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NÉRINE, à Javoite.

Que cherchez vous ici, Mademoiselle?

JAVOTTE.

Vous ne m'y attendiez pas! Vous avez chacun

le vôtre, pendant qu'on me laisse toute scule, mai!

ISABELLE.

Que voulez-vous donc dire, petite écervellée ?

JAVOTTE.

Eh! oui, oui, petite écervellée... (Montrant Cléon.) Ce Monsieur-là ne vous disoit pas des douceurs ?.... (Montrant L'Epine.) Celui-ci ne caressoit pas Nérine?... Qu'ils sont rusés !

L'ÉPINE.

Parlez donc, petite fille; si je vous prends, je vous donnerai le fouet.

JAVOTTE.

Le fouet? Ah! ah! voyez donc !

L'ÉPINE.

Oui, le fouet. Allons, qu'on m'apporte des verges,

tout-à l'heure.

JAVOTTE.

Mais voyez donc cet ivrogne là, qui veut me donner le fouet!

L'ÉPINE.

Ivrogne? Voilà une petite masque qui connoît bien ses gens!

NÉRINE.

Écoutez petite fille; n'allez pas vous aviser de dire quelques sottises. C'est M. votre pere qui a fait venir ces Messieurs.

JAVOTTE.

Je sais bien qu'il les a fait venir; mais c'est pour

danser, et non pas pour vous faire l'amour.

ISABELLE.

Comment! vous avez l'insolence ?....
JAVOTTE, l'interrompant

Allez, allez, je commence déja à m'y connoître. Faire le langoureux, se jetter à genoux, baiser tendrement les mains, lancer des regards mourans, cela s'appelle faire l'amour, car je le sais bien.

CLÉON, à Isabelle.

Voilà une petite personne bien dangereuse!

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Oui, vraiement. Il falloit voir comme il faisoit le jeune homme! Je ne lui en ai rien dit, mais je la lui garde bonne, et je lui reprocherai cela quand je serai grande, et qu'il voudra m'empêcher d'avoir un amant!

NÉRINE, à part.

Voilà la plus méchante petite peste que j'aie jamais connue!

JAVOTTE.

Vous êtes bien fâchés, vous autres, de ce que je vous ai découverts; car il ne tient qu'à moi de vous faire endéver, et de me venger de ma soœur, qui me traite comme un enfant, et qui veut être mariée avant moi.

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Bon! je passerai la premiere! Vous aurez bien cette patience-la!.. (Montrant Cléon.) Allons, allons, ma sœur, prenez vite ce Monsieur - là pour votre mari, afin qu'on me donne bientôt la permission d'en choisir un pour moi.

ISABELLE.

Ne vous ai-je pas dit que Monsieur est un Dan

seur, et qu'il ne me convient pas...

JAVOTTE,

Eh! oui un Danseur.... Quel Danseur !

Assurément.

NÉRINE.

JAVOTTE.

Il a beau se cacher avec son masque; je sais

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Eh! non, je ne l'ai pas vu là bas qui buvoit avec les Musiciens. Je ne l'ai pas écouté, sans qu'il y prît garde. Il leur disoit qu'il leur donneroit bien de l'argent; qu'il vouloit passer pour un de leurs camarades qu'il seroit si fâché, si fâché si mon papa le voyoit !.... Oh! puisqu'il craint tant mon

,

papa, il faut que ce soit votre amant car mon papa ne veut pas que vous en ayiez. Il a grand tort, car je crois que cela est fort divertissant!

ISABELLE, à pari.

Que je suis malheureuse!

JAVOTTE.

Allez, allez, ne craignez rien, ma sœur; faites vos petites affaires en repos. Je vais empêcher que mon papa ne vienne ici quand il sera rentré; mais à condition que vous m'aiderez aussi quand je serai grande.

ISABELLE.

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ISABELLE, CLÉON, L'ÉPINE, NÉRINE. NÉRINE, à Isabelle.

V

OILA une petite fille qui promet beaucoup! Une enfant de dix ans débrouiller une intrigue aussi se

crete!

ISABELLE, à Cléon.

Je vous avoue que je suis dans une véritable in

quiétude, et je crois qu'après ce qui nous vient d'arriver, il est à propos que vous sortiez d'ici.

NÉRINE.

Et, moi, je soutiens que cela n'est pas nécessaire. Comptez que la petite fille ne dira rien. Ah! qu'elle sera bonne à marier! Que de talens elle aura pou dépayser un jaloux! Ce sera du bien perdu, car les maris en ce pays ci sont les meilleures gens du monde, et il ne faut pas beaucoup de finesses pour les attraper!

ISABELLE.

En vérité, Nérine, tu ferois bien mieux de songer à nous secourir que de faire des réflexions aussi ridicules!

NERINE.

Puisque vous le voulez, je vais éclairer la petite fille de si près qu'elle ne parlera point à M. votre pere.

ISABELLE.

Je t'en aurai beaucoup d'obligation.

NÉRINE, appercevant Oronte.

Par ma foi! le voici, lui-même.

ISABELLE, avec effroi.

Ah! nous sommes découverts !

L'ÉPINE.

Garre les étrivieres!

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