SCENE IV. ISABELLE, NÉRINE. ISABELLE. Mon pere sort d'ici. Que te disoit-il? NÉRINE. Nous avons parlé de votre maladie. Nous nous somines réjouis de votre convalescence. ISABELLE, N'a-t-il été question que de cela seulement? NÉRINE, Vous voulez savoir s'il ne parle point de vous marier? ISABELLE, Ne devroit-il pas y penser? NÉRINE. Il est vrai que vous êtes encore fille; et quand on l'est si long - tems, on court risque de l'être toujours. J'ai fait faire à M. votre pere de belles réflexions sur ce sujet! ISABELLE. T'a-t-il paru dans des dispositions plus favorables à mon égard ? NÉRINE. Point du tout. Il veut croire que vous n'êtes encore qu'un enfant, et que vous ne pensez non plus au mariage que votre petite sœur Javotte. ISABELLE. Feue ma mere m'avoit bien prédit que si elle mouroit la premiere, je courrois risque de n'être mariée de long-tems. NÉRINE. Nous ne voyons que trop l'accomplissement de sa prédiction Mort de ma vie, Mademoiselle, il faut faire un effort! ISABELLE. Quel effort veux-tu que je fasse? NÉRINE. Déclarer vos sentimens à M. votre pere. Lui dire, tout net, qu'il se trompe lourdement dans l'opinion qu'il a de vous, et que vous êtes trop honnête fille pour pouvoir l'être plus long-tems. ISABELLE. Je n'aurai jamais la force de lui faire une pareille déclaration. NÉRINE. Il faut donc que vous ayiez la force de ne vous point marier, et d'attendre patiemment que le bonhomme soit défunt. ISABELLE. J'ai pris ma résolution sur cela.. NÉRINE. Il y auroit encore un autre parti à prendre; mais vous n'aurez jamais ce courage-là? ISABELLE. Quel seroit ce parti? NÉRINE. De jetter les yeux sur quelque honnête homme ; de convenir de vos faits avec lui et de vous ma rier, en votre petit particulier. ISABELLE. , Tu me donnes un conseil comme celui-là? NÉRINE. Ma foi! Mademoiselle, il faut s'aider dans la vie. Quand un pere a aussi peu d'attention que le vôtre, il est permis de pourvoir, soi-même, à ses petites nécessités, quand cela se fait en tout bien et en tout honneur Vous avez beau faire la réservée, je suis sûre que vous aimez Cléon ? ISABELLE. Que j'aurois de choses à te dire, si j'étois persuadée de ta discrétion ! NÉRINE. Je suis fille, mais je sais garder un secret. Cependant, puisque vous en doutez, je ne veux rien savoir. ISABELLE. Après les preuves que tu m'as données de ton affection, je me flatte que tu ne voudras point me perdre, car tu me perdrois, en effet si tu allois révéler ce que j'ai résolu de te confier. NÉRINE. Je vous jure que vos intérêts me sont plus chers que les miens! ISABELLE. Je t'avoue, premiérement, que j'aime Cléon, dè tout mon cœur. NÉRINE. Je m'en étois bien doutée. ISABELLE. Que je lui ai promis de l'aimer toute ma vie. NÉRINE. Voilà ce qu'il ne faut jamais promettre; une fille, sur-tout, ne doit jamais s'engager à cela. Pourquoi? ISABELLE. NÉRINE. Parce qu'il y a cent contre un à parier qu'elle ne tiendra point sa parole. ISABELLE. Je tiendrai la mienne à Cléon. NÉRINE. Vous ne voulez donc pas l'épouser ? ISABELLE. Au contraire, je lui ai juré de n'épouser jamais Ma foi! Mademoiselle, il y a long-tems que l'amour et le mariage ont fait divorce et qu'ils ont juré de n'habiter plus ensemble. Je compte plus sut leurs sermens que sur les vôtres! ISABELLE. Cesse de plaisanter. Cléon et moi nous trouve rons moyen de les remettre en bonne intelligence. NÉRINĖ. NÉRINE. Je le souhaite. Est-ce-là tout ce que vous avez à me dire? ISABELLE. Je tremble à t'avouer le reste. NÉRINE. Oui ?... Oh! j'ai bien peur que vous ne vous soyiez désaltérée en chemin ILABELLE. Qu'est-ce que cela signifie ? NÉRINE. Vous le saurez; poursuivez seulement ? Comine Cléon est d'une naissance égale à la mienne, et que, d'ailleurs, il a du bien considérablement, nous convinmes qu'un de ses amis pressentiroit mon pere, sans lui nommer cependant, la personne dont il étoit question, pour savoir s'il seroit disposé à me donner en mariage à un homme qui me conviendroit parfaitement. Bon! Nescio vos? NÉRINE. ISABELLE. Je ne saurois te dire avec quelle dureté il répondit à l'ami de Cléon! En un mot, il lui fit connoître qu'il refuseroit absolument tous les partis qui se présenteroient. NÉRINE. Mort de ma vie! voilà un pere qui mériteroit bien que sa fille se mariât toute seule ! B |