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que je tâche de les amuser encore quelque tems, pour me donner celui d'arranger mes affaires à ma fantaisie.

SCENE ΙΙ.

NÉRINE, ORONTE.

NÉRINE.

QU'EST-CE que cela veut dire, Monsieur ? Je viens

de voir là-bas je ne sais combien de gens qui s'enivrent. Quels gosiers! Ils ont déja vuidé plus de trente bouteilles, et ils se plaignent qu'on les laisse mourir de soif. Qui sont donc ces gens-là?

ORONTE.

Ce sont des Danseurs et des Musiciens.

NÉRINE,

ORONTE.

Ils boivent comme des Templiers !

Eh! bien, ne font-ils pas leur métier ?

NERINE.

Sur-tout quand ils boivent aux dépens d'autrui, J'aurois dû les reconnoître à cela. Mais, Monsieur, par quelle fantaisie, s'il vous plaît, faites-vous venir chez vous toute cette troupe bachique? Est-ce que vous donnez le Bal ce soir? ORONTE.

Qui, mon enfants je veux donner une espece

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Envoyez donc dire qu'on leur ôte le vin, car

s'ils continuent comme ils ont commencé, vous

,

serez obligé de les faire emporter chez eux.

ORONTE.

Va, ne te mets pas en peine; plus ils boivent, mieux ils s'accordent.

NÉRINE.

A la bonne heure. Eh! comment avez vous. pu vous résoudre à faire chez vous un semblable appareil, vous qui étiez ennemi juré de ces sortes de divertissemens?

ORONTE.

,

J'ai mes raisons pour cela; et on les saura peutêtre avant qu'il soit peu. D'ailleurs comme ma fille sort d'une longue maladie, j'ai cru qu'un petit divertissement, comme celui - là contribueroit

beaucoup à sa convalescence...

NÉRINB.

,

Il est vrai que la Musique et la Danse ont quelque chose de récréatif; mais je ne crois pas que ce soit-là précisément ce qu'il faudroit à Mademoiselle votre fille, pour rétablir entiérement sa santé.

ORONTE.

Oh! je te vois venir. Tu veux dire qu'il lui fau droit un mari?

NÉRINE,

Sans doute. Un mari est un baume spécifique, qui rétablit les forces d'une fille languissante.

ORONTE.

Je connois la mienne; elle est trop vertueuse.... NÉRINE, l'interrompant.

Eh! pour être vertueuse est-ce qu'on souhaite moins un époux? Au contraire, c'est la vertu d'une fille qui cause son empressement pour le mariage. Celles qui ne sont pas scrupuleuses s'en passent bien plus aisément. Je vais vous prouver cela.

ORONTE.

Je n'ai que faire de tes preuvės.

NÉRINE.

Supposé, par exemple, que vous ayiez un long chemin à faire pendant les chaleurs de l'été.

Eh! bien?

ORONTE.

NÉRINE.

Et qu'il vous soit expressément défendu de boire, jusqu'à ce que vous soyiez arrivé au gîte, où l'on vous attend, avec d'agréables rafraîchissemens?

Belle supposition!

ORONTE.

NÉRINE.

N'est-il pas vrai, que si, malgré ce qui vous est prescrit, vous entrez dans quelque cabaret sur la route, vous aurez moins d'empressement d'arriver que si vous aviez scrupuleusement observé la défense ?

!

i

ORONTE.

J'en demeure d'accord.

NÉRINE.

Voilà justement le portrait d'une fille qui s'est émancipée. Isabelle, au contraire, est le voyageur qui observe la loi qu'on lui a imposée, mais que son exactitude scrupuleuse réduit à la derniere extrêmité. Songez-y bien, Monsieur, on ne peut pas toujours soutenir la soif, et il ne faut pas mettre une fille dans la nécessité de se rafraîchir sur la

route.

ORONTE.

Tu as beau dire; je ne crois point que ce soit un pareil empressement qui ait causé la maladie d'Isabelle,

NÉRINE.

Cependant les Médecins y ont perdu leur latin; et c'est plutôt par miracle que par leurs remedes qu'elle est sortie d'un état si périlleux. Je ne l'ai point quittée. Elle soupiroit jour et nuit. Elle répandoit souvent des larmes. Elle tomboit dans une langueur, dans un anéantissement, qui faisoit craindre pour sa vie. Morbleu! Monsieur, je m'y connois: ce sont - là les symptômes d'une maladie dont l'amour est la cause.

ORONTE.

Tu crois qu'elle a quelque inclination dans le cœur?

NÉRINE,

Je n'en doute point,

ORONTE.

Allons, allons, cela ne peut pas être. Je suis sûr qu'elle ne sait pas même ce que c'est qu'une ine clination.

NÉRINE.

A vingt-cinq ans elle ignoreroit cela, dans un siecte où les filles sont si prématurées? Eh! fi donc, vous n'y pensez pas !

ORONTE.

Garde-toi de lui dire un mot sur ce sujet. Tu pourrois lui faire venir des idées qu'elle n'a point du tout.

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Oh! je gage qu'elle a l'imagination aussi vive que moi.

ORONTE.

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