Quoique le ciel ait été si libéral à l'égard des | grossier, des sacs pour différens usages et des Californiens, et que la terre produise d'ellemême ce qui ne vient ailleurs qu'avec beaucoup de peine et de travail, cependant ils ne font aucun cas de l'abondance ni des richesses de leur pays. Contens de trouver ce qui est nécessaire à la vie, ils se mettent peu en peine de tout le reste. Le pays est fort peuplé dans les terres, et surtout du côté du nord, et quoiqu'il n'y ait guère de bourgades qui ne soient composées de vingt, trente, quarante et cinquante familles, ils n'ont point de maisons. L'ombre des arbres les défend des ardeurs du soleil pendant le jour, et ils se font des branches et des feuillages une espèce de toit contre les mauvais temps de la nuit. L'hiver, ils s'enferment dans des caves qu'ils creusent en terre, et y demeurent plusieurs ensemble, à peu près comme les bêtes. Les hommes sont tout nus, au moins ceux que nous avons vus. Ils se ceignent la tête d'une bande de toile très-déliée ou d'une espèce de réseau; ils portent au cou et quelquefois aux mains pour, ornement diverses figures de nacre de perles assez bien travaillées et entrelacées avec beaucoup de propreté de petits fruits ronds, à peu près comme nos grains de chapelet. Ils n'ont pour arme que l'arc, la flèche ou le javelot; mais ils les portent toujours à la main, soit pour chasser, soit pour se défendre de leurs ennemis, car les bourgades se font assez souvent la guerre les unes aux autres. Les femmes sont vêtues un peu plus modestement, portant, depuis la ceinture jusqu'aux genoux, une manière de tablier tissu de roseaux, comme les nattes les plus fines; elles se couvrent les épaules de peaux de bêtes et portent à la tête, comme les hommes, des réseaux fort déliés; ces réseaux sont si propres que nos soldats s'en servent à attacher leurs cheveux; elles ont, comme les hommes, des colliers de nacre mêlés de noyaux de fruits et de coquillages qui leur pendent jusqu'à la ceinture, et des bracelets de même matière que les colliers. rets pour pêcher. Les hommes, outre cela, avec diverses herbes dont les fibres sont extrêmement serrées et filasseuses et qu'ils savent trèsbien manier, s'emploient à faire une espèce de vaisselle et de batterie de cuisine assez nouvelle et de toute sorte de grandeurs. Les pièces les plus petites servent de tasses; les médiocres, d'assiettes, de plats et quelquefois de parasols dont les femmes se couvrent la tête, et les plus grandes, de corbeilles à ramasser les fruits, et quelquefois de poëles et de bassins à les faire cuire; mais il faut avoir la précaution de remuer sans cesse ces vaisseaux pendant qu'ils sont sur le feu, de peur que la flamme ne s'y attache, ce qui les brûleroit en très-peu de temps. Les Californiens ont beaucoup de vivacité et sont naturellement railleurs, ce que nous éprouvâmes en commençant à les instruire : car si tôt que nous faisions quelque faute dans leur langue, c'étoit à plaisanter et à se moquer de nous. Depuis qu'ils ont eu plus de communication avec nous, il se contentent de nous avertir honnêtement des fautes qui nous échappent, et, quant au fond de la doctrine, lorsqu'il arrive que nous leur expliquons quelque mystère ou quelques points de morale peu conformes à leurs préjugés ou à leurs anciennes erreurs, ils attendent le prédicateur après le sermon et disputent contre lui avec force et avec esprit. Si on leur apporte de bonnes raisons, ils écoutent avec docilité, et si on les peut convaincre, ils se rendent et font ce qu'on leur prescrit. Nous n'avons trouvé parmi eux aucune forme de gouvernement ni presque de religion et de culte réglé. Ils adorent la lune, ils se coupent les cheveux, je ne sais si c'est dans le décours, à l'honneur de leur divinité; ils les donnent à leurs prêtres, qui s'en servent à diverses sortes de superstitions. Chaque famille se fait des lois à son gré, et c'est apparemment ce qui les porte si souvent à en venir aux mains les uns contre les autres. Enfin, pour satisfaire à la dernière question L'occupation la plus ordinaire des hommes que vous m'avez encore fait l'honneur de me et des femmes est de filer. Le fil se fait de lonproposer, et qui me semble la plus importante gues herbes qui leur tiennent lieu de lin de toutes, touchant la manière d'étendre et et de chanvre, ou bien de matières cotonneud'affermir de plus en plus dans la Californie la ses qui se trouvent dans l'écorce de certains véritable religion, et d'entretenir avec ces peufruits. Du fil le plus fin on fait les divers orples un commerce durable et utile à la gloire nemens dont nous venons de parler, et du plus | et à l'avantage de la nation, je prendrai la liberté de vous dire les choses comme je les pense | laissé dans le fort dix-huit soldats avec leurs et comme la connoissance que j'ai pu avoir du pays et du génie des peuples me les fait penser. Premièrement, il paroît absolument nécessaire de faire deux embarquemens chaque année: le plus considérable pour la NouvelleEspagne, avec qui on peut faire un commerce très-utile aux deux nations; l'autre pour les provinces de Cinaloa et de Sonora, d'où l'on peut amener de nouveaux missionnaires et apporter ce qui est nécessaire chaque année à l'entretien de ceux qui sont déjà ici. Les vaisseaux officiers, dont il y en a deux qui sont mariés et qui ont famille, ce qui les arrêtera plus aisément dans le pays. Il y a avec cela huit Chinos et negres pour le service, et douze autres matelots sur les deux petits bâtimens appelés le Saint-Xavier et le Rosaire, sans compter douze autres matelots que j'ai pris avec moi sur le Saint-Joseph. On a été obligé de renvoyer quelques soldats, parce qu'on n'avoit pas au commencement de quoi les nourrir et les entretenir; cependant vous voyez bien que cette garnison n'est pas assez forte pour défen qui auroient servi aux embarquemens pour-dre long-temps la nation si les barbares s'avi roient aisément, d'un voyage à l'autre, être envoyés à de nouvelles découvertes du côté du nord, et la dépense n'iroit pas loin si l'on vouloit employer les mêmes officiers et les mêmes matelots dont on s'est servi jusqu'ici, parce que, vivant à la manière de ce pays, ils auroient des provisions presque pour rien, et, connoissant les mers et les côtes de la Californie, ils navigueroient avec plus de vitesse et plus de sûreté. soient de remuer. Il faut donc en établir une semblable à celle de la Nouvelle-Biscaye, et la placer dans un lieu d'où elle puisse agir partout où il seroit nécessaire. Cela seul, sans violence, pourroit tenir le pays tranquille, comme il l'a été jusqu'ici, grâces à Dieu, quelque foibles que nous fussions. Dautres choses paroîtroient moins importantes; mais elles ne le sont pas, quand on voit les choses de plus près. Premièrement, il est à propos de donner quelque récompense aux soldats qui sont venus ici les premiers. On est redevable en partie à leur courage des bons succès qu'on a eus jusqu'ici; et l'espérance Un autre point essentiel, c'est de pourvoir à la subsistance et à la sûreté tant des Espagnols naturels qui y sont déjà que des missionnaires qui y viendront avec nous et après nous. Pour les missionnaires, depuis mon arrivée, ❘ d'une pareille distinction en fera venir d'autres j'ai appris, avec beaucoup de reconnoissance et de consolation, que notre roi Philippe V, que Dieu veuille conserver bien des années, y a déjà pourvu de sa libéralité vraiment pieuse et royale, assignant par année à cette mission une pension de six mille écus, sur ce qu'il avoit appris des progrès de la religion dans cette nouvelle colonie. C'est de quoi entretenir un grand nombre d'ouvriers qui ne manqueront pas de venir à notre secours. et les engagera à imiter la valeur et la sagesse des premiers. Secondement, il faut faire en sorte que quelques familles de gentilshommes et d'officiers viennent s'établir ici pour pouvoir par euxmêmes et par leurs enfans remplir les emplois à mesure qu'ils viendront à vaquer. Troisièmement, il est de la dernière conséquence que les missionnaires et ceux qui commanderont dans la Californie vivent toujours Pour la sûreté des Espagnols qui sont ici, le dans une étroite union. Cela a été jusqu'à présent fort que nous avons déjà bâti pourra servir en par la sage conduite et par le choix judicieux cas de besoin; il est placé au quartier de Saintqu'en a fait, d'intelligence avec nous, M. le Denis, dans le lieu appelé Concho par les Incomte de Montezuma, vice-roi de la Nouvellediens; nous lui avons donné le nom de Notre- Espagne. Mais comme les missionnaires sont Dame-de-Lorette, et nous y avons établi notre assez occupés de leur ministère, il faut qu'on première mission. Il a quatre petits bastions les décharge du soin des troupes, et que la et est environné d'un bon fossé; on y a fait une caisse royale de Guadalaxara fournisse ce qui place d'armes et on y a bâti des casernes pour leur sera nécessaire. Il seroit à souhaiter que le logement des soldats. La chapelle de la sainte le roi nommât lui-même quelque personne d'auVierge et la maison des missionnaires sont torité et de confiance, avec le titre d'intendant près du fort. Les murailles de ces bâtimens ou de commissaire général, qui voulût, par sont de brique, et les couvertures de bois. J'ai | zèle et dans la seule vue de contribuer à la conversion de ce royaume, se charger de payer à chacun ce qui lui seroit assigné par la cour, et de pourvoir au bien des colonies, afin que tous pussent s'appliquer sans distraction à leur devoir, et que l'ambition et l'intérêt ne ruinassent pas en un moment, comme il est souvent arrivé, un ouvrage qu'on n'a établi qu'avec beaucoup de temps, de peines et de dangers. Voilà, ce me semble, messeigneurs, tout ce que vous avez souhaité que je vous donnasse par écrit. Il sera de votre sagesse et de votre prudence ordinaire de juger ce qu'il est à propos d'en faire savoir au roi notre mattre. Il aura sans doute beaucoup de consolation d'apprendre qu'à son avénement à la couronne, Dieu ait ouvert une belle carrière à son zèle. Je venois ici chercher des secours sans lesquels il étoit impossible ou de conserver ce que nous venons de faire, ou de pousser plus loin l'œuvre de Dieu. La libéralité du prince a prévenu et surpassé de beaucoup nos demandes. Que le Seigneur étende son royaume autant qu'il étend le royaume de Dieu, et qu'il vous donne, messeigneurs, autant de bénédictions que vous avez de zèle pour faciliter l'établissement de la religion dans ces vastes pays, qui ont été jusqu'à présent abandon nés! Je suis, etc. A Guadalaxara, le 10 de février de l'année 1702 1. Les missions dans la Californie avaient eu un succès complet. Sous la conduite des jésuites, les sauvages avaient quitté la vie nomade, cultivé de petits terrains, bâti des maisons, élevé des temples, lorsqu'un décret impolitique vint détruire sur tous les points de l'Amérique Espagnole l'utile et puissante société. Le gouverneur don Portola, envoyé en Californie pour exécuter le décret, crut y trouver de vastes trésors et 10,000 Indiens armés de fusils pour défendre les jésuites. Il vit au contraire des prêtres à cheveux blancs venir humblement à sa rencontre; il versa de généreuses larmes sur l'erreur du roi et adoucit tant qu'il put l'exécution des ordres dont il était porteur. Les jésuites partirent; ils furent accompagnés jusqu'au lieu de leur embarquement par toute la population. Les franciscains leur succédèrent et à leur suite vinrent les dominicains. Ceux-ci même s'établirent seuls dans la Vieille-Californie, et les franciscains s'étendirent dans la Nouvelle. Mais ces derniers seuls ont prospéré. Les autres ont Jaissé périr les fondations faites avant eux. Depuis le départ des jésuites la population de la Californie est fort réduite. Il n'existe pas 9,000 mille habitans dans un pays qui est plus grand que l'Angleterre. ww ABRÉGÉ D'UNE RELATION ESPAGNOLE. De la vie et de la mort du P. Cyprien Baraze, de la compagnie de Jésus et fondateur de la mission des Moxes dans le Pérou, imprimée à Lima par ordre de monseigneur Urbain de Matha, évêque de la ville de la Paix. On entend par la mission des Moxes un assemblage de plusieurs différentes nations d'infidèles de l'Amérique, à qui on a donné ce nom parce que en effet la nation des Moxes est la première de celles-là qui ait reçu la lumière de l'Évangile. Ces peuples habitent un pays immense, qui se découvre à mesure qu'en quittant Sainte-Croix-de-la-Sierra on côtoie une longue chaîne de montagnes escarpées, qui vont du sud au nord. Il est situé dans la zone torride et s'étend depuis dix jusqu'à quinze degrés de latitude méridionale. On en ignore entièrement les limites, et tout ce qu'on en a pu dire jusqu'ici n'a pour fondement que quelques conjectures, sur lesquelles on ne peut guère compter. Celte vaste étendue de terre paroît une plaine assez unie; mais elle est presque toujours inondée, faute d'issue pour faire écouler les eaux. Ces caux s'y amassent en abondance par les pluies fréquentes, par les torrens qui descendent des montagnes et par le débordement des rivières. Pendant plus de quatre mois de l'année, ces peuples ne peuvent avoir de communication entre eux, car la nécessité où ils sont de chercher des hauteurs pour se mettre à couvert de l'inondation fait que leurs cabanes sont fort éloignées les unes des autres. Outre cette incommodité, ils ont encore celle du climat, dont l'ardeur est excessive: ce n'est pas qu'il ne soit tempéré de temps en temps, en partie par l'abondance des pluies et l'inondation des rivières, en partie par le vent du nord, qui y souffle presque toute l'année. Mais d'autres fois le vent du sud, qui vient du côté des montagnes couvertes de neige, se déchaîne avec tant d'impétuosité et remplit l'air d'un froid si piquant que ces peuples, presque nus et d'ailleurs mal nourris, n'ont pas la force de soutenir ce dérangement subit des saisons, surtout lorsqu'il est accompagné des inondations Le chef-lieu, l'Orato, est une bourgade avec presidio; le nombre des habitans, tant Espagnols que métis et Indiens, ne s'élève pas à plus de 1,000. dont je viens de parler, qui sont presque tou- | compagné d'un tigre qu'il semble avoir invité jours suivies de la famine et de la peste, ce qui au partage de sa proie; mais ne la trouvant cause une grande mortalité dans le pays. plus, il pousse d'affreux hurlemens en regar Les ardeurs d'un climat brûlant, jointes à l'hu-dant son camarade, comme s'il vouloit lui té midité presque continuelle de la terre, produisent une grande quantité de serpens, de vipères, de fourmis, de mosquites, de punaises volantes et une infinité d'autres insectes, qui ne donnent pas un moment de repos. Cette même humidité rend le terroir si stérile qu'il ne peut porter ni blé, ni vignes, ni aucun des arbres fruitiers qu'on cultive en Europe. C'est ce qui fait aussi que les bêtes à laine ne peuvent y subsister. Il n'en est pas de même des taureaux et des vaches: on a éprouvé dans la suite des temps, lorsqu'on en a peuplé le pays, qu'ils y vivoient et qu'ils y multiplioient comme dans le Pérou. Les Moxes ne vivent guère que de la pêche et de quelques racines que le pays produit en abondance. Il y a de certains temps où le froid est si apre qu'il fait mourir une partie du poisson dans les rivières : les bords en sont quelquefois tout infectés. C'est alors que les Indiens courent avec précipitation sur le rivage pour en faire leur provision, et quelque chose qu'on leur dise pour les détourner de manger ces poissons à demi pourris, ils répondent froidement que le feu raccommodera tout. Ils sont pourtant obligés de se retirer sur les montagnes une bonne partie de l'année et d'y vivre de la chasse. On trouve sur ces montagnes une infinité d'ours, de léopards, de tigres, de chèvres, de porcs sauvages et quantité d'autres animaux tout-à-fait inconnus en Europe. On y voit aussi différentes espèces de singes. La chair de cet animal, quand elle est boucanée, est pour les Indiens un mets délicieux. Ce qu'ils racontent d'un animal appelé ocorome est assez singulier. Il est de la grandeur d'un gros chien; son poil est roux, son museau pointu, ses dents fort affilées. S'il trouve un Indien désarmé, il l'attaque et le jette par terre sans pourtant lui faire de mal, pourvu que l'Indien ait la précaution de contrefaire le mort. Alors l'ocorome remue l'Indien, tâte avec soin toutes les parties de son corps, et se persuadant qu'il est mort effectivement, comme il le paroît, il le couvre de paille et de feuillages, et s'enfonce dans le bois le plus épais de la montagne. L'Indien, échappé de ce danger, se relève aussitôt et grimpe sur quelque arbre, d'où il voit revenir peu après l'ocorome ac moigner la douleur qu'il a de l'avoir trompé'. Il n'y a parmi les Moxes ni lois, ni gouvernement, ni police; on n'y voit personne qui commande ni qui obéisse: s'il survient quelque différend parmi eux, chaque particulier se fait justice par ses mains. Comme la stérilité du pays les oblige à se disperser dans diverses contrées afin d'y trouver de quoi subsister, leur conversion devient par là très-difficile, et c'est un des plus grands obstacles que les missionnaires aient à surmonter. Ils bâtissent des cabanes fort basses dans les lieux qu'ils ont choisis pour leur retraite, et chaque cabane est habitée par ceux de la même famille. Ils se couchent à terre sur des nattes, ou bien sur un hamac qu'ils attachent à des pieux ou qu'ils suspendent entre deux arbres, et là ils dorment exposés aux injures de l'air, aux insultes des bêtes et aux morsures des mosquites. Néanmoins ils ont coutume de parer à ces inconvéniens en allumant du feu autour de leur hamac; la flamme les échauffe, la fumée éloigne les mosquites, et la lumière écarte au loin les bêtes féroces; mais leur sommeil est bien troublé par le soin qu'ils doivent avoir de rallumer le feu quand il vient à s'éteindre. Ils n'ont point de temps réglé pour leurs repas: toute heure leur est bonne dès qu'ils trouvent de quoi manger. Comme leurs alimens sont grossiers et insipides, il est rare qu'ils y excédent; mais ils savent bien se dédommager dans leur boisson. Ils ont trouvé le secret de faire une liqueur très-forte avec quelques racines pourries qu'ils font infuser dans de l'eau. Cette liqueur les enivre en peu de temps et les porte aux derniers excès de fureur. Ils en usent principalement dans les fêtes qu'ils célèbrent en l'honneur de leurs dieux. Au bruit de certains instrumens, dont le son est fort fort désagréable, ils se rassemblent sous des espèces de berceaux qu'ils forment de branches d'arbre Le couguar, qu'on nomme aussi tigre roux, tigre poltron, n'a pourtant rien de l'instinct cruel des tigres; il est peu dangereux et n'attaque que les brebis, qu'il tue pour en lécher le sang, mais il fuit l'approche du berger et du chien et il est facile à apprivoiser. On ne le trouve guère que dans les contrées centrales de l'Amérique du Sud. entrelacées les unes dans les autres, et là ils dansent tout le jour en désordre et boivent à longs traits la liqueur enivrante dont je viens de parler. La fin de ces sortes de fêtes est presque toujours tragique: elles ne se terminent guère que par la mort de plusieurs de ces insensés et par d'autres actions indignes de l'homme raisonnable. Quoiqu'ils soient sujets à des infirmités presque continuelles, ils n'y apportent toutefois aucun remède. Ils ignorent même la vertu de certaines herbes médicinales, que le seul instinct apprend aux bêtes pour la conservation de leur espèce. Ce qu'il y a de plus déplorable, c'est qu'ils sont fort habiles dans la connoissance des herbes venimeuses, dont ils se servent à toute occasion pour tirer vengeance de leurs ennemis. Ils sont dans l'usage d'empoisonner leurs flèches lorsqu'ils se font la guerre, et ce poison est si subtil que les moindres blessures deviennent mortelles. L'unique soulagement qu'ils se procurent dans leurs maladies consiste à appeler certains enchanteurs, qu'ils s'imaginent avoir reçu un pouvoir particulier de les guérir. Ces charlatans vont trouver les malades, récitent sur eux quelque prière superstitieuse, leur promettent de jeûner pour leur guérison et de prendre un certain nombre de fois par jour du tabac en fumée, ou bien, ce qui est une insigne faveur, ils sucent la partie mal affectée; après quoi ils se retirent, à condition toutefois qu'on leur paiera libéralement ces sortes de services. une écorce appelée cascarille, qui a la vertu de guérir toutes sortes de fièvres. Les Moxes ont chez eux toute cette botanique sans en faire aucun usage. Rien ne me fait mieux voir leur stupidité que les ridicules ornemens dont ils croient se parer et qui ne servent qu'à les rendre beaucoup plus difformes qu'ils ne le sont naturellement. Les uns se noircissent une partie du visage et se barbouillent l'autre d'une couleur qui tire sur le rouge. D'autres se percent les lèvres et les narines, et y attachent diverses babioles qui font un spectacle risible. On en voit quelques-uns qui se contentent d'appliquer sur leur poitrine une plaque de métal. On en voit d'autres qui se ceignent de plusieurs fils remplis de grains de verre, mêlés avec les dents et des morceaux de cuir des animaux qu'ils ont tués à la chasse. Il y en a même qui attachent autour d'eux les dents des hommes qu'ils ont égorgés, et plus ils portent de ces marques de leur cruauté, plus ils se rendent respectables à leurs compatriotes. Les moins difformes sont ceux qui se couvrent la tête, les bras et les genoux de diverses plumes d'oiseaux, qu'ils arrangent avec un certain ordre qui a son agrément. L'unique occupation des Moxes est d'aller à la chasse et à la pêche, ou d'ajuster leur arc et leurs flèches; celle des femmes est de préparer la liqueur que boivent leurs maris et de prendre soin des enfans. Ils ont la coutume barbare d'enterrer les petits enfans quand la mère vient à mourir, et s'il arrive qu'elle enfante deux jumeaux, elle enterre l'un d'eux, alléguant pour Ce n'est pas que le pays manque de remèdes propres à guérir tous leurs maux: il y en a abondamment et de très-efficaces. Les mission- | raison que deux enfans ne peuvent pas bien se naires, qui se sont appliqués à connoître les simples qui y croissent, ont composé, de l'écorce de certains arbres et de quelques autres herbes, un antidote admirable contre la morsure des serpens. On trouve presque à chaque pas sur les montagnes de l'ébène et du gayac; on y trouve aussi de la cannelle sauvage et une autre écorce d'un nom inconnu, qui est très-salutaire à l'estomac et qui apaise sur-le-champ toutes sortes de douleurs. nourrir à la fois. Toutes ces diverses nations sont presque toujours en guerre les unes contre les autres. Leur manière de combattre est toute tumultuaire; ils n'ont point de chef et ne gardent nulle discipline: du reste, une heure ou deux de combat finit toute la campagne. On reconnoft les vaincus à la fuite; ils font esclaves ceux qu'ils prennent dans le combat, et ils les vendent pour peu de chose aux peuples avec qui ils sont en commerce. Les enterremens des Moxes se font presque sans aucune cérémonie. Les parens du défunt creusent une fosse; ils accompagnent ensuite le corps en silence ou en poussant des sanglots. Il y croît encore plusieurs autres arbres qui distillent des gommes et des aromates propres à résoudre les humeurs, à échauffer et à ramollir, sans parler de plusieurs simples connus en Europe et dont ces peuples ne font nul cas, tels que sont le fameux arbre de quinquina et | Quand il est mis en terre, ils partagent entre |