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Oh! je n'en doute pas.

La plus rare Beauté n'a pour lui nul appas.

CÉLIANTE,

C'est ce qui me feroit souhaiter sa conquête,
Et j'en viendrois à bout si je l'avois en tête.

Il est un certain art, que je sais à ravir,
Pour fixer un tel homme, et pour se l'asservir.
FINETTE.

Je vous conseille donc de tenter l'aventure.

CÉLIANTE.

Parles-tu tout de bon?

FINETTE.

Sans doute.

CÉLIANTE.

Je te jure

Que bientôt de mes yeux il sentira les coups.

Je veux, dès aujourd'hui, le voir à mes genoux.

FINETTE.

S'il vous aime une fois, à quoi tend l'entreprise ?
CÉLIANTE.

A lui dire pour lors que mon cœur le méprise,
Qu'un grand bien, cent ayeux, un haut rang dans

l'État

Ne peuvent m'imposer à la suite d'un fat.

FINETTE.

Pour fat, il ne l'est point. C'est un homme qui pense
Que le parfait bonheur est dans l'indifférence.
Du reste, auprès du sexe il est respectueux,
Et se feroit aimer s'il étoit amoureux.

Mais je veux qu'il soit tel que vous le voulez croires
Je trouverois pour vous encore plus de gloire
A vous l'assujettir, à l'aimer, tout de bon,
Qu'à vous sacrifier à votre beau Damon.
C'est l'ancien confident, c'est l'ami de mon maître.
Vous l'aimez, Cependant, si je puis m'y connoître,

Vous prétendez en faire un mari complaisant. En ce cas, le Marquis vous conviendroit autant.

Les gens de qualité suivent toujours la mode,

Et tout homme de Cour doit être époux commode. Voilà l'essentiel. Qu'importe qu'un mari

Soit fat, s'il vous permet d'avoir un favori ?

CÉLIANTE.

Mais, au fond, tu dis vrai.

FINETTE.

Comment! je vous étale

Tout ce qu'on peut prêcher de plus fine morale, Rompez avec Damon: j'insiste sur ce point. N'étant pas Gentilhomme, il ne vous convient point. CÉLIANTE.

Tu te trompes, Finette; et, malgré l'apparence,
Mon cœur me dit qu'il est d'une illustre naissance,
Et que par des raisons que nous saurons un jour...
FINETTE, l'interrompant.

Ah! voilà justement de vos Romans d'amour.
Pour moi, je le connois. Sa tendresse empressée
N'est que le pur effet d'une ame intéressée.
Une tante, en mourant, vous a laissé des biens
Dont il espere un jour rehausser ses moyens.
Voilà ce qui le rend si soumis, si facile;
Mais osez l'épouser, il sera moins docile.
CÉLIANTE.

J'entre dans tes raisons, et je les applaudis.
Je me suis dit cent fois tout ce que tu me dis.
Depuis plus de deux ans, avec un soin extrême,
J'élude mon penchant, et me combats, moi-même,

J'ai maltraité souvent un amant trop aimé;
Contre lui mon orgueil s'est hautement armé :
Enfin, pour me guérir, je me suis exiléc..
Tout cela vainement. Je suis ensorcelée....
Attends.

Quoi?

FINETTI.

CELIANTE.

Je me sens aujourd'hui d'une humeus

A le désespérer !

FINETTE.

Quelque bonne vapeur

Vous seroit à présent d'un secours admirable!
Quand vous extravaguez vous êtes raisonnable!

CÉLIANTE.

Je ne me suis jamais trouvé tant de raison!

FINETTE.

Que Damon ne vient-il !... Mais vous ferez l'oison

Si tôt qu'il paroîtra !

CÉLIANTE.

J'excite mon courage

A lui faire, au plutôt, quelque sensible outrage.

Prête-moi ton secours pour m'y déterminer.

Traitons quelque sujet propre à me chagriner.

Parle moi de ma sœur.

FINETTE.

Eh! bien, donc, ma maîtresse

De notre Philosophe a lassé la tendresse.

Il s'est abandonné, pour la premiere fois,
A des vivacités, qui, comme je prévois,

Pourront dégénérer en aigreur très-fâcheuse,
Et rendre quelque jour votre sœur moins heureuse.

Cela vous déplaît-il ?

CELIANTE.

Non; tu me fais plaisir..

Un doux ravissement est prêt à me saisir!
Le bonheur de ma sœur excitoit mon envie,
Et fait, depuis deux ans, le malheur de ma vie.

FINETTE.

Enragez donc, Madame, et très-parfaitement.
Leur querelle a produit un racommodement
Si tendre, si touchant, et si rempli de charmes
Que notre Philosophe en a versé des larmes;
Et moi, qui parle, moi, je ne puis y penser,
Sans sentir que mes yeux sont tout près d'en verser,

CÉLIANTE.

Hs s'aiment donc toujours?

FINETTE.

Plus que jamais, Madame.

Mon maître est à présent l'esclave de sa femme.

Le sot!

CÉLIANTE

FINETTE.

Plus elte prend le ton d'autorité,

Et plus, depuis une heure, il en est enchante!

CÉLIANTE.

Je n'y puis plus tenir!... Par quel charme, Mélite Triomphe-t-elle ainsi d'un homme de mérite d

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