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serait peut-être plus nécessaire que tant de bravoure, qui ne le garantit pas de la mort. Et qu'importe à l'État que ses troupes périssent par la fièvre et le froid, ou par le fer de l'ennemi?

Si la culture des sciences est nuisible aux qualités 5 guerrières, elle l'est encore plus aux qualités morales. C'est dès nos premières années qu'une éducation insensée orne notre esprit et corrompt notre jugement. Je vois de toutes parts des établissements immenses, où l'on élève à grands frais la jeunesse pour lui apprendre 10 toutes choses, excepté ses devoirs. Vos enfants ignoreront leur propre langue, mais ils en parleront d'autres qui ne sont en usage nulle part; ils sauront composer des vers qu'à peine ils pourront comprendre; sans savoir démêler l'erreur de la vérité, ils posséderont l'art 15 de les rendre méconnaissables aux autres par des arguments spécieux: mais ces mots de magnanimité, d'équité, de tempérance, d'humanité, de courage, ils ne sauront ce que c'est; ce doux nom de patrie ne frappera jamais leur oreille; et s'ils entendent parler de 20 Dieu, ce sera moins pour le craindre que pour en avoir peur. J'aimerais autant, disait un sage, que mon écolier eût passé le temps dans un jeu de paume, au moins le corps en serait plus dispos. Je sais qu'il faut occuper les enfants, et que l'oisiveté est pour eux le danger 25 le plus à craindre. Que faut-il donc qu'ils apprennent? Voilà certes une belle question? Qu'ils apprennent ce qu'ils doivent faire étant hommes,' et non ce qu'ils doivent oublier.

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Pensées phisophiques. (Cf. supra p. 17, Note.)

Telle était l'éducation des Spartiates, au rapport du plus

Nos jardins sont ornés de statues et nos galeries de tableaux. Que penseriez-vous que représentent ces

grand de leurs rois. "C'est, dit Montaigne, chose digne de trèsgrande considération, qu'en cette excellente police de Lycurgus, et à la vérité monstrueuse par sa perfection si soingneuse pourtant de la nourriture des enfans, comme de sa principale charge, et au giste mesme des muses, il s'y face si peu mention de la doctrine: comme si cette généreuse jeunesse, dédaignant tout aultre joug, on luy ayt deu fournir, au lieu de nos maistres de science, seulement des maistres de vaillance, prudence et justice." Voyons maintenant comment le même auteur parle des anciens Perses: Platon, di-il, raconte "que le fils aisné de leur succession royale estoit ainsi nourry. Aprez sa naissance, on le donnoit, non à des femmes, mais à des eunuches de la premiere auctorité autour des roys à cause de leur vertu. Ceulx-cy prenoient charge de lui rendre le corps beau et sain, et aprez sept ans, le duisoient à monter à cheval et aller à la chasse. Quand il estoit arrivé au quatorsiesme, ils le déposoient entre les mains de quatre: le plus sage, le plus juste, le plus tempérant, le plus vaillant de la nation. Le premier lui apprenoit la religion; le second, à estre tousiours véritable; le tiers, à se rendre maistre des cupiditez; le quart, à ne rien craindre;" tous, ajouterais-je, à le rendre bon, aucun à le rendre savant.

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Astyages, en Xénophon, demande à Cyrus compte de sa "dernière leçon: C'est, dict-il, qu'en nostre eschole un grand garçon ayant un petit saye le donna à l'un de ses compaignons de plus petite taille, et lui osta son saye qui estoit plus grand. "Nostre précepteur m'ayant faict juge de ce différend, je jugeay qu'il falloit laisser les choses en cet estat, et que l'un et l'aultre "sembloit estre mieulx accommodé en ce poinct. Sur quoy il me remontra que j'avois mal faict; car je m'estois arresté à considérer la bienséance, et il falloit premierement avoir pourveu à la justice, qui vouloit que nul ne fust forcé en ce qui luy appartenoit; et dict qu'il en fut foueté, tout ainsi que nous

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sommes en nos villages pour avoir oublié le premier aoriste

de TUTTO. Mon regent me feroit une belle harangue, in genere demonstrativo, avant qu'il me persuadast que son eschole vault cette-là." (Liv. I, chap. xxiv.)

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chefs-d'œuvre de l'art exposés à l'admiration publique? les défenseurs de la patrie? ou ces hommes plus grands encore qui l'ont enrichie par leurs vertus? Non. Ce sont des images de tous les égarements du cœur et de la raison, tirés soigneusement de l'ancienne mytholo- 5 gie, et présentés de bonne heure à la curiosité de nos enfants; sans doute afin qu'ils aient sous leurs yeux des modèles de mauvaises actions, avant même que de savoir lire.

D'où naissent tous ces abus, si ce n'est de l'inégalité 10 funeste introduite entre les hommes par la distinction des talents et par l'avilissement des vertus? Voilà l'effet le plus évident de toutes nos études, et la plus dangereuse de toutes leurs conséquences. On ne demande plus d'un homme s'il a de la probité, mais s'il a 15 des talents; ni d'un livre s'il est utile, mais s'il est bien écrit. Les récompenses sont prodigués au bel esprit, et la vertu reste sans honneurs. Il y a mille prix pour les beaux discours, aucun pour les belles actions. Qu'on me dise cependant si la gloire attachée au meilleur des 20 discours qui seront couronnés dans cette Académie est ans cette Académie est comparable au mérite d'en avoir fondé le

prix.

Le sage ne court point après la fortune; mais il n'est pas insensible à la gloire; et quand il la voit si mal distribuée, sa vertu, qu'un peu d'émulation aurait ani- 25 mée et rendue avantageuse à la société, tombe en langueur, et s'éteint dans la misère et dans l'oubli. Voilà ce qu'à la longue doit produire partout la préférence des talents agréables sur les talents utiles, et ce que l'expérience n'a que trop confirmé depuis le renouvelle- 30 `ment des sciences et des arts. Nous avons des physi

ciens, des géomètres, des chimistes, des astronomes, des poètes, des musiciens, des peintres : nous n'avons plus de citoyens; ou, s'il nous en reste encore, dispersés dans nos campagnes abandonnées, ils y périssent indigents 5 et méprisés. Tel est l'état où sont réduits, tels sont les sentiments qu'obtiennent de nous, ceux qui nous donnent du pain, et qui donnent du lait à nos enfants.

Je l'avoue cependant, le mal n'est pas aussi grand qu'il aurait pu le devenir. La prévoyance éternelle, 10 en plaçant à côté de diverses plantes nuisibles des simples salutaires, et dans la substance de plusieurs animaux malfaisants le remède à leurs blessures, a enseigné aux souverains, qui sont ses ministres, à imiter sa sagesse. C'est à son exemple que du sein 15 même des sciences et des arts, sources de mille déréglements, ce grand monarque,25 dont la gloire ne fera qu'acquérir d'âge en âge un nouvel éclat, tira ces sociétés célèbres chargées à la fois du dangereux dépôt des connaissances humaines et du dépôt sacré des mœurs, 20 par l'attention qu'elles ont d'en maintenir chez elles toute la pureté, et de l'exiger dans les membres qu'elles reçoivent.

Ces sages institutions, affermies par son auguste successeur, et imitées par tous les rois de l'Europe, ser25 viront du moins de frein aux gens de lettres, qui tous, aspirant à l'honneur d'être admis dans les académies, veilleront sur eux-mêmes, et tâcheront de s'en rendre dignes par des ouvrages utiles et des mœurs irréprochables. Celles de ces compagnies qui pour les

25 Louis XIV. The French Academy, founded before his day, acquired privileges, and a residence in the King's Palace in his time.

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prix dont elles honorent le mérite littéraire feront un le mérite choix de sujets propres à ranimer l'amour de la vertu dans les cœurs des citoyens, montreront que cet amour règne parmi elles, et donneront aux peuples ce plaisir si rare et si doux de voir des sociétés savantes se dé5 vouer à verser sur le genre humain non seulement des lumières agréables, mais aussi des instructions salutaires.

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Qu'on ne m'oppose donc point une objection qui n'est pour moi qu'une nouvelle preuve. Tant de soins 10 ne montrent que trop la nécessité de les prendre, et l'on ne cherche point des remèdes à des maux qui n'existent pas. Pourquoi faut-il que ceux-ci portent encore par leur insuffisance le caractère des remèdes ordinaires? Tant d'établissements faits à l'avantage des savants 15 n'en sont que plus capables d'en imposer sur les objets des sciences, et de tourner les esprits à leur culture. Il semble, aux précautions qu'on prend, qu'on ait trop de laboureurs et qu'on craigne de manquer de philosophes. Je ne veux point hasarder ici une comparaison de 20 l'agriculture et de la philosophie: on ne la supporterait pas. Je demanderai seulement: Qu'est-ce que la philosophie? que contiennent les écrits des philosophes les plus connus? quelles sont les leçons de ces amis de la sagesse? A les entendre, ne les prendrait-on pas pour 25 une troupe de charlatans criant chacun de son côté sur une place publique: Venez à moi, c'est moi seul qui ne trompe point? L'un prétend qu'il n'y a point de corps, et que tout est en représentation; l'autre, qu'il n'y a d'autre substance que la matière, ni d'autre dieu que le 30 monde. Celui-ci avance qu'il n'y a ni vertus, ni vices,

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