ISABELLE. Aurois-tu pris ce parti? NÉRINE. Moi? je me serois mariée dix fois pour une! ISABELLE. Eh! bien, ma pauvre Nérine j'ai prévenu tes conseils Je suis la femme de Cléon. Ce mariage s'est fait secrettement; mais de l'aveu de ma tante, chez qui je voyois Cléon tous les jours. Hélas! mon bonheur ne dura pas long-tems; mon pere s'alarma des fréquentes visites que je faisois à ma tante il m'ordonna de les cesser, il défendit à Cléon de paroître céans. J'en fus au désespoir, et mon chagrin me jetta dans une maladie, qui m'a pensé faire mourir! NERINE. Je suis ravie de savoir tout cela , et je veux vous aider.... (Voyant entrer Cléon et L'Epine, déguisés en Danseurs et qu'elle ne reconnoît pas d'abord.) Mais, que vois-je? , SCENE V. CLÉON, L'ÉPINE, ISABELLE, NERINE, L'ÉPINE, ivre, à Cléon, bas. ALLONS, Monsieur, du courage! il faut faire main-basse sur ces deux filles-là! CLÉON, bas. Tais-toi, maraud et songe à demeurer dans le respect. L'ÉPINE, bas. Ma foi! j'ai bien bu. Le respect et le vin ne vont gueres de compagnie ! CLÉON, à part. Je crains que cet ivrogne là ne dérange mes projets..... (A L'Epine, bas.) Que je suis malheureux d'avoir besoin de tor! ISABELLE, bas, à Nerine. Qui sont ces gens-là, Nérine? NÉRINE. Ce sont deux de ces Danseurs que M. votre pere a fait venir. Ils se sont habillés pour venir vous divertir, apparemment. L'ÉPIN. Oui, mes Princesses, nous allons vous donner un petit moment de récréation. Qu'entends-je ? C'est la voix de Cléon !... C'est lui que j'apperçois. Ah! Ciel ! CLEON. Ne vous effrayez point, ma chere Isabelle! Oui, c'est Cléon qui se présente devant vous, et qui a franchi des obstacles insurmontables, pour se procurer le plaisir de vous voir. ISABELLE. Vous ne pouviez me surprendre plus agréablement! Ma joie est si grande que j'ai peine à parler; mais elle est cruellement traversée par la peur que j'ai que mon pere ne vous surprenne! CLÉON. Ne vous alarmez pas, je vous en coniure! Ce déguisement me cache si bien à ses yeux qu'il m'a vu trop rarement pour ine reconnoître en cet état. ISABELLE. Eh! comment avez-vous fait pour vous introduire céans? CLÉON. J'ai su qu'il faisoit venir, chez lui des Danseurs et des Musiciens. Je les ai engagés, par quelque argent, à m'y introduire, comme un de leurs camarades. J'ai cru qu'il étoit à propos que L'Épine fût de la partie, pour figurer avec moi. Il ne danse pas mal je m'en tire passablement bien; et nous devons paroître, l'un et l'autre, dans le petit diver tissement qu'on a préparé. NÉRINE. Eh! comment L'Épine pourra-t-il vous seconder? Il est si ivre qu'il ne peut pas se soutenir. L'ÉPINE. Que cela ne vous embarrasse point. Je n'ai jamais l'esprit si présent que quand j'ai bien bu. Ma foi! j'étois né pour être Musicien. NÉRINE. Il y paroît! tu t'es fort bien accommodé là-bas! Cet homme-là vous découvrira infailliblement! Eh! fi donc. Est ce que je ne sais pas bien que M. votre pere, sauf correction est un brutal qui ne veut pas que vous voyiez mon maître, et que mon maître a une rage d'amour qui l'oblige à vous voir, malgré M. votre pere. Par conséquent, il faut que mon maître vous voie, sans que M. votre pere le voie, et mor, comme un discret confident, il faut que je vous voie, tous deux, sans rien voir... Allons, mes enfans; profitons de l'occasion Voilà la partie quarrée. Faites tous deux la belle conversation, (Montrant Nérine.) pendant que je m'amuserai avec cette friponne la. ISABELLE, à Cléon. Votre valet me cause de terribles inquiétudes! Maraud! si tu me fais découvrir, je te donnerai cent coups de bâton quand nous serons dehors!... (A Isabelle.) Je ne pouvois plus vivre sans vous voir, ma chere Isabelle! L'ÉPINE, à Nerine, en l'embrassant. Ni moi sans t'embrasser, ma chere Nérine! Puisque le Ciel me procure ce bonheur, il sera suivi de cette parfaite félicité après laquelle je sou pire, depuis si long-tems; mais ne me faites plus appréhender pour votre vie ; (Se jettant à ses pieds.) c'est la grace que je vous demande, à genoux. ISABELLE, voulant le relever. Oui, je vous le promets. Levez-vous Cléon. Si on vous surprenoit en cet état, tout seroit perdu! CLÉON. , Non, je ne me releverai point que vous ne me juriez.... NÉRINE, l'interrompant, et le faisant relever, à la hate, mais non sans qu'il soit vu par Javoite aux pieds d'Isabelle. Paix; j'entends quelqu'un. SCENE VI. JAVOTTE, ISABELLE, CLÉON, NÉRINE, L'ÉPINE. JAVOTTE, à Isabelle. AH! ah! ma sœur, je vous y attrape! Un homme à vos genoux! Cela est fort joli, vraiement! Eh! là, là, patience! ISABELLE, bas, à Cléon. Je suis au désespoir! elle ira tout dire à mon pere. L'ÉPINE, à part. Peste soit de la petite carogne! |