ajouterai seulement qu'un missionnaire qui est nemens qu'il seroit trop long de déduire, à une en pareille situation et comme bloqué par une de ses créatures. L'avant-dernier de ces goutelle armée n'est pas cependant oisif pour les verneurs qui étoit en place quand tout ce que fonctions de son ministère. Il y a quantité de je viens de dire est arrivé étoit le fameux Nichrétiens dans ces sortes d'armées, où à la vérité san, le même qui appela Thamas-Koulikan à ils ne sont pas en grande considération, mais ils Dely pour en emporter les richesses immenn'en méritent pas moins la nôtre ; l'emploi de ses dont celui-ci dépouilla le Grand Mogol. la plupart est d'y soigner les chevaux des cavaNisan étant mort, il y a trois ou quatre ans, liers marattes; d'autres y gagnent leur vie en Nazersing lui succéda. Dans cette circonstance, vendant de l'herbe ou du bois. Comme ce sont Sandersaeb, prisonnier des Marattes, en obtint des gens qui n'ont rien en propre que leur persa liberté; il ne put également obtenir de Nasonne, ils trouvent leur patrie partout où ils zersing la place de gouverneur d'Arcat, mais il trouvent à vivre. Une multitude de ces chrése proposa de l'emporter de force. Soutenu et tiens suivit les Marattes il y a onze ou douze conduit par un neveu de Nazersing nommé ans, après une incursion de ceux-ci ou plutôt | Idaielmodiskan, mécontent de son oncle, il contoit encore plus pour réussir sur l'amitié des François, qui avoient été toujours de bonne intelligence avec sa famille et qui avoient lieu de se plaindre de son compétiteur, dont les Anglois avoient reçu du secours dans la dernière guerre que nous avons eue avec eux. Sa confiance n'a pas été trompée : les François s'étant joints à lui ont tué son rival dans un com une inondation qui embrassa presque toute la péninsule, depuis leur pays, situé au nord de Goa et s'étendant vers l'est, jusqu'à la mer, qui borne au sud ce pays-ci: ils passèrent les montagnes qui lui servent de barrière et vinrent jusque auprès de Pondichéry. Après avoir tué dans un combat le nabab ou gouverneur d'Arcat (c'est le nom de la ville capitale de ce pays et du pays même qui s'étend depuis la mer jus- | bat et l'ont mis en possession du pays. Ils tra qu'aux montagnes dont j'ai déjà parlé, de l'est à l'ouest, et il a bien plus d'étendue encore nord et sud), le gendre du nabab, nommé Sandersaeb, étoit alors avec ses principales forces dans le royaume de Trichirapali, qu'il avoit conquis ou usurpé tout récemment, les Marattes allèrent l'attaquer, prirent la ville capitale et l'emme- | pu éclaircir par quelle intrigue. Les Fran vailloient même à agrandir son gouvernement quand Nazersing est venu avec une armée formidable, il y avoit plus de cent mille chevaux, et dont le total montoit au nombre de quatre cent mille hommes. Idaielmodiskan est tombé entre les mains de son oncle, on n'a jamais bien n'ont eu d'autre parti à prendre que la retraite devant une armée dont ils ne connoissoient encore que le nombre et non la foiblesse: les Maures, en les attaquant, les ont instruits de ce dernier point. Les François, investis de nèrent prisonnier dans leur pays. Ce fut alors qu'une multitude de chrétiens, auparavant attachés au service du nabab, suivirent les vainqueurs en continuant auprès de ceux-ci les emplois qu'ils avoient auparavant, comme de soigner les éléphans, les chameaux, les che- | tous côtés et n'étant qu'un contre cinquante, ont fait un abbatis de Maures et Marattes qui les a étonnés à tel point qu'à présent ils ne peuvent soutenir dans un combat un visage vaux. Quoique les Maures, gouverneurs particuliers de quelque place ou de quelque pays aient des démêlés presque continuels avec les ❘ blanc. Il faut remarquer que les Anglois, pres que en égal nombre que nous, étoient dans l'armée de Nazersing; mais ils s'amusèrent avec leurcanon, quine put suivre nos gens. Ceux-ci, ayant mis au milieu d'eux Sandersach et son fils, firent une bonne journée de chemin en passant sur le ventre à des armées dont chacune sembloit devoir les engloutir et se rendirent à une lieue de Pondichéry, ayant été obligés d'abandonner dans la boue quelques pièces de canon qu'ils ont repris dans les suites. Après avoir différens chefs des Marattes qui rôdent de côté et d'autres, cependant tout se réunit, Maures et Marattes, sous l'étendard du grand nabab ou gouverneur de la péninsule, qui réside, soit à Aurangabad, situé dans le pays même des Marattes, soit à Golconde; la puissance de celui-ci le rend formidable à son maître même, le Grand Mogol, dont il dépend plus de nom que de fait. Il s'est attribué la nomination de tous les nababs subalternes, de sorte que le pays d'Arcat étoit passé, après plusieurs évé- [ formé leur camp, ils ne furent pas longtemps 44 sans exercer à leur tour l'armée de Nazersing; | mourut presque aussitôt. Les François, malgré trois cents hommes fondirent dessus la nuit suivante, taillèrent en pièces un corps de douze mille chevaux plus avancés que le reste et déterminèrent par là Nazersing à aller se loger plus loin. Ceci a été suivi de bien d'autres actions et prises de villes à peine vraisemblables, mais cependant vraies. A tous ces échecs de Nazersing se joignit la disette de vivres, qui leur petit nombre, lui donnèrent un successeur et déterminèrent l'élection, qu'ils firent tomber sur un cadet même de Nazersing, qu'ils venoient de faire périr; ils l'avoient eu prisonnier à Pondichéry: il se nomme Salabersing. Celuici confirma tout ce que son prédécesseur avoit fait en faveur de la nation françoise, et le détachement françois s'attacha à lui pour le con l'obligea de permettre à ses gens de se déban-duire et le mettre en possession de Golconde. On y est heureusement arrivé, et de là on est allé à Aurangabad. Les trésors de ces deux villes, fruits des épargnes, des travaux et des infidélités des grands nababs, qui depuis longtemps ne payoient rien à leur maître le Grand Mogol, se trouvent à présent entre les mains des Fran der pour aller chercher des fourrages et des vivres ailleurs. J'en ai vu des détachemens à plus d'une douzaine de journées du camp principal. Je fus avertis pour lors qu'on étoit allé me chercher dans une de mes églises pour me prendre et m'emmener à Nazersing et qu'on devoit venir à celle où j'étois. Un jésuite d'A-çois, dont le commandant règne pour ainsi dire à la faveur d'un petit détachement dans tout un pays bien plus considérable que la France. Salabersing est sous sa tutelle. gen, nommé le père Costas, qui venoit d'une autre extrémité de nos missions, se trouva dans cette conjoncture avec moi. Il n'y avoit que nous deux de missionnaires dans ces terres : en pareille situation, ce n'étoit pas la mort qui nous alarmoit, mais nous crûmes cependant devoir faire ce qui dépendoit de nous pour l'éviter. Nous nous éloignâmes donc encore d'environ trois journées dans le nord, en nous proposant de pousser jusqu'à Goa si les recherches qu'on faisoit de nous nous y obligeoient. Mais quinze jours ou trois semaines après, le bruit public nous apprit la mort de Nazersing, tué par ses gens mêmes dans une action vive où les François jouèrent à tout perdre et firent une entreprise et des efforts dont tout ce qu'on a écrit des combats d'Alexandre très-certainement n'approche pas. La scène changea. Idaielmodiskan, qui étoit déjà entre les mains des exécuteurs pour perdre sa tête, fut déclaré grand nabab, vint à Pondichéry et ne chercha qu'à témoigner sa reconnoissance aux François par des dons en terres et d'autres présens considérables; il voulut en avoir un détachement avec lui pour s'aller saisir de Golconde où étoient les trésors immenses ramassés par Nisan. On lui donna donc environ deux cents blancs avec un nombre plus considérable d'Indiens aguerris à notre service. Dans la longue route qu'il falloit faire pour arriver au terme du voyage, autre révolution. Quelques nababs particuliers ayant conjuré contre Idaielmodis- | qui ont été envoyées pour les en chasser. C'est , Pendant que tout ceci s'est passé dans le nord, bien loin d'ici, les Anglois ont voulu chasser le nabab d'Arcat placé par les François et lui substituer un des enfans de l'ancien nabab, mort dans le combat dont j'ai parlé cidessus. Celui-ci s'est emparé de la ville et du royaume de Trichirapali, dont il avoit eu l'administration du vivant de son père; il s'y est maintenu jusqu'aujourd'hui, mais on le serre à présent dans sa capitale, quoique le nombre des Anglois qui sont avec lui égale au moins celui des François qui l'attaquent. Les Anglois ont reçu bien plus de soldats d'Europe que nous; mais il paroît, par tous les événemens passés et par le tour que les affaires prennent pour le présent, que nous avons Dieu de notre côté. Si les Anglois prévaloient, on peut juger, par la conduite qu'ils tiennent à l'égard de la religion catholique dans les lieux de leur dépendance, qu'ils achèveroient de la ruiner, au lieu que les succès des François sont ceux de la religion même. Sandersaeb1 nous a déjà donné un beau terrain au milieu de la ville d'Arcat, où nous commencions à bâtir quand les Anglois sont venus pour faire une diversion qui rompit l'entreprise de Trichirapali. Ils s'en sont emparés sans résistance et la quitteront avec la même facilité à l'arrivée des troupes kan, il y a eu un combat funeste aux conjurés; mais sur la fin de l'action, une flèche, tirée par je ne sais qui, atteignit l'œil du vainqueur, qui une ville immense qui a plus d'une mortelle Lisez Chandasaeb. 2 Cette ville fut assiégée par nous, mais ne fut point lieue de long, ou, pour mieux dire, c'est un amas de différens villages qui environnent une ville et sont censés faire un tout avec elle å raison de leur proximité ou de l'union qu'ils ont avec elle ou entre eux par une rue par exemple, tandis que ce ne sont à droite et à gauche de cette rue que des champs et des bois. Nous avions ci-devant une petite église dans un faubourg. Nous venons aussi de faire un nouvel établissement dans la ville de Gingi, autrefois capitale du royaume de ce nom etdont Pondichéry dépendoit. Cette ville, fameuse par ses sept forteresses, dont chacune est à la cime d'une montagne et qui ont communication entre elles par des murs bâtis dans l'intervalle de ces sept montagnes pour les lier l'une avec l'autre, avoit coûté douze ans de siège aux Maures, encore ne la prirent-ils que par l'imprudence du roi, qui se laissa faire prisonnier dans une sortie mal concertée. Les François s'en sont rendus les maîtres dans une nuit. Trois soldats seulement ont grimpé sur l'une des montagnes, malgré les corps de garde placés de distance en distance et ont tellement étonné les Maures que ceux-ci ont abandonné le reste avec bien du butin et des richesses. Les François sont encore nantis de cette place, et je ne sais s'ils la rendront au nabab. J'eus l'honneur d'y accompagner, sur la fin du carême passé, M. le gouverneur de Pondichéry et Sandersaeb. J'étois arrivé peu de temps auparavant dans cette ville pour m'y reposer un peu après trois ans d'absence; mais M. le gouverneur me demanda pour être aumonier de l'armée qu'il envoyoit à Sandersaeb pour soumettre quelques places. Je quittai l'armée, excédé par les chaleurs, avant qu'elle prît la route de Trichirapali. Je ne m'arrêtai pas longtemps à Pondichery, attendu le besoin de nos missions, pour lesquelles je partis presque aussitôt. Je repassai dans les montagnes avec bonne envie de visiter toutes mes églises, mais j'ai encore été traversé dans ce dessein: uné armée de Marrattes m'a tenu bloqué pendant près de deux mois dans la première église de mon district. Grâce à Dieu, ce n'a pas été sans fruit, puisque dans mon séjour j'y ai fait plus de trente baptêmes, dont il y en a huit d'adultes. Il en restoit encore à faire de cette dernière espèce quand j'ai été rappelé à Pondichéry pour une raison à laquelle je prise, et de cet échec data le déclin de notre puissance dans les Indes orientales. n'avois guère sujet de m'attendre, savoir pour y remplir le poste de supérieur général. C'est au milieu des occupations dont je suis investi, outre la nécessité d'apprendre une nouvelle langue à l'âge de cinquante-sept ans, que je vous écris ceci à bâtons rompus pour vous apprendre en abrégé les événemens du pays, ma propre situation et pour vous faire connoître combien je suis éloigné de vous oublier. Recommandez-moi au Seigneur, faites-le prier pour moi et soyez toujours persuadé de la véritable tendresse avec laquelle je ne cesserai d'être, mon très-cher frère, votre, etc'. EXTRAIT D'UNE LETTRE ÉCRITE DE CHANDERNAGOR, DANS LE ROYAUME DE BENGALE, AU R. P. Description de la vallée du Gange Le 1er janvier 1753. Je ne vous entretiendrai pas longtemps, mon révérend père, de ce qui m'est arrivé pendant mon voyage, qui n'a pas été aussi heureux qu'on me l'avoit fait espérer; je me contenterai de vous en donner ici un précis. Je me suis embarqué comme vous savez à Lorient. D'abord la navigation a été assez favorable; cependant je ne suis arrivé qu'au bout de cinq mois à l'Ile de France, qu'on ne connoissoit autrefois que sous le nom de l'île Maurice. Le capitaine du vaisseau ne voulut point relâcher à l'Ile-Grande, dans le Brésil, comme on en étoit convenu: nous aurions pu y faire provision d'eau douce, de bœufs et de volailles, dont nous avions grand besoin; son dessein étoit de relâcher au Cap de Bonne-Espérance, qui est situé aux extrémités de l'Afrique : c'est une colonie hollandoise qui ne cède, dit-on, en rien à celle que cette nation entretient à Batavia; mais Dieu ne permit pas que nous y abor dassions. Après huit jours d'efforts inutiles pour entrer dans la rade, nous fumes obligés de faire encore neuf cents lieues pour aller chercher Ce fut un mémoire de ce père Lavaur qui, trouvé dans sa cassette, servit à la fameuse condamnation de Lalli, gouverneur de l'Inde après Dupleix. 2 Aujourd'hui anglaise. } i venoient d'ètre submergées et qu'il avoit péri dans ce désastre plus de cent mille personnes, sans compter une quantité prodigieuse d'éléphans, de chameaux, de chevaux, de bœufs, etc. Un fleuve voisin, enflé par les eaux du Gange débordé, rompit sa digue et se répandit avec tant d'impétuosité et de fureur qu'il entraîna dans son cours tout ce qu'il y avoit d'aldées ou villages jusqu'à Bar. On prétend qu'il a péri dans cette malheureuse occasion environ trente ou quarante mille personnes, et que tout le Gange étoit couvert de cadavres, de bestiaux et de débris de maisons. Il semble que le Seigneur ait voulu punir ces villes des abominations qui s'y commettoient impunément depuis plus de trente ans. Nos missionnaires les comparoient à Sodome et à Gomorrhe; mais si tout ce qu'ils m'en ont raconté est vrai, comme l'Ile de France, où nous arrivâmes enfin très- | et Bénarės, deux villes considérables du pays, fatigués de la traversée et d'où nous partimes après six semaines de séjour. Le reste de la route nous a beaucoup plus coûté : deux fois le feu a pris à notre vaisseau; cinq fois nous avons failli à être submergés; le navire a été plusieurs jours sur le point de se briser ou contre les rochers ou sur le sable, mais enfin l'activité et la bonne manœuvre de nos matelots nous ont toujours sauvés, grâces à la Providence qui veilloit sur nous. Nous avons vu de loin l'île de Madagascar1, qui a près de neuf cents lieues de circuit; on prétend que c'est la plus grande île connue, quoique beaucoup de voyageurs assurent que celle de Bornéo, vers la Chine, est plus grande encore. Nous avions autrefois à Madagascar un établissement françois qui ne subsiste plus depuis quelques années. Il y a quelques années qu'un des rois de cette fle mourut; ses sujets voulurent reconnoître le | je n'en doute point, elles méritoient un châti roi de France pour leur souverain à condition que ce monarque leur donneroit pour vice-roi un certain François qu'ils désignèrent et qu'ils avoient vu dans leur pays. Ce François devoit épouser la fille unique du roi défunt afin d'avoir des enfans de son sang. Le François accepta la proposition, quitta l'épouse légitime qu'il avoit à l'Ile de France, où il étoit établi, et se rendit dans son royaume accompagné d'une vingtaine de ses compatriotes dont il avoit formé sa cour; mais son règne ne fut pas de longue durée: les François se comportèrent si mal à l'égard de leurs bienfaiteurs que ces insulaires, fatigués des insultes qu'eux et leurs femmes en recevoient, les massacrèrent tous en un jour. Je ne m'arrêterai point à vous détailler ies dangers que nous avons courus jusqu'à Chandernagor, je vous dirai seulement que nous sommes arrivés dans cette ville après avoir es suyé tous les caprices de l'air et les fureurs d'une mer féconde en naufrages; mais je ne vous laisserai pas ignorer un événement mémorable qui a jeté l'épouvante dans tout leroyaume de Bengale. Je ne fus pas plutôt arrivé au lieu de ma destination qu'on m'apprit qu'Elcabat inent semblable à celui qui a rendu si célèbres dans l'Écriture les deux villes que je viens de nommer. Bénarès etoit le terme d'un pèlerinage où tous les ans il venoit des pays les plus reculés de l'Inde des milliers d'idolâtres qui, autorisés par l'exemple de leurs dieux, se livroient aux abominations les plus révoltantes et les plus monstrueuses: assassinats, débauches, crimes de toute espèce, rien ne leur étoit défendu pendant le voyage; dans le temple même, qui en étoit le terme, la licence n'avoit plus de bornes; ma plume se refuse à vous écrire les horreurs qui s'y passoient et dont on se faisoit gloire comme un point essentiel de religion. Imaginez-vous tous ce que le cœur le plus corrompu et l'esprit le plus déréglé peuvent inventer de plus brutal et de plus odieux, et vous aurez quelque idée des fêtes affreuses qui se célébroient au temple de Bénarès '. On compte dans Chandernagor environ cent deux ou trois mille habitans, comme à Pondichéry, et dans ce grand nombre nous n'avons guère que quatre mille chrétiens, en y comprenant les François, les métis et les topases; tout le reste est Maure mahométan ou idolâtre. Si nous avions plus d'ouvriers évangéliques, on pourroit malgré les efforts et la rage des bra Les Perses connaissaient Madagascar et donnaient à cette île le nom de Sarandib; Ptolémée la nomme Cerné. Les Portugais la signalérent en 1492 à l'Europe; elle a 336 lieues de long, 120 de large et environ 800 lieues de tour. 2 Bornéo a 285 lieues de long sur 220 de large et 600 lieues de tour. Cette ile fut découverte en 1521 par le Fortugais Menesses. Ville régulière, bien bâtie, avec maisons blanches à toits plats. Les Anglais n'y laissent les Français qu'à la condition de n'y pas relever les fortifications détruites dans la dernière guerre. : mes, convertir sans sortir de la ville un grand | mêmes le feu, et se laissent consumer avec lui sans faire paroître le moindre sentiment de douleur. Si lorsqu'elles s'approchent du bûcher il arrivoit qu'un Européen leur touchât seule de l'honneur d'être brûlées. Jugez par là de l'horreur que les idolâtres de ce pays ont conçue pour nous. Cependant il est arrivé qu'on a sauvé des flammes quelques-unes de ces infortunées, mais il seroit téméraire de l'entreprendre encore: les brames ne manqueroient pas d'exciter contre les Européens une révolte générale dont nous serions très-certainement les nombre de ces infortunés; mais malheureusement nous ne sommes que quatre actuellement, encore le plus zélé et le mieux instruit de la conduite et des mœurs des idolatres se trouve | ment l'épaule ou la main, elles seroient déclahors de combat à cause de son grand age et de ❘rées infâmes, déchues de leur caste et indignes ses infirmités ; de sorte que les détails de la paroisse, joints au soin d'un grand hôpital dont nous sommes chargés et où j'ai vu jusqu'à trois cents malades, demandent absolument tout notre temps. Nous aurions besoin de deux ou trois missionnaires laborieux qui se consacrassent entièrement à l'instruction des idolâtres. Le révérend père Mosac, supérieur de la mission et curé de la colonie, est le seul qui sache leur ❘ premières victimes. langue. Comme ce double emploi excède les forces de ce missionnaire, sans cependant ralentir son zèle, j'ai commencé à étudier la langue du pays dans l'espérance de pouvoir partager ses travaux, qui sont évidemment et trop multipliés et trop pénibles pour qu'il puisse les soutenir seul. Jusqu'ici les malades et les mourans nous ont entièrement occupés. Il y a eu dans le mois d'octobre passé quatre-vingts enterremens et soixante et quinze dans le mois de novembre; au commencement du mois suivant, on en a compté vingt-quatre ou trente, et sur la fin du même mois j'ai enterré moi seul vingt-huit personnes. Jugez quelle prodigieuse quantité de morts il doit y avoir eu à proportion parmi les Maures et les Gentils, qui sont en si grand nombre? Les premiers enterrent leurs morts, les seconds les jettent dans le Gange. Pour les Gentils des terres éloignées de ce fleuve, ils portent les leurs dans un champ où les corbeaux, les chiens marrons et mille autres animaux carnassiers viennent les dévorer. La grande mortalité de cette année a fait renouveler la scène tragique et barbare des femmes nobles qui se brûlent vivantes avec le corps de leurs époux décédés. L'usage est qu'alors elles se parent de leurs plus riches vêtemens et qu'elles chargent leur tête de tout ce qu'elles ont de plus précieux, comme de perles fines, de joyaux rares, etc; ensuite elles font gravement le tour du bûcher, après quoi elles distribuent à leurs parens et à leurs amis les diamans et les bijoux dont elles étoient ornées. Quand cette cérémonie est finie, elles montent avec intrépidité sur le bûcher, prennent sur leurs genoux le cadavre de leur mari, y mettent elles Nous voyons encore ici fort souvent des idolatres malades se vouer au Gange, qu'ils regardent comme une divinité. Quelques jours avant mon arrivée, un homme riche, âgé de soixante ans, fut attaqué d'une maladie grave causée par ses débauches en tout genre. Comme les médecins désespéroient de lui rendre la santé, le malade se voua au Gange et se fit porter sur le rivage. Là on le lava à plusieurs reprises, on lui fit avaler beaucoup d'eau et enfin on le plongea dans le fleuve. Cependant, au lieu de diminuer, la maladie augmenta, et bientôt le malade fut à l'extrémité. Alors on lui mit de la boue du Gange dans la bouche, dans les narines et dans les oreilles. Ce malheureux se débattoit et prioit qu'on le laissât mourir en paix, mais on ne fit aucun cas de sa demande, qui blessoit l'usage, et ses plus proches parens le tinrent étroitement serré jusqu'à ce qu'il eût expiré. Voilà ce qu'on appelle dans ce pays une mort précieuse aux yeux des dieux de lt. nation, qui est persuadée que l'eau et la bou du Gange ont la vertu d'effacer tous les péchés, les crimes même des plus grands scélérats. Aussi voit-on les hommes, les femmes et les enfans, pêle-mêle, aller plusieurs fois par jour se laver dans les eaux de ce fleuve. Les brames, hommes pervers et corrompus, leur font accroire qu'en étouffant leurs malades sur les bords du Gange, ils tirent d'une espèce d'enser qu'ils imaginent tous leurs ancêtres, depuis trente générations, et empêchent leurs descendans d'y tomber pendant trente autres générations. Les brames connoissent le vrai Dieu, mais ils n'en parlent point au peuple; ils lui disent au contraire qu'il y a trente millions de dieux, et qu'ils peuvent successivement se |