son goût pour la Poésie, en débutant, dès le Collége, par faire une Tragédie des Machabées. Cette Piece, qui a été perdue, ne fut ni représentée, ni imprimée, et on la lui a entendu regretter dans les dernieres années de sa vie, comme le premier jet de son génie. Ses études finies à dix-neuf ans, un de ses compatriotes, M. de Fritzlar, Capitaine d'Infanterie, l'emmena, en qualité de volontaire, faire les campagnes de 1701 et 1702, pendant la guerre de la succession d'Espagne. II se trouva au siége de Landau , et manqua d'y périr, à la défense d'un ouvrage avancé, où sa Compagnie se vit presqu'entiérement détruite, et où il fut enterré jusqu'à la ceinture, par le jeu d'une mine des ennemis. Il se trouva ensuite à la bataille de Fridelinghen, et il y fut blessé. il Étant en quartier d'hiver à Huningue employoit ses momens de loisir à cultiver la Poésie. En lisant le Roman de D. Quichotte, il avoit trouvé que la nouvelle du Curieux impertinent, qui fait un agréable épisode de ce eharmant Ouvrage, étoit susceptible d'être 2 2 mise au Théatre. Il en composa une Comédie, en cinq actes et en vers, et ce fut ce qui com mença à développer son talent pour ce genre. Quelques lectures particulieres qu'il fit de cette Piece dans des sociétés de la ville donnerent le desir de la connoître à la Marquise de Tibergeau, sœur du Marquis de Puysieulx, alors notre Ambassadeur en Suisse et Gouverneur de Huningue, où elle étoit avec lui. DESTOUCHES fut présenté à cette femme qui joignoit à beaucoup d'esprit l'amour des beaux-arts et un goût sûr. Elle l'accueillit l'encouragea, lui donna d'excellens conseils d'après lesquels il retravailla sa Comédie, et la mit en état d'être jouée dans une fête que la Marquise préparoît à son frere. Elle y remplit, elle-même, le principal rôle de femme, et l'Auteur se chargea de celui qui donne le titre à la Piece, C'est ce qui fit répandre, dans la suite, qu'il s'étoit fait Comédien dans sa jeunesse; mais la vérité est qu'il ne joua la Comédie que dans cette seule circonstance, et, depuis, dans une semblable, toujours en société, et, chacune des deux fois, dans une de ses Pieces. Il ajouta à sa premiere un Prologue relatif à la fête donnée au Marquis de Puysieulx; par conséquent, à la louange de eet Ambassadeur. Cela plut et réussit beaucoup. L'Ambassadeur proposa au jeune Poëte de le faire son Secrétaire particulier, ce que celui-ci accepta, et il se forma, dès-lors, dans le grand art des négociations. Devenu, ensuite, Secrétaire d'ambassade, il fit voir qu'il n'étoit pas moins propre à discuter et à défendre les intérêts de son pays qu'il n'avoit, d'abord, paru l'être à en peindre et à en corriger les mdeurs. De retour en France, avec le Marquis de Puysieulx et la Marquise de Tibergeau, DESTOUCHES se livra à son goût pour le Théatre. Il composa plusieurs Comédies qui furent jouées avec succès; et c'étoit à cette gloire seule, celle d'instruire en amusant qu'il auroit voulu borner toute son ambition. Mais le Duc d'Orléans, Régent du Royaume, ayant appris du Marquis de Puysieulx combien DESTOUCHES pouvoit lui être utile dans les affaires, voulut qu'il allât en Angleterre, avec l'Abbé Dubois, , qu'il y envoyoit alors en ambassade, et qui est devenu depuis Cardinal Archevêque de Cambray, Ministre des affaires étrangeres, et même premier Ministre de France. Après avoir passé quelques mois auprès de Georges premier, l'Abbé Dubois y laissa DESTOUCHES, avec le titre et les pouvoirs de Ministre plénipotentiaire de la Cour de France à celle de ce Prince. DESTOUCHES y resta sept ans; et ce fut lui qui engagea le Roi d'Angleterre, auprès duquel il traitoit des affaires plus importantes, à demander au Duc d'Orléans l'Archevêché de Cambray, vacant alors, pour le Cardinal Dubois, qui l'en avoit chargé. Georges premier tourna, d'abord, cette proposition en ridicule. « Comment voulez-vous, >> dit-il à DESTOUCHES, qu'un Prince Protes>> tant se mêle de faire un Archevêque en » France ? Le Régent en rira, et, sûrement, >> n'en fera rien. >> - <<< Pardonnez-moi, Sire, >> répondit DESTOUCHES : il en rira, mais il >> fera ce que vous voudrez ; » et aussi-tôt il présenta au Roi une lettre, très-pressante, pour le Régent, et toute prête à signer. « Je le >> veux donc bien, ajouta Gorges premier, en >> signant la lettre, » et le Cardinal Dubois fut fait Archevêque de Cambray. Pendant le séjour que DESTOUCHES fit à Londres, il devint éperduement amoureux d'une jeune Angloise Catholique, nommée Mademoiselle Dorothée Jonhnston. Elle étoit d'une naissance distinguée, mais des raisons de politique s'opposoient à ce qu'il l'épousât publiquement à Londres. Cependant, la violence de la passion qu'elle lui avoit inspirée ne lui permettoit pas de différer son mariage jusqu'à ce qu'il eut quitté l'Angleterre. Il se maria donc en secret, et tint certe union cachée tout le tems qui lui resta à attendre son retour en France. C'est cette aventure qui lui fournit quand il y fut revenu, le sujet de sa Comédie du Philosophe marié, ou Le Mari honteux de l'être. Sa négociation en Angleterre lui valut une gratification de cent mille livres, que le Ré. gent lui fit donner par Louis XV, et il acheta, dans le Maine, des Terres, qui le rendirene Seigneur des villages de La Motte, de Vives |