SCENE VIII. ORONTE, ISABELLE, CLÉON, NÉRINE, L'ÉPINE. ORONTE, à Isabelle. Bonjour, ma fille. Comment te portes-tu? ISABELLE. Pas trop bien aujourd'hui, mon pere. NÉRINE, à Oronte. Je gage que c'est Mademoiselle Javotte qui vous envoie ici. ORONTE. Au contraire, elle ne vouloit pas que j'y vinsse. Elle m'a dit qu'Isabelle étoit sortie, avec toi, pour aller faire quelques emplettes au Palais. NÉRINE. C'est que nous avons parlé de cela devant elle.... Mais Mademoiselle a changé de résolution, parce qu'elle est un peu indisposée, et, comme elle a beaucoup de goût pour la danse, (Montrant Cléon et L'Epine) j'ai fait venir ici ces Messieurs pour la réjouir, en attendant votre petit divertissement. ORONTE. Tu as fort bien fait ! NÉRINE. Ils se sont habillés pour rendre la chose plus touchante. ORONTE. ORONTE. Ils ont fort bon air, l'un et l'autre! L'ÉPINE. Monsieur, sans vanité, nous sommes assez bien campés sur nos jambes! (Il veut faire une pirouette et tombe sur Oronte.) ORONTE. Pas trop bien, à ce qu'il me paroît! NÉRINE. Ils sont si ivres, tous deux, qu'ils n'ont pas la force de former un pas ! Je vous avois bien prédit que cela arriveroit! L'ÉPINE, à Oronte. Franchement, M. Oronte, vous avez bien le meilleur vin qui soit dans Paris; et si je n'étois pas aussi sobre que je suis, je m'en serois donné jusqu'aux gardes. ORONTE. Il me semble que vous ne l'avez pas trop épargné! L'ÉPINE. C'est pour vous mieux divertir. Le vin me donne une force, une souplesse.... Voulez-vous danser une petite entrée avec moi, M. Oronte? ORONTE. Non mon enfant; vous ferez mieux d'aller dor , mir, en attendant que la compagnie soit venue. L'ÉPINE. Vous êtes homme de bon conseil! Tope à dor mir! C ORONTE, à Nérize. Je crois que l'autre n'est pas si ivre que celui-ci, car il ne dit mot. L'ÉPINE. 11 n'en pense pas moins ! Mon maître a le vin triste. ORONTE. Comment done! son maître ? L'ÉPINE. Eh! oui, parbleu! je ne suis que son Prévôt, afin que vous le sachiez. C'est le premier homine du monde; et, si vous voulez, il montrera à danser à Mademoiselle votre fille ? ORONTE, à Isabelle. Je n'osois vous le proposer, mon pere; mais, si vous y consentiez, cela me feroit le plus grand plaisir du monde ! ORONTE. J'y consens volontiers.... (A Cléon.) Je vous retiens pour montrer à ma fille. Elle à déja de bons principes! L'ÉPINE. Tant pis! Mon maître veut toujours commencer ses écolieres. CLÉON, faisant l'ivrogne. Ne vous mettez pas en peine; je lui donnerai toute ma science, ORONTE. Et le plutôt que vous pourrez, je vous en prie. Je viens de prendre la résolution de la marier je veux qu'elle danse à sa noce. NÉRINБ. ORONTE. Eh! à qui la donnez-vous, s'il vous plaît? et A un de mes meilleurs amis, avec qui j'ai étudié autrefois. NÉRINE. Avec qui vous avez étudié? Fi done! vous vous moquez? ORONTE. Comment! ne me disois-tu pas tantôt qu'elle se roit bien-aise d'être mariée ? NÉRINE. Oui, Monsieur; mais croyez-vous, de bonne-foi, qu'un homme qui a étudié avec vous soit capable de lui rendre la santé? ORONTE. M. Michaut s'offre à la prendre, sans que je lui donne rien. Sa proposition me convient. Il doit ve pir ici, tout-à-l'heure, et je m'en vais le recevoir, (Il sort.) : SCENE ΙΧ. ISABELLE, CLÉON, NÉRINE, L'ÉPINE. [L'ÉPINE, à Isabelle, ironiquement, MADAM ADAME Michaut, je suis votre très-humble ser viteur ! CLÉON. Traître! est-il tems de plaisanter ISABELLE. Ah! Cléon, qu'allons-nous devenir! CLÉON, Quel parti prendre dans une si terrible conjone ture! ISABELLE, à Nérine. Nérine, aide-nous de tes conseils. NÉRINE. Je suis aussi embarrassée que vous; et ce que vous m'avez déclaré tantôt augmente encore mes inquiétudes ! ISABELLE. Ah! si mon frere étoit à Paris , il m'aime; mon pere a beaucoup d'égards pour lui: nous lui confierions notre secret et il pourroit nous secourir; mais il est à la campagne depuis huit jours , , nous ne savons quand il sera de retour. |