que veaux bois. l'on passe sur le côté apparent de cette toile Pendant toute cette opération, on a grand | d'un bout à l'autre, en retrempant d'instant en soin d'agiter la toile avec le bout d'un bâton afin que la teinture en pénètre mieux toutes les parties. Les dix-huit heures passées, on retire cette toile, on la lave dans l'eau simple et fratche, et ensuite on la suspend pour la faire sécher, et de cette façon la toile est teinte en rouge foncé de la première façon.

instant le chiffon dans cette eau. Quand ce côté de la toile est bien humecté, on la retourne sur l'autre, auquel on en fait autant, après quoi on la laisse sécher. Ensuite on la porte à l'étang, dans lequel on l'agite trois ou quatre fois pour enlever une partie de l'alun et étendre plus également le reste. De là on l'étend encore sur l'herbe, où on lui donne une

❘il

vient d'être expliqué et on la laisse sécher. Observez que cette dernière fois il ne faut pas attendre que la toile soit absolument sèche pour lui donner la seconde couche d'eau d'alun, sans doute afin que celle-ci s'étende plus facilement et plus également.

Une remarque à faire, c'est que quand on a commencé une teinture avec une sorte d'eau, ❘ seconde couche de la même eau d'alun comme il ne faut plus la changer, mais s'en servir dans toutes les opérations jusqu'à la fin. Les plus fratches racines du chaya ou chayaver sont les meilleures, fussent-elles tirées de la terre le jour même, pourvu qu'elles aient le temps de sécher, ce qui se peut faire promptement, vu la finesse de cette racine. Cependant au bout d'un an elles sont encore bonnes et même elles peuvent servir jusqu'à trois ans de vieillesse, mais toujours en diminuant de bonté.

Deuxième façon de teindre les toiles en rouge.

Pour teindre un coupon de toile de cinq coudées de longueur, on commence par la faire blanchir, après quoi on prend des fruits de

Cette double opération faite et la toile étant bien sèche, on la reporte à l'étang, où on la

Le fruit cadou se trouve dans les bois sur un arbre d'une médiocre grandeur. Ce fruit sec, qui est de la grosseur de la muscade, est à la fois acide et onctueux; c'est a ces deux qualités qu'on doit attribuer l'adhérence des couleurs dans les toiles indiennes.

2 Palam est un poids indien qui équivaut à une once et un huitième.

plonge une vingtaine de fois en la frappant chaque fois d'une dixaine de coups sur des pierres de taille placées exprès sur le bord de cet étang, ce qui se fait en fronçant et ramassant cette toile, en la tenant par un côté de l'une de ses laizes et en reprenant ensuite à la main le côté de l'autre laize. Ceci fait, on réitérera l'opération en fronçant la toile et en l'empoignant par un de ses bouts ainsi froncés, et on commence à en frapper la pierre par une de ses extrémités en revenant peu à peu jusqu'à son milieu. On la retourne alors pour en faire autant, en commençant par l'autre extrémité. Les teinturiers fixent aussi le nombre de ces derniers coups à deux cents; je crois cependant que le plus ou le moins ne peut guère déranger l'opération. Cette toile ainsi lavée, on l'étend au soleil, où on la laisse sécher.

même à l'ombre. Après que la toile est bien séchée, on la trempe dans l'eau préparée comme on va le dire.

On prend du bois du sapan, brisé en plusieurs petits morceaux de la longueur du doigt, plus ou moins, qu'on laisse infuser douze à quinze heures dans neuf à dix pintes d'eau fratche, toujours apre, que l'on fait chauffer jusqu'a ce qu'elle ait fait trois ou quatre bouillons. On la retire alors du feu pour la séparer de son sédiment, on la verse par inclinaison dans un autre vase de terre, où on la laisse refroidir. Dans cet état, on en prend une partie dans laquelle on plonge la toile, qu'on y agite un peu et qu'on retire aussitôt. On la tord jusqu'à un certain point, et on la fait sécher à l'ombre. Quand cette toile est sèche, on recommence cette opération, qu'on répète trois fois ou même quatre si on remarque que la couleur ne soit pas assez foncée.

Alors on prend la quantité de cinq livres et demie de racine de chayaver qu'on prépare ainsi qu'il est marqué dans la première façon et qu'on verse dans un grand vase de terre contenant environ quinze pintes d'eau plus que tiède, mais qui ne bouillonne pas encore, et ayant bien remué cette eau pendant une demi-frémir l'eau; on la verse aussitôt dans un autre | racine, qui a quelquefois trois lignes de diamètre, sort une tige qui se divise souvent en plusieurs autres dès son origine; chaque tige a des nœuds de distance en distance, et ordinairement de chaque nœud sortent deux branches qui ont aussi leurs nœuds, d'où sortent d'autres branches plus petites, et à l'extrémité de chacune de ces branches naissent des fleurs, comme je dirai plus bas.

heure, on y plonge la toile, après quoi l'on augmente le feu de manière à faire fortement bouillir pendant cinq heures le tout, qu'on laisse encore trois heures sur le feu tel qu'il est sans y mettre d'autre bois pour l'entretenir. On observera pendant cette préparation de soulever et de remuer la toile avec un bâton, au moins de demi-heure en demi-heure, afin qu'elle puisse être plus facilement et plus également pénétrée de la teinture,

Après les huit heures expirées, on retire la toile du chayaver pour la secouer, la tordre et la laisser ramassée sur elle-même pendant une nuit. Le lendemain matin, l'ayant lavée à l'étang pour en détacher les brins de chayaver et autres ordures qui auroient pu s'y attacher, on la fera sécher au soleil, en l'étendant bien, moyennant quoi cette toile se trouvera teinte en rouge.

Troisième façon de teindre les toiles en rouge avec le bois de sapan.

On prépare la même longueur de toile avec le cadou broyé et détrempé comme dans la deuxième manière, et on la fait sécher de

Il est indifférent que cette toile soit blanchie ou qu'elle soit crue.

Cela fait, on met dans un vase de terre environ une demi-pinte d'eau dans laquelle on jette un demi-palam d'alun pulvérisé, et l'on fait chauffer le tout jusqu'au point de voir

vase contenant une pinte d'eau fraîche. Ayant bien agité le tout, on y plonge la toile, et lorsqu'elle est bien imbibée de cette composition, on la tord légèrement de peur d'en détacher la couleur, après quoi on l'étend et on la fait sécher à l'ombre, ce qui achève cette sorte de teinture, à la vérité assez imparfaite puisqu'elle se détache à la lessive et s'évapore au soleil. J'ai remarqué que cette dernière préparation d'alun occasionnoit un changement notable dans la couleur de cette toile, qui d'un rouge orangé passe aussitôt à un rouge foncé en tirant sur la couleur de sang de bœuf.

Remarques sur l'eau que les peintres indiens préfèrent pour leurs teintures

Comme je crois que la qualité de l'eau qu'emploient nos peintres et nos teinturiers contribue effectivement à l'adhérence des couleurs, il me paroît à propos de la faire connaître plus particulièrement pour aider aux recherches qu'on pourroit faire en France des eaux les plus propres aux teintures, car il n'est pas impossible qu'on y rencontre des qualités homogènes à celles dont je vais parler. Voici comme le sieur Cayerfourg, chirurgien-major de cette ville, s'explique à leur sujet.

<< Par l'analyse que je viens de faire de l'eau qui sert à la teinture des toiles, j'ai trouvé qu'elle étoit plus légère que celle d'Oulgaret', dont ont boit ici par préférence à toute autre, savoir: de vingt-huit grains un seizième sur une livre de quatorze onces poids de marc'; et ayant aussi comparé l'eau d'Oulgaret à celle d'un des puits de la ville le plus fréquenté par ceux qui n'ont pas la commodité de s'en faire apporter de la première, j'ai trouvé que cette dernière étoit pour une livre de seize onces plus pesante de quarantehuit grains que celle d'Oulgaret. De là il résulte, calcul fait, que l'eau qu'adoptent vos teinturiers est de soixante grains et trois soixantièmes plus légère que celle de la ville, dont on use cependant plutôt que de celle des teinturiers, qu'il ne seroit pas possible de boire à cause de son goût insipide mais point âpre, tirant seulement un peu sur le goût minéral, quoique je n'y aie trouvé aucun sel de cette espèce après en avoir fait évaporer trente onces au bain de sable, lesquelles ne m'ont donné que onze grains d'un sel gemme très-blanc.>>>

Tel est le mémoire de M. Paradis. Voici les remarques que j'ai faites à son occasion.

1o La première plante dont on fait usage pour la teinture en rouge est celle qu'on nomme en langue tamoul nayourivi: c'est une plante qui crost partout aux Indes sans qu'on la sème. Quoique les Indiens la fassent entrer dans leurs remèdes, ainsi que presque toutes les autres plantes, ont pourroit la mettre au nombre des mauvaise herbes si elle n'étoit employée aussi utilement qu'elle l'est pour teindre les toiles et le fil en rouge. Je joins ici la description de cette plante telle qu'elle a été faite à ma prière par une personne intelligente: c'est M. Binot, docteur en médecine.

La racine du nayourivi est fort longue, fibreuse, recouverte d'une écorce cendrée, se cassant très-facilement et s'enfonçant en forme de pivot en terre. De la circonférence de cette racine principale naissent de distance en distance des filets fort longs qui en donnent d'autres plus petits; il y a de ces filets qui ont plus d'un pied de longueur. Du collet de cette

Puits situé hors de la ville de Pondichéry, à une lieue environ du bord de la mer.

mer.

Puits situé à environ cent toises du bord de la

[ocr errors]
[ocr errors]

Les feuilles sont opposées et naissent deux à deux, de manière que les deux d'en bas forment une croix avec les deux autres qui sont au-dessus, et ainsi successivement ces deux feuilles enveloppent toujours un des nœuds de la tige.

Ces feuilles ont environ quatre pouces de long sur deux dans leur grande largeur ; elles sont arrondies à leur extrémité et se terminent en pointe à leur base; elles portent sur la tige par un pédicule fort grêle et long au plus d'une ligne; de la côte principale naissent plusieurs nervures opposées. Ces feuilles sont fort minces, d'un vert påle en dessus et d'un vert plus pâle en dessous; elles sont légèrement velues en dessus et en dessous. Les tiges sont verdâtres, et dans quelques endroits elles sont rougeâtres; elles contiennent dans leur intérieur une moelle blanchâtre. Les nœuds de cette plante sont fort durs; la plante a un port désagréable et croft à la hauteur de quatre pieds environ.

Les parties qui composent la fleur de cette plante sont si petites qu'on a besoin d'une bonne loupe pour les distinguer. Cette fleur est à étamines disposées autour d'un embryon qui devient dans la suite une semence. Cet embryon est terminé par un stylet très-fin, garni d'une petite tête à son extrémité. Les étamines ont environ'une demi-ligne ou trois quarts de ligne de longueur surmontées par de petites têtes rougeâtres. Chacune des parties qui composent le calice est coriace, très-dure, un peu velue en dehors, verdâtre en dessus, terminée par une pointe fort aiguë tirant sur le rouge; le contour de chacune de ces feuilles tire un peu sur le blanc: elles ont une ligne ou une ligne et un quart environ de longueur sur un tiers de ligne de largeur au plus. La partie inférieure du calice est collée contre la tige, et l'on n'y remarque point de pellicule. De la base de ce calice naissent deux petites pellicules d'un rouge fort vif, de la même figure que les feuilles du calice, mais beaucoup plus

« PrécédentContinuer »