teur et trop malheureux Chandasaeb ont été tranchés par le fer. Anaverdikan a remporté la victoire. Le père de ce dernier étoit un de vos affectionnés serviteurs tant qu'il a vécu : il s'est comporté avec fidélité dans toutes les affaires; son fils Anaverdikan est votre esclave, il fait des vœux pour votre prospérité, et il est capable de sacrifier sa vie pour vous; c'est pourquoi je vous supplie de lui donner ce gouvernement. De plus, par rapport à Pondemaly, Saint-Thomé et Divy, notre commerce va mal si vous ne nous faites le don de ces trois endroits. Je vous promets de vous envoyer deux mille hommes de troupes portant chapeaux, des canons et munitions de guerre : ces hommes tiendront vos étriers et seront toujours prêts à sacrifier leur vie pour votre service. Je vous prie aussi de donner à un autre les terres qui sont entre Tevenapatam et Pondichéry, que les François ont à leur disposition, parce que cela nous fait tort et que les François sont des envieux qui ne voient qu'à regret le bien des autres: ce qu'ils ont fait est à la connoissance de tout le monde. Je fais des vœux pour mériter votre protection, et je vous supplie de donner ce gouvernement à Anaverdikan, Pandemaly, Saint-Thomé et Divy aux Anglois. Si vous faites ainsi, je vous enverrai sans faute les deux mille hommes de troupes, les canons et les munitions de guerre dont je viens de vous entretenir, et j'espère que les troupes vous prouveront par leur travail et leur zéle l'attachement que nous avons pour vous. » Mouzaferzingue prévint M. Dupleix de sa marche, lui donna connoissance de son droit sur le Dekan par l'investiture que lui avoit donné le Mogol et lui demanda des secours, Jui promettant d'augmenter nos établissemens et de nommer au gouvernement d'Arcate Chandasaeb, dont on a parlé ci-dessus, homme de tout temps attaché à la nation, qui en avoit donné des preuves du temps de M. Dumas, gouverneur de Pondichéry, qui lui avoit donné des secours lorsque les Marattes vinrent faire le siége de Trichirapali, dont ce même Chandasaeb étoit gouverneur. Motifs de la guerre. pour la soubabie du Dekan, mais encore visà-vis des autres nababs ou gouverneurs pour le paiement des tributs qu'ils doivent à Mouzaferzingue. Si l'on considère la justice de la cause des deux concurrens et l'autorité du Mogol, qui doit seule être respectée par les nations européennes, il n'est pas douteux que le bon droit ne fût du côté de Mouzaferzingue. A tous ces motifs, pour se déterminer en faveur de ce prince, on peut ajouter le juste ressentiment des François contre la famille d'Anaverdikan et la nécessité de le lui faire sentit sitôt que l'occasion favorable s'en fut présentée. La compagnie et toute l'Inde savent à quel point cette famille étoit acharnée contre la nation françoise: le blocus de Madras sitôt que nous nous en fames rendus maîtres, les secours qu'elle donna aux Anglois lorsque nous nous préparions à faire le siége de Goudelour, secours qui firent échouer nos projets sur cette place; les troupes que cette même famille joignit à celles des Anglois lorsque ces derniers vinrent faire le siège de Pondichéry au mois d'août 1748, malgré le traité de paix que ce même Anaverdikan avoit signé avec les François au mois de février 1747; les avanies que la nation avoit reçues de la part de sa famille, tout cela, joint aux ordres de la compagnie, avoit autorisé à faciliter la nomination de Chandasaeb au gouvernement d'Arcate et détermina le gouverneur de Pondichéry à donner les secours que Mouzaferzingue demandoit. Non-seulement il étoit de notre intérêt de lui accorder ces secours, mais encore il étoit à craindre que ce prince ne s'adressât aux Anglois, qui n'auroient pas manqué de lui en donner et d'établir, par les avantages que leur eût procuré ce prince, l'agrandissement de leur terrain et de leur commerce sur les ruines du nôtre. Après les plus sérieuses réflexions, M. Dupleix, frappé des avantages qui pourroient résulter des offres de Mouzaferzingue, qui lui promettoit de nous donner la propriété de Villenour, Valdaour et Bahour, qui formoient un arrondissement aux environs de Pondichéry d'autant plus utile que notre terrain de ce côtélà étoit des plus borné, lui envoya 400 soldats européens et 2,000 cipayes ou soldats indiens De ce qu'on vient d'exposer, il résulte que la guerre étoit allumée dans l'Inde, indépendamment des nations européennes, non-seulement entre Mouzaferzingue et Nazerzingue | commandés par M. d'Auteuil, qui, s'étant joint à Mouzaferzingue, livra bataille a Anaverdikan, qui fut tué dans l'action et son armée entièrement défaite le 6 août 1749 dans un endroit nommé Ambour à cinquante lieues de Pondichéry. qu'on avoit données pour la garde de Mouzaferzingue, suivit son successeur à Golconde, à Aurengabat et dans toutes les autres places où il étoit nécessaire que ce prince fit reconnoftre son autorité; c'est à la capacité de ce comMouzaferzingue crut ne pouvoir mieux té-mandant qu'on doit l'heureux succès de nos ar le Dékan. moigner sa reconnoissance à la nation des sermes, et la confiance que Salaberzingue a eue vice qu'elle venoit de lui rendre qu'en joignant en lui n'a pas peu contribué à l'agrandissement à son domaine Bahour, Villenour et Valdaour ❘ de nos établissemens et à notre réputation dans et leurs dépendances aux environs de Pondychéry, quatre-vingts aldées ou villages auprès de Karikal, ce qui peut donner en tout un revenu de sept à huit cent mille francs de notre monnoie. Conduite des François pour éviter la guerre. Il n'est pas douteux que la guerre ne soit nuisible au commerce; aussi a-t-on cherché de tous temps dans l'Inde les moyens de l'éviter. Sitôt qu'on sut la nouvelle de la déclaration de guerre en 1744 entre la France et l'Angle Ce prince, après avoir nommé Chandasaeb au gouvernement de la province d'Arcate, se disposoit à prendre la route de Golconde; mais l'usurpateur Nazerzingue, appelé par les Anglois, jaloux de nos avantages, descendant | terre, M. Dupleix proposa au gouverneur de dans la province d'Arcate, Mouzaferzingue fut obligé d'y séjourner encore quelque temps. Pour éviter un trop long détail, on se contentera seulement de dire que Nazerzingue resta dans cette province environ un an et qu'enfin il fut tué dans une action le 16 décembre 1750 à douze lieues de Pondichéry. Sa mort laissa Mouzaferzingue sans concurrent; il donna encore à la nation une nouvelle marque de sa reconnoissance en lui donnant la propriété de la ville de Masulipatam et ses dépendances, six lieues de l'île de Divy, et quantité d'aldées ou villages d'un revenu considérable, et après avoir pris quelque arrangement pour maintenir la paix dans la province d'Arcate, il prit la route de Golconde au mois de janvier 1751; mais dans une action qu'il eut à cause d'une révolte de quelques chefs de son armée, il fut tué au mois de février de la même année, environ à quatre-vingts lieues de Pondichéry. Madras un traité de neutralité dans l'Inde, malgré la guerre qui étoit allumée entre les deux nations en Europe, sentant bien l'importance de la paix pour le commerce. Le gouverneur anglois fut peu fidèle à ce traité, puisque en même temps qu'il le signa, il dépêcha de Madras un paquebot qui fut donner avis à l'escadre angloise qui étoit déja rendue dans l'Inde des différens endroits où étoient nos vaisseaux, avis qui fut si bien suivi qu'ils prirent cette année-là tous ceux que nous avions en mer. M. Dupleix fit un pareil traité de neutralité avec Anaverdikan, gouverneur d'Arcate, qui n'y fut pas plus fidèle que l'Anglois, comme on l'a dit et prouvé ci-dessus. La paix terminée en Europe en 1748, les Anglois jugèrent à propos, au mois de décembre 1748 ou janvier 1749, de déclarer la guerre au roi de Tanjaour. Ce prince, lors de l'établissement de notre comptoir de Karikal, qui est dans ses états, avoit fait en 1738 avec M. Dumas un traité de ligue offensive et défensive qui fut approuvé en Europe; ce prince, prêt à succomber sous les Anglois, pressa M. Du L'aîné des trois jeunes fils de Nizam, dont on a parlé ci-dessus, fut reconnu de toute l'armée pour successeur de Mouzaferzingue; il obtint du Mogol au mois d'août suivant l'investiture du Dekan, dont il jouit aujourd'hui. Non-pleix de lui fournir les secours que lui avoit seulement il confirma aussitôt les donations que son prédécesseur avoit faites à la nation, mais encore il les augmenta. Les dernières concessions de Masulipatam et dépendances ont toujours joui d'une tranquillité pafaite malgré les troubles de la province d'Arcate. fait espérer son prédécesseur par le susdit traité; mais M. Dupleix sentant qu'en paix avec les Anglois, il ne lui convenoit pas de donner des troupes contre eux, écrivit au roi de Tanjaour qu'il étoit fâché de ne pouvoir remplir les engagemens que son prédécesseur avoit pris M. de Bussy, commandant des troupes | avec lui, qu'il lui conseilloit de faire la paix avec les 'Anglois, que c'étoit le parti le plus sage, le plus nécessaire au bien de ses peuples et à la prospérité du commerce. Une pareille conduite prouve clairement l'envie qu'on a eue de tous temps d'avoir la paix dans l'Inde. Conduite des Anglois pour susciter et continuer les troubles de l'Inde. Siles Anglois eussent suivi un pareil exemple, les troubles de la province d'Arcate n'auroient pas été d'une plus longue durée; mais plus jaloux de notre agrandissement, que nous ne l'avions été du leur, ils ont cherché à les continuer en appelant Nazerzingue dans la province d'Arcate et lui conseillant toujours de ne faire aucun accommodement avec les François. La mort de Nazerzingue eût dû mettre fin aux troubles; mais les Anglois trouvèrent bientôt un autre prétexte pour les continuer en soutenant Mahamet-Alikan, fils d'Anaverdikan, dans sa rébellion et prétendant que le gouvernement d'Arcate lui appartenoit de droit, quoiqu'il n'en eût jamais eu l'investiture de Nazerzingue, de Mouzaferzingue ni de Salaberzingue, ce qu'ils avouent eux-mêmes par leurs lettres à ces seigneurs, qui ont seuls droit de nommer au gouvernement; mais il leur falloit un prétexte pour nous nuire : celui-ci leur a paru suffisant. Après avoir rendu compte des motifs de la guerre, examinons les effets qu'elle a produits. Effets de la guerre. Les terres que la compagnie possédoit à la côte de Coromandel, jusqu'au mois d'octobre 1749, se bornoient à la ville de Pondichéry, celles de Karikal et leurs dépendances, une loge ou maison de commerce à Masulipatam, une autre à Janaon, au nord de cette ville, ce qui pouvoit former deux lieues de terrain. Les présens que la compagnie étoit obligée de faire aux nababs ou gouverneurs d'Arcate et à plusieurs autres petits chefs qui à chaque instant la genoient dans son commerce, les droits que ces mêmes gouverneurs exigoient des marchands qui fournissent nos toiles, les douanes qu'ils avoient auprès de nos limites la constituoient dans des dépenses énormes; d'ailleurs notre terrain très-borné et le peu de connoissance que nous avions de l'intérieur du pays nous empêchoient d'étendre notre commerce trop peu considérable pour les frais dont il étoit chargé. Les terres que Mouzaferzingue et son successeur Salaberzingue ont jointes à Pondichėry sont d'autant plus utiles à la compagnie qu'elles lui donnent, indépendamment de cinq à six licues de terrain, 500,000 livres de rente. Ce n'est pas le plus grand avantage qu'elle en peut retirer. Les villages de la dépendance de Valdaour, Villenour et Bahour étant à la portée de Pondichéry, on y a déja établi plusieurs manufactures: l'exemption de quelques droits accordée à ceux qui voudroient s'y établir y a attiré une grande quantité d'ouvriers; un fortin qu'on y fait bâtir met les nouveaux habitans à l'abri des inconvéniens des voleurs, assez fréquens dans cette partie de l'Inde. Au moyen de ces manufactures bien établies, la compagnie pourra retirer par la suite de son propre terrain la plus grande partie de ses cargaison; elle évitera par là les risques qu'elle couroit auparavant, étant obligée d'envoyer son argent å cinquante et soixante lieues dans les terres et de s'en rapporter à la bonne foi des tisserands et marchands, qui souvent se faisoient voler; elle sera encore exempte et percevra 'même des droits qu'elle étoit ci-devant obligé de payer aux gens du pays. Les nouvelles concessions fourniront encore, indépendamment des manufactures, une partie des vivres nécessaires à la colonie, quelquesunes de ces terres étant propres à la culture du riz; les autres moins arrosées donneront des cotons, avec lesquels on fera les toiles pour les cargaisons, dont les prix doivent nécessaire❘ment diminuer dans quelques années et donner par conséquent un bénéfice réel à la compagnie. Le comptoir du Karikal, situé dans le royaume de Tanjaour, qui depuis son établis sement étoit à charge à la compagnie, lui rapporte aujourd'hui environ 100,000 écus de rente au moyen de quatre-vingts aldées ou villages que Mouzaferzingue y a joints. Cet établissement, dont la compagnie a déja reçu des toiles, est devenu si considérable, par le nombre de tisserands et de marchands qui s'y sont établis depuis quatre ans, qu'on en peut tirer aujourd'hui sept à huit cents balles de marchandises, indépendamment de beaucoup de riz dont la compagnie fait le commerce tout le long de la côte de Coromandel et du débouché qu'elle y trouve des marchandises de France, La ville de Masulipatam et dépendances dont On passera légèrement sur les établissemens de l'une et l'autre compagnie dans le royaume de Bengale, attendu qu'ils sont à peu près les le revenu, suivant le mémoire envoyé à la compagnie par M. Demarcin, qui y commande, se monte à environ trois millions, dont il est déjà entré une année dans la caisse de la compagnie, ❘ mêmes et que d'ailleurs ils ne font point ma font aujourd'hui le plus beau morceau de la domination françoise dans l'Inde et méritent toute l'attention du ministre et de la compagnie. Le commerce qu'on y peut faire est si considérable qu'il faudroit des volumes pour en détailler toutes les différentes branches; on se contentera seulement de dire que, par le revenu de cet établissement, la compagnie sera indemnisée de toutes ses dépenses de l'Inde et retirera encore une ou deux cargaisons de toiles qui ne lui coûteront rien; on y trouvera encore un débouché de plusieurs marchandises de France dont l'envoi diminuera celui de l'argent, dont l'exportation est toujours nuisible à un état. Il est vrai que la compagnie ne s'est pas procuré tous ces avantages sans dépenser beaucoup d'argent; mais aujourd'hui elle en est totalement remboursée par les revenus de la province de Condavir, que Salaberzingue nous a donnée, pour nous indemniser des frais de la guerre; cette guerre n'a d'ailleurs porté aucune atteinte au commerce de la compagnie, puisqu'il est prouvé que depuis qu'elle subsiste, les envois en marchandises de l'Inde ont été du double plus fort qu'auparavant. Ce dernier article peut être vérifié sur les livres et factures envoyés à la compagnie, Comparaison des établissemens françois et anglois. Pour asseoir un jugement solide sur les avantages que peuvent retirer les compagnies de France et d'Angleterre de leurs établissemens des Indes orientales, tant anciens que nouveaux, il seroit nécessaire de faire un état de comparaison de ces mêmes établissemens les uns avec les autres établi sur des connoissances locales; c'est ce que l'on va faire avec le plus de précision qu'il sera possible. On aura soin de distinguer les endroits qui seront mis sous le nom de comptoir d'avec ceux qui seront sous celui de loge, le mot de comptoir signifiant un endroit dont on a la propriété; le mot de loge au contraire n'est autre chose qu'une maison de commerce dans ane ville ou sur tout autre terrain dont on n'a pas la propriété. Ces distinctions sont importantes. tière à discussion en Europe; on ajoutera à cet état un détail des avantages que peuvent produire ces établissemens. Saint-Thomé, à l'exception de la ville blanche, qui appartient aux Portugais; elle a environ 300 toises carrées. Cheydapet. Trivilicany. Le mamelon ou petit mont et dépendances. Le grand mont. Pondemali et quantité de villages dans le nord de Madras, jusqu'à Catirac, ainsi que dans l'ouest jusqu'à la même étendue que Pondemali, distant de Madras d'environ sept à huit lieues. A la côte de l'Est. Un nouvel établissement à la côte de l'Est, royaume du Pégou, dans la rivière de Siriam, par lequel ils auront le commerce exclusif du Pégou, qui est fort avantageux. Remarques sur les nouvelles concessions françoises aux côtes de Coromandel et Malabar. Les quatre-vingts aldées ou villages que nous avons joints à notre comptoir de Karikal nous sont avantageuses en ce que, indépendamment de l'agrandissement du terrain de ce comptoir, elles donnent encore environ 100,000 écus de rente années communes. Aux environs de Pondichéry. Valdaour, Villenour, Bahour et leurs dépendances, qui forment, aux environs de Pondichéry, un espace de cinq à six lieues, nous donnent, indépendamment des vivres et des cotons qu'on en peut retirer, environ 500,000 livres de rente. Elles étoient les plus convenables à l'arrondissement de notre terrain, vu leur proximité de Pondichéry ; mais elles doivent être regardées comme des établissemens à former plutôt que formés, quoique les soins du gouverneur de Pondichéry y aient déjà attiré quantité d'ouvriers qui forment peu à peu des manufactures. Bahour étoit celui de ces trois établissemens d'où nous pouvions retirer le plus grand avantage non-seulement par le riz qu'on y cultive avec succès, les aldées ou villages de sa dépen |