petites, n'ayant au plus qu'une demi-ligne de longueur. La disposition de tous ces calices est singulière en ce qu'ils ont tous la pointe tournée contre terre. Ces calices sont disposés en rond autour des extrémités de quelques branches éloignées les unes des autres d'environ deux lignes, au nombre quelquefois de deux ou trois cents, ce qui forme des espèces de queues hérissées. Chaque calice renferme un embryon de graine qui devient dans la suite une semence longuette, d'un brun foncé ou noirâtre, cylindrique, longue d'environ une demi-ligne sur un quart de ligne de diamètre. 2o Le mémoire ne marque point comment on peut connoître si l'infusion des cendres de nayourivi est trop ou trop peu chargée : c'est ce qu'on connoîtra par les expériences suivantes. Sur une cuillerée ou environ de cette infusion, on y laisse tomber quelques gouttes d'huile de sésame: mêlez-les ensemble avec le doigt; si l'eau est trop chargée des sels de la plante, elle prendra une couleur jaunatre; si elle l'est trop peu, l'huile ne se mêlera pas bien et surnagera en partie. Quand l'infusion est telle qu'elle doit être, elle devient blanche comme du lait: d'où il s'ensuit que si l'infusion est trop foible, il faut y ajouter des cendres; si elle est trop forte, il faut y verser de l'eau: c'est ainsi que je l'ai vu pratiquer par un prêtre indien. Il m'ajouta qu'il n'étoit pas nécessaire de passer l'infusion par un linge, ainsi que le marque le mémoire; que le meilleur et le plus facile pour avoir une eau plus nette étoit de la verser dans un autre vase par inclinaison. Il me dit encore que plusieurs laissoient infuser les cendres de nayourivi nonseulement trois heures, mais un jour et une nuit avant que de s'en servir. Il n'est pas au reste indifférent de se servir d'une infusion exacte ou non: les tisserands qui y auroient peu d'égard rendroient leurs fils trop cassans et auroient de la peine à tisser leurs toiles. 3o Non-seulement le saindoux peut suppléer à l'huile de sésame, il lui est même, dit-on, préférable, et c'est par épargne, à ce qu'on ajoute, qu'on ne se sert ici que de l'huile de sésame, parce qu'elle coûte moins que le saindoux: l'inconvénient pour l'Europe seroit d'en avoir qui demeureroit toujours liquide. L'on ajoute encore que les crottes de brebis sont meilleures que celles de chèvres, lesquelles étant plus chaudes de leur nature peuvent brûler les toiles. L'on ne craint pas de rapporter ces minuties, qui ne paraîtront peut-être pas inutiles aux gens du métier: faute de les savoir, les essais réussissent mal, on se rebute et l'on abandonne les expériences qu'on avoit commencées. 4o Le teinturier que j'ai consulté m'a assuré qu'il valoit mieux se contenter de secouer la toile que de la tordre, comme le dit le mémoire en parlant de la première opération, suivant laquelle on l'a laissée dans le fond du vase pendant la nuit. Il m'avertit encore qu'il pouvoit arriver que la toile que l'on prépare n'eût pas pu bien sécher, soit à cause de la pluie, dont il faut au reste préserver les toiles qu'on prépare, ou pour quelque autre raison, et qu'en ce cas, au lieu de la remettre dans l'eau, ainsi qu'il est dit dans la première opération, il faudroit attendre jusqu'au lendemain pour la faire sécher plus parfaitement, après quoi on la remettroit dans l'eau pour y passer la nuit, ainsi que le dit le mémoire. 5o Il est aisé de conclure de la dernière remarque qu'il peut arriver des circonstances et des saisons où l'opération de faire sécher et retremper la toile doit se répéter non-seulement huit jours et huit nuits, mais encore davantage; la difficulté est de connoître combien de fois il faut encore la réitérer. Outre l'usage et le coup d'œil de l'ouvrier, qui lui fait connoître si la toile a acquis le degré de préparation convenable, il peut se servir du moyen suivant. Il faut user sur une pierre humectée un peu de safran bâtard ou terra merida, dont on fait grand usage aux Indes pour les ragoûts; on prend un peu de l'espèce de pâte qui en résulte et on la met sur un coin de la toile, laquelle prend une couleur rouge si elle est suffisamment préparée; si elle ne l'étoit pas suffi samment, elle ne se teindroit pas de cette couleur. Mais c'est surtout au coup d'œil de l'ouvrier à juger si cette préparation, qui est une espèce de blanchissage, est suffisante: plus la toile est devenue blanche, mieux elle sera préparée. J'ai dit que cette préparation étoit une espèce de blanchissage, parce que effectivement le coupon de toile crue que l'on prépare devient blanc par ces opérations; mais il ne faut pas oublier qu'elles devroient se faire également quand même on voudroit teindre en rouge une toile blanche. 6o Comme la chose la plus nécessaire et en même temps la plus utile à avoir en Europe pour teindre à la manière indienne est la plante nayourivi, j'ai essayé par plusieurs expériences de découvrir la vertu et la qualité des cendres de cette plante et d'y trouver, s'il étoit possible, un supplément; je crois y avoir réussi. Voici les expériences : 1o Je mêlai de l'huile de lin avec l'infusion de nayourivi: elle se mêla presque aussi bien que l'huile de sésame, mais il surnagea quelques parties jaunes et fort grossières de cette huile, qui d'ailleurs étoit vieille et fort épaisse. 2o L'huile d'amande douce mêlée avec l'infusion fait aussi à peu près le même effet que l'huile de sésame, et on peut en dire autant de la graisse fondue de poule. 3o Je tentai l'expérience avec l'huile d'olive: je fus surpris de voir qu'elle ne se mêla point avec l'infusion de nayourivi; au lieu de surnager, elle se précipita et forma une espèce de coagulation au fond du vase et donna une couleur jaunâtre à l'infusion du nayourivi qui surnageoit par-dessus l'huile. 4o Malgré l'expérience, je crois voir des qualités analogues entre les sels de nayourivi et ceux de la soude : j'en fis dissoudre dans l'eau et fis avec cette dissolution du sel de soude les mêmes expériences que j'avois faites avec celle de nayourivi, et elles me réussirent également; il n'y a que celle que j'avois faite avec l'huile d'olive qui se trouva toute différente, car au lieu que cette huile ne se mêla point avec l'infusion de nayourivi, elle se mêla très-bien avec le sel de soude et donna une très-belle couleur de lait, à l'exception de quelques parties grossières de l'huile qui surnagèrent: au reste, cela ne pouvoit manquer d'arriver, la soude et l'huile d'olive étant la base du savon. 5o Je fis plus encore: je donnai à un teinturier du sel de soude et un morceau de toile d'Europe, lui recommandant de faire avec l'un et l'autre les mêmes opérations qu'il avoit coutume de faire avec son infusion de nayourivi. Il le fit, et nonseulement cela produisit le même effet, mais il | qui n'est autre chose que l'hune de sésame melée avec l'infusion gardée quelque temps, ce levain, dis-je, étant conservé avec soin, se fige enfin et devient dur, et alors il est, dit-on, excellent. Il est aisé de voir par là que l'eau de sésame avec la plante nayourivi forme un savon fort ressemblant en tout à celui qui résulte du mélange du sel de soude et d'huile d'olive; il n'est guère douteux, ce semble, que l'un ne puisse suppléer à l'autre sans inconvénient, pour ne pas dire avec avantage. 7° Les expériences qui ont été faites sur l'eau qui sert aux teinturiers indiens ont donné occasion au frère Du Choisel d'en faire d'autres sur le même sujet. Je les rapporterai, dans la persuasion qu'elles pourront faire plaisir et être utiles. <<< Cette eau a un goût insipide et dégoûtant qui m'a fait croire qu'elle étoit chargée de quelque partie de nitre; l'expérience m'en a convaincu, puisque ayant fait dissoudre dans huit onces d'eau ordinaire un demi-gros de nitre, je lui ai trouvé en partie le goût de celle-ci, ce qui n'est point arrivé à différens autres sels minéraux que j'ai fait pareillement dissoudre. Cette eau est un peu plus légère que celle qu'on boit à Pondichéry; elle pèse un gros de moins sur le poids de vingt-neufonces. >> J'ai distillé sept livres quatre onces de la même eau dans un alambic de cuivre étamé ; j'en ai tiré la moitié environ par la distillation. Cette eau distillée, qui est moins chargée de sel, a un goût un peu moins désagréable et moins dégoûtant; j'ai remarqué qu'elle pesoit alors un peu moins qu'auparavant, savoir un gros et demi sur la quantité de ving-neuf onces et par conséquent deux gros et demi de moins que l'eau ordinaire de Pondichèry. >> Cette eau distillée a déposé, au bout de quelques jours, quelques filamens, ainsi que l'eau simple distillée d'une plante lorsqu'elle a reposé quelque temps. J'ai fait évaporer au feu nu la moitié de l'eau qui restoit dans la cucurbite après la distillation; je l'ai filtrée par le papier gris, prétendit que l'effet de la dissolution de la soude ❘ qui s'est trouvé couvert d'une poudre blanche que j'ai regardée comme le caput mortuum de cette eau, parce qu'elle n'avoit aucune saveur ni aucun goût. étoit préférable à celle de la plante indienne; d'où l'on peut conclure que l'un pourroit suppléer à l'autre, quoique la nature de l'un et de l'autre ne soit pas absolument la même. >> J'ai exposé la liqueur filtrée à un lieu frais 6o Voici encore une observation qui confirme pour voir si elle déposeroit quelque sel au fond ce rapport de la soude et du nayourivi: c'est du vase, parce qu'elle avoit un goût un peu que le levain dont il est parlé dans le mémoire, | salė. Trois jours après, voyant qu'elle n'avoit rien déposé, j'ai fait évaporer au bain-marie la | savant chimiste'a fort bien remarqué que lorsmoitié de la liqueur, que j'ai filtrée une seconde fois; je l'ai encore exposée à un lieu frais sans en tirer plus que la première fois. J'ai enfin fait évaporer le reste de l'humidité, toujours au bain-marie, et j'en ai retiré un gros et quarante- | acide chargé d'une terre absorbante. Voilà ce qu'on faisoit bouillonner dans une très-grande quantité d'eau une petite quantité de salpêtre, on n'en retire qu'un sel salé semblable au sel marin ou au sel gemme, c'est-à-dire un sel deux grains de sel salé approchant du sel marin. J'ai mis quelques grains de ce sel dans une cuillerée de vinaigre; il s'y est dissout, et le vinaigre y a perdu un peu de sa force sans qu'il y ait eu de fermentation sensible. J'ai cherché pour quoi ce sel avoit une qualité alcali ayant cependant un goût acide. Pour cela j'ai jeté ce sel dans une quantité d'eau commune; j'en ai fait évaporer la moitié. Ce sel a eu de la peine à se dissoudre dans cette eau, et même il ne s'y est pas dissous entièrement. J'ai filtré cette dissolution à travers un papier blanc; le filtre est demeuré couvert d'une poudre grossière qui n'avoit aucun goût salė, la liqueur n'a déposé aucun sel dans le vase qui la contenoit. Après avoir reposé vingt-quatre heures, j'ai fait évaporer toute l'humidité sur un feu fort doux; après celle évaporation, le sel étoit fort blanc à la superficie et luisant. Je voulus retirer ce sel; mais je trouvai que le dessous étoit fort gris, parce que cette partie de sel étoit apparemment encore chargée de terre. Je n'ai pu faire cristalliser ce sel, parce que je n'en avois pas une assez grande quantité; d'ailleurs on sait que le sel fixe alcali ne se cristallise pas aussi facileque les autres sels. >> Ce sel étoit alcali apparemment à cause de la quantité de terre qui y étoit unie, car il avoit un goût salé comme le sel marin, qui est un sel acide, chargé d'un peu de terre. J'ai remarqué que tout le sel que j'ai tiré, après en avoir séparé la terre, n'étoit pas plus salé; d'ou il s'ensuit qu'une partie de son acidité s'est perdue dans les différentes évaporations que j'en ai faites. que m'ont donné les opérations dont je viens de parler. >>J'ai remarqué que cette eau, quoique insipide et dégoûtante, dissout bien le savon, ainsi que celle qui est bonne à boire, et elle dissère en cela de celle des puits de Paris, qui n'est pas bonne à cet usage. J'ai fait dissoudre un peu de nitre dans de l'eau commune qu'on boit à Pondichéry et ensuite j'y ai fait dissoudre du savon; il s'y est dissous comme dans l'eau que les peintres et les teinturiers indiens emploient dans leurs ouvrages.>>> 7° Je finis par les remarques auxquelles les Indiens prétendent distinguer les eaux propres à leurs teintures. Ils prétendent que l'eau âpre, ainsi qu'ils l'appellent, donne au riz une couleur rougeâtre lorsqu'on s'en sert pour le faire cuire, que la couleur de cette eau tire un peu sur le brun, que son goût la fait assez connoftre à ceux qui sont accoutumés à s'en servir, mais que la meilleure marque est l'expérience, parce que si l'on se sert d'une autre eau que celle-là, la préparation qui se fait pour les toiles peintes avec le lait du bufsle et le cadoucaye ou le mirobolam, dont il est parlé précédemment dans ces lettres édifiantes, ne s'attache pas bien à la toile. Voilà, mon révérend père, les remarques que j'ai faites sur la teinture en rouge et sur ce qui y a rapport. Le défaut de temps m'a empêché de les mettre plus tôt en ordre; mais le siége de cette ville, attaquée en vain par les Anglois pendant près de deux mois, m'a procuré pour cela plus de loisir que je n'aurois voulu. Cependant comme c'est au bruit du canon et au milieu des alarmes de la guerre que ces observations ont été rassemblées, j'espère qu'on aura pour elles quelque indulgence dans le ju >> J'ai fait évaporer trente onces de cette eau sans aucune autre préparation, et j'en ai tiré un demi-gros de sel fixe plus blanc que celui que j'ai tiré au bain-marie. Il avoit le même goût ❘gement qu'on en portera. Je suis, dans l'union que l'autre ; et comme je n'en avois rien séparé par la filtration, j'en tirai trois grains de plus å proportion que je n'en avois eu dans l'autre opération. Tout ceci confirmela première pensée que j'ai eue, que cette eau étoit chargée de nitre. Le nitre est un sel fossile salé, composé d'un sel acide et d'une terre absorbante. Un de vos saints sacrifices, etc. 1 M. Lemery. EXTRAIT D'UNE LETTRE DU P. POSSEVIN AU P. D'IRLANDE. État des mœurs et de la religion.-M. Dupleix. mim A Chandernagor, dans le Bengale, le 11 janvier 1749. La Providence m'a envoyé à Bengale en 1747 remplacer le père Lalou, qui y mourut le 6 septembre 1746. La vie y est à peu près comme en Europe. Il y a du travail et peu de fruit, le débordement des mœurs y élant considérable comme dans les autres colonies des còtes, plus même ici qu'à Pondichery, parce que le pays est bon, plus commerçant, qu'on y est moins maître qu'à Pondichéry et qu'il y a mélange de toutes nations et voisinage d'Anglois et de Hollandois. Cependant, à la faveur d'un hôpital de pauvres et d'orphelins que le père Mosac, notre supérieur, bâtit en 1744 ou 1745, dans un temps de mortalité et de famine, pour y mettre les enfans moribonds que les parens lui apportoient et lui vendoient, on ne laisse pas de faire ici du bien; nous les achetons deux roupies chacun et un morceau de toile; cela va à près d'un écu de six livres de notre monnoie, somme bien modique pour une âme rachetée du sang d'un Dieu. Cela occasionne d'autres conversions: les mères viennent quelquefois se faire chrétiennes en apportant leurs enfans. En général les adultes ici sont assez mauvais chrétiens: ils ont peu de foi, sont fort superstitieux, vivent dans une grande ignorance et indifférence de leur salut et dans un grand débordement de mœurs. On m'a mandé que le prince de Nolan vouloit nous donner un emplacement dans Nolan pour y bâtir une église. J'en bénis le Seigneur; mais à la moindre persécution l'église sera détruite, parce que ce prince est trop peu puissant et que les brames ont trop d'empire sur l'esprit des petits princes: il vaudroit mieux bâtir sur le terrain des Maures, que les brames craignent et qui en général nous sont favorables. A Pondichéry, en mai 1747, la famine s'est La roupie vaut 48 à 50 sous. (Note de l'ancienne edition.) fait sentir dans ces temps à vingt ou trente lieues à la ronde. Cela a occasionné bien des conversions de païens et surtout un grand nombre de baptêmes d'enfans moribonds. J'ai été bien consolé et édifié des aumônes de M. et de Mme Dupleix et du reste de la colonie française de Pondichéry'. Je ne doute pas que ce ne soit cela qui ait attiré la protection visible de Dieu sur Pondichéry et sur tous les établissemens françois dans l'Inde, car jusqu'à présent, malgré les forces formidables de nos ennemis, nous n'avons pas perdu un pouce de terre dans tous nos établissemens, quoique les Maures se soient joints aux Anglais contre nous; nous avons eu même le bonheur de les battre partout. Après que nous eûmes pris Madras et manqué Goudelour, ils ont été obligés de rester avec toutes leurs forces devant Goudelour pour le fortifier. Ensuite l'amiral Boscaven arriva avec son escadre de vingt-deux ou vingt-trois voiles aux fles de France, où il n'eut aucun succès; de là il vint se joindre à Goissin pour assiéger Pondichery par terre et par mer. Ce siège commença le 18 ou 22 août: il a duré jusqu'au 17 octobre 1748. Six mille Européens et autant de soldats du pays, tant Maures qu'autres, assiégeoient par terre, tandis que les vaisseaux anglais attaquoient par mer. Ils levèrent le siège après avoir perdu envıron quatorze cents hommes, tués ou morts de maladie ou faits prisonniers. Ils ont tiré environ quatre mille bombes et quarante à quarante-cinq mille coups de canon. Pendant le siège, on a rasé une pagode qui étoit près de notre église, article que nous n'avions pu obtenir jusqu'à présent, mais que M. Dupleix a fait de la meilleure grâce du monde, à la réquisition des missionnaires. Les ennemis n'ont pu approcher plus près que de trois cent cinquante toises des murs de Pondichéry. * M. Dupleix de simple marchand devint gouverneur général de l'Inde française. LETTRE DU P. LAVAUR A M. DE LAVAUR, SON FRÈRE. www Guerre des Maures et des Marattes.-Échec des Français, commencement de leur décadence dans l'Inde. MON TRÈS-CHER FRÈRE, Je ne vous ai pas écrit depuis le temps où la guerre fut déclarée en ce pays-ci entre la France et l'Angleterre. Le départ de ma lettre précéda de peu cet événement et suivit le sort du vaisseau qui la portoit, lequel fut pris par les Anglois. Après la paix faite, il a dû vous sembler que c'étoit ma pure faute si je ne vous donnois point de mes nouvelles; mais il s'en faut bien que la tranquillité rendue à l'Europe et aux cantons de l'Inde soumis aux Européens soit venue jusqu'à moi; j'ai été sans intervalle jusqu'à présent au milieu de la guerre et des alarmes qui la suivent chaque jour, dans l'attente de quelque catastrophe funeste, du moins à mes églises, si ma vie n'y risquait pas. En cette situation, on n'est guère en humeur d'écrire ni même en commodité de le faire: tout au plus j'écrivois fort succinctement à situées à cinq ou six journées de Pondichéry. Les gouverneurs maures les laissent faire, pour éviter les frais d'une guerre, et quelquefois sont eux-mêmes pillés. Pour les princes particuliers, originaires du pays, ils sont hors d'état de résister, outre la crainte que les Marattes leur ont imprimée par la vitesse avec laquelle ils se transportent d'un lieu à un autre et qui fait qu'on ne peut se garantir de leurs surprises, fût-on plus fort qu'eux; de cette sorte, deux ou trois cents chevaux marattes font la loi dans une grande étendue de pays; nos housards ne feroient que blanchir auprès d'eux: on les croit à trente lieues lorsqu'on les voit paraître tout à coup à la faveur d'une marche cachée par des déserts ou des forêts ou par l'obscurité d'une nuit durant laquelle ils auront fait des quinze ou seize lieues. La Providence m'a garanti d'eux bien des fois, ou en me les faisant éviter ou en me conciliant l'amitié des chefs au moyen de quelque petit présent de fruits que je leur envoyois en prévenant leur arrivée dans les endroits où je me trouvois. C'est ainsi que j'ai habité parmi eux durant huit ou neuf mois sans en recevoir le moindre dommage, si je ne puis dire la moindre inquiétude, ayant de pareils voisins campés autour de mon logement. Les chefs étoient presque continuelle Pondichéry, et il y a eu même des temps où ❘ment chez moi, et il falloit souffrir cette im j'osois à peine le faire, savoir lorsque les François ont été eux-mêmes mêlés dans cette suite de troubles dont j'ai été continuellement investi. Ceci s'est engagé de proche en proche et a produit des événemens dont l'importance et la singularité méritent une histoire particulière. Pour vous mettre au fait, il faudroit non-seulement remonter à d'autres événemens qui se sont passés avant.mon arrivée dans l'Inde, mais encore vous donner une idée de la constitution du pays, de son gouvernement, des différens peuples qui l'habitent, des droits qu'y prétendent les Marattes et les Maures, dont les premiers l'ont autrefois gouverné et les derniers le gouvernent actuellement (quand je dis gouverner, cela veut dire piller). Les Maures en sont en possession, et leurs exactions se font à plus petit bruit; les Marattes le parcourent à main armée et portent plus loin leur cruauté, pillant, saccageant et brûlant tous les lieux où ils passent. On est principalement exposé à ces sortes d'incursions dans le pays où sont les églises que j'ai desservies jusqu'ici, au delà des montagnes | de celui que je viens de rapporter; je vous portunité pour ne pas s'exposer à quelque chose de pire. Cela m'attiroit de la part de leurs gens une considération qu'ils n'avoient pas pour le prince même qui les avoit appelés à son secours et qui les soudoyoit pour se défendre contre le roi du Maissour, le plus puissant prince gentil qui soit dans la péninsule de l'Inde. Pendant que ces Marattes amis lui faisoient bien plus de mal que les Maissouriens, ses ennemis, qu'ils brûloient tous ses villages et détruisoient tous ses jardins, ils n'osoient entrer dans le mien et y prendre une feuille d'arbre, sinon avec ma permission. Malgré ces égards, je n'avois pourtant pas osé entreprendre un voyage et m'éloigner de leur camp, la plupart des soldats d'une pareille troupe n'ayant d'autre paie que la permission de piller impunément, à con|dition de partager le butin avec leurs chefs, qui, suivant leur concordat, ne leur font jamais rendre ce qui est une fois pris. Je serois bien long si je voulois entrer dans le détail de bien d'autres traits de la Providence dans le genre |