durables. Je dis brillants, mais de quel éclat? Le goût du faste ne s'associe guère dans les mêmes âmes avec celui de l'honnête. Non, il n'est pas possible que des esprits dégradés par une multitude de soins futils 5 s'élèvent jamais à rien de grand; et, quand ils en auraient la force, le courage leur manquerait. Tout artiste veut être applaudi. Les éloges de ses contemporains sont la partie la plus précieuse de sa récompense. Que fera-t-il donc pour les obtenir, s'il 10 a le malheur d'être chez un peuple et dans des temps où les savants devenus à la mode ont mis une jeunesse frivole en état de donner le ton; où les hommes ont sacrifié leur goût aux tyrans de leur liberté; où, l'un des sexes n'osant approuver que ce qui est proportion15 né à la pusillanimité de l'autre, on laisse tomber des chefs-d'œuvre de poésie dramatique, et des prodiges d'harmonie sont rebutés? Ce qu'il fera, messieurs? Il rabaissera son génie au niveau de son siècle, et aimera mieux composer des ouvrages communs qu'on 20 admire pendant sa vie, que des merveilles qu'on n'ad Je suis bien éloigné de penser que cet ascendant des femmes soit un mal en soi. C'est un présent que leur a fait la nature, pour le bonheur du genre humain; mieux dirigé, il pourrait produire autant de bien qu'il fait de mal aujourd'hui. On ne sent point assez quels avantages naîtraient dans la société d'une meilleure éducation donnée à cette moitié du genre humain qui gouverne l'autre. Les hommes seront toujours ce qu'il plaira aux femmes; si vous voulez donc qu'ils deviennent grands et vertueux, apprenez aux femmes ce que c'est que grandeur d'âme et vertu. Les réflexions que ce sujet fournit, et que Platon a faites autrefois, mériteraient fort d'être mieux développés par une plume digne d'écrire d'après un tel maître, et de défendre une si grande cause. mirera célèbre måles l'esprit en a c C'es saire d Que s par le fermet de son malhe l'oubli non u 21 Fra early po of him. It is in surance quainta sides. 22 Th referrin ence to to the subjects loo, to tributed Pierre ranged the Pa Germa arts in longtemps après sa mort. Dites-nous, mirerait que célèbre Arouet,21 combien vous avez sacrifié de beautés mâles et fortes à notre fausse délicatesse! et combien l'esprit de la galanterie, si fertile en petites choses, vous en a coûté de grandes! 5 C'est ainsi que la dissolution des mœurs, suite nécessaire du luxe, entraîne à son tour la corruption du goût. Que si par hasard, entre les hommes extraordinaires par leurs talents, il s'en trouve quelqu'un qui ait de la fermeté dans l'âme et qui refuse de se prêter au génie 10 de son siècle et de s'avilir par des productions puériles, malheur à lui! il mourra dans l'indigence et dans l'oubli. Que n'est-ce ici un pronostic que je fais, et non une expérience que je rapporte! Carle, Pierre,22 21 François Arouet de Voltaire (1694-1778). In one of his early poems, Le Verger des Charmettes (1739), Rousseau wrote of him, "touchant Voltaire Ta lecture à mon cœur restera toujours chère." It is interesting to contrast this modest admiration with the assurance, let us not say the forfanterie of the Discours. The acquaintance so pleasantly begun ended in denunciations on both sides. 22 The editor of the Hachette edition explains this passage as referring to Carle (1705-1765), and Pierre, Vanloo. The reference to "Carle" (Charles-André) is undoubted. He was painter to the King in Rousseau's time and handled with equal dexterity subjects sacred and profane. There is however no Pierre Vanloo, to whom Rousseau's reference could be appropriately attributed. Rousseau doubtless had in mind Jean-Baptiste-Marie Pierre (1713-1789), a French painter who likewise had the same range of subject. Religious paintings of his may still be seen in the Paris churches at Saint-Roche, Saint-Sulpice, and SaintGermain des Près. He was professor at the Académie des beauxarts in 1748 and later (1770) became first painter to the King. Cf. Diderot, Salons, Euvres, Vol. X, pp. 113-175. le moment est venu où ce pinceau destiné à augmenter la majesté de nos temples par des images sublimes et saintes, tombera de vos mains, ou sera prostitué à orner de peintures lascives les panneaux d'un vis-à-vis. Et 5 toi, rival des Praxitèle et des Phidias; toi, dont les anciens auraient employé le ciseau à leur faire des dieux capables d'excuser à nos yeux leur idolâtrie; inimitable Pigal,23 ta main se résoudra à ravaler le ventre d'un magot, ou il faudra qu'elle demeure oisive. IO On ne peut réfléchir sur les mœurs, qu'on ne se plaise à se rappeler l'image de la simplicité des premiers temps. C'est un beau rivage, paré des seules mains de la nature, vers lequel on tourne incessamment les yeux, et dont on se sent éloigner à regret. Quand les 15 hommes innocents et vertueux aimaient à avoir les dieux pour témoins de leurs actions, ils habitaient ensemble sous les mêmes cabanes, mais, bientôt devenus méchants, ils se lassèrent de ces incommodes spectateurs, et les reléguèrent dans des temples magnifiques. 20 Ils les en chassèrent enfin pour s'y établir eux-mêmes, ou du moins les temples des dieux ne se distinguèrent plus des maisons des citoyens. Ce fut alors le comble de la dépravation, et les vices ne furent jamais poussés plus loin que quand on les vit pour ainsi dire soutenus 25 à l'entrée des palais des grands, sur des colonnes de marbre, et gravés sur des chapiteaux corinthiens. Tandis que les commodités de la vie se multiplient, que les arts se perfectionnent, et que le luxe s'étend, le vrai courage s'énerve, les vertus militaires s'éva30 nouissent; et c'est encore l'ouvrage des sciences et de 23 Pigalle, J. B. 1714-1785 eminent French sculptor. la Tosca tiré l'ép espérée musaien ne s'exe effet, d traits, 24 martiale lables, 1 et effér animer. Les éteinte se conn févrerie contrée d'exem et le rét et peut que l'I siècles. Les sagesse 24 Mor tous ces arts qui s'exercent dans l'ombre du cabinet. Quand les Goths ravagèrent la Grèce, toutes les bibliothèques ne furent sauvées du feu que par cette opinion semée par l'un d'entre eux, qu'il fallait laisser aux ennemies des meubles si propres à les détourner de 5 l'exercice militaire, et à les amuser à des occupations oisives et sédentaires. Charles VIII se vit maître de la Toscane et du royaume de Naples sans avoir presque tiré l'épée, et toute sa cour attribua cette facilité inespérée à ce que les princes et la noblesse d'Italie s'a- 10 musaient plus à se rendre ingénieux et savants, qu'ils ne s'exerçaient à devenir vigoureux et guerriers. En effet, dit l'homme de sens qui rapporte ces deux traits, tous les exemples nous apprennent qu'en cette martiale police, et en toutes celles qui lui sont semb- 15 lables, l'étude des sciences est bien plus propre à amollir et efféminer les courages, qu'à les affermir et les animer. 24 Les Romains ont avoué que la vertu militaire s'était éteinte parmi eux à mesure qu'ils avaient commencé se connaître en tableaux, en gravures, en vases d'orfévrerie, et à cultiver les beaux-arts; et comme si cette contrée fameuse était destinée à servir sans cesse d'exemple aux autres peuples, l'élévation des Médicis et le rétablissement des lettres ont fait tomber derechef, 25 et peut-être pour toujours, cette réputation guerrière que l'Italie semblait avoir recouvrée il y a quelques siècles. Les anciennes républiques de la Grèce, avec cette sagesse qui brillait dans la plupart de leurs institutions, 30 24 Montaigne, Essais, Bk. I, Chap. XXIV. avaient interdit à leurs citoyens tous ces métiers tranquilles et sédentaires qui, en affaissant et corrompant le corps, énervent sitôt la vigueur de l'âme. De quel œil, en effet, pense-t-on que puissent envisager la faim, 5 la soif, les fatigues, les dangers et la mort, des hommes que le moindre besoin accable, et que la moindre peine rebute? Avec quelle courage les soldats suppoteront-ils des travaux excessifs dont ils n'ont aucune habitude? Avec quelle ardeur feront-ils des marches 10 forcés sous des officiers qui n'ont pas même la force de voyager à cheval? Qu'on ne m'objecte point la valeur renommée de tous ces modernes guerriers si savamment disciplinés. On me vante bien leur bravoure en un jour de bataille; mais on ne me dit point comment 15 ils supportent l'excès du travail, comment ils résistent à la rigueur des saisons et aux intempéries de l'air. Il ne faut qu'un peu de soleil ou de neige, il ne faut que la privation de quelques superfluités, pour fondre et détruire en peu de jours la meilleure de nos armées. 20 Guerriers intrépides, souffrez une fois la vérité qu'il vous est si rare d'entendre. Vous êtes braves, je le sais; vous eussiez triomphé avec Annibal à Cannes et à Trasymène; César avec vous eût passé le Rubicon et asservi son pays: mais ce n'est point avec vous que le 25 premier eût traversé les Alpes, et que l'autre eût vaincu vos aïeux. Les combats ne font pas toujours le succès de la guerre, et il est pour les généraux un art supérieur à celui de gagner des batailles. Tel court au feu avec intré30 pidité, qui ne laisse pas d'être un très mauvais officier: dans le soldat même, un peu plus de force et de vigueur serait pe qui ne 1 l'État qu ou par 1 Si la guerrière C'est dè sensée o Je vois d l'on élève toutes ch reront le qui ne so des vers voir dém de les re ments s d'équité, sauront pera jam Dieu, ce peur. J lier eût p le corps cuper les le plus a nent? |