DISCOURS SUR L'ORIGINE ET LES FONDEMENTS DE L'INÉGALITÉ PARMI LES HOMMES The Discours sur l'Origine de l'inégalité was written for the prize offered by the Academy of Dijon in 1754. Although far abler both in thought and style than the first discourse it failed to win the prize which went to the duller but safer discussion by the Abbé Talbert. Rousseau dedicated it to the Republic of Geneva which he had revisited in 1754 and which had conferred citizenship upon him. The discourse proper begins with a distinction between natural inequality and civil or social inequality which superficial critics have frequently overlooked. Rousseau held that natural inequality was inevitable, indeed, good and necessary; some men having been born stronger and abler than others. In a civilized state he finds that inequality is likewise inevitable because of the necessity of what might today be called the "division of labor," the coördinating and subordinating of functions of what he assumes were once entirely self-sufficient and free individuals. Necessary though this subordination may seem to be in our present state, the tenor of the discourse is such that it implies that the state of nature was preferable and richer in individual happiness and of course in liberty. Rousseau here gives us his most glowing and enthusiastic picture of man in the pre-social state. His test of an acceptable social state would be one in which natural and social inequalities correspond, that is in which the individuals most highly endowed by nature occupy the most important and responsible positions. Such a correspondence he does not find in the Society about him. He then gives us his version of the origin of inequality which he finds in the institution of property. In essence and in effect this Discourse may well be considered the most revolutionary of Rousseau's writings, and Vaughan has said of it: "It was, and still remains, the most complete expression of the craving for a return to simpler and freer conditions, for a renewal of man's communion with God and nature-which was to breathe a new life into the thought, the imagination, the social ideals of the civilised world. In this sense, it stands at the fountain head of the influences which largely went to remould the philosophy, the literature, the practical energies of Europe during the next two generations, and which, even now, have not wholly spent their force."30 The first edition of the Discourse was published in 1755 by Rey at Amsterdam. The best edition for the student is at present to be found in Vol. I of Vaughan's The Political Writings of Jean-Jacques Rousseau, Cambridge University Press, 1915. For the sources of Rousseau's ideas see M. Morel, Sources du Discours sur l'inégalité, in Annales J.-J. Rousseau, Vol. V. (1909). 30 Vol. I, p. 119. INTRODUCTION NATURAL AND UNNATURAL INEQUALITY C'est de l'homme que j'ai à parler; et la question que j'examine m'apprend que je vais parler à des hommes; car on n'en propose point de semblables quand on craint d'honorer la vérité. Je défendrai donc avec confiance la cause de l'humanité devant les sages qui m'y invitent, et je ne serai pas mécontent de moimême si je me rends digne de mon sujet et de mes juges. 5 ΙΟ Je conçois dans l'espèce humaine deux sortes d'inégalités : l'une, que j'appelle naturelle ou physique, parce qu'elle est établie par la nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps et des qualités de l'esprit ou de l'âme; l'autre, qu'on peut 15 appeler inégalité morale ou politique, parce qu'elle dépend d'une sorte de convention, et qu'elle est établie ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci consiste dans les différents privilèges dont quelques-uns jouissent au préjudice des autres, comme 20 d'être plus riches, plus honorés, plus puissants qu'eux, ou même de s'en faire obéir. On ne peut pas demander quelle est la source de l'inégalité naturelle, parce que la réponse se trouverait énoncée dans la simple définition du mot. On peut en- 25 core moins chercher s'il n'y aurait point quelque liaison essentielle entre les deux inégalités, car ce serait demander, en d'autres termes, si ceux qui commandent valent nécessairement mieux que ceux qui obéissent, et si la force du corps ou de l'esprit, la sagesse ou la vertu, 30 5 se trouvent toujours dans les mêmes individus en proportion de la puissance ou de la richesse: question bonne peut-être à agiter entre des hommes raisonnables et libres, qui cherchent la vérité. De quoi s'agit-il donc précisément dans ce Discours? De marquer dans le progrès des choses le moment où, le droit succédant à la violence, la nature fut soumise à la loi; d'expliquer par quel enchaînement de prodiges le fort put se résoudre à servir le faible, et le peuple 10 à acheter un repos en idée au prix d'une félicité réelle. Les philosophes qui ont examiné les fondements de 31 la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu'à l'état de nature,31 mais aucun d'eux n'y est arrivé. Les uns n'ont point balancé à supposer à l'homme dans cet 15 état la notion du juste et de l'injuste, sans se soucier de montrer qu'il dût avoir cette notion, ni même qu'elle lui fût utile. D'autres ont parlé du droit naturel que chacun a de conserver ce qui lui appartient, sans expliquer ce qu'ils entendaient par appartenir. D'autres, 20 donnant d'abord au plus fort l'autorité sur le plus faible, ont aussitôt fait naître le Gouvernement, sans 31 Philosophers, especially political philosophers, of the seventeenth and eighteenth century were in the habit of assuming "the state of nature" and of finding in it the origin of human rights, "natural rights" as they were generally called. (Cf. Natural Rights by David George Ritchie, London, 2nd edition, 1903, pp. 3-77). Descriptions of this state varied from pictures of a golden age or of paradisiac felicity, as in Pope (see note 6, p. 3) to the state of war (what we should today call the unmitigated "struggle for existence") of Hobbes. Though the theory of natural rights is now much less generally accepted it was stoutly defended by Herbert Spencer in Man Versus the State, and in his Ethics. son des par bes ont pri et i dan l'ét la aya pré ajo phi dél pur par em pro ne les suj de pro la les La ay me VO 5 songer au temps qui dut s'écouler avant que le sens des mots d'autorité et de Gouvernement pût exister parmi les hommes. Enfin tous, parlant sans cesse de besoin, d'avidité, d'oppression, de désirs et d'orgueil, ont transporté à l'état de nature des idées qu'ils avaient prises dans la société : ils parlaient de l'homme sauvage, et ils peignaient l'homme civil. Il n'est pas même venu dans l'esprit de la plupart des nôtres de douter que l'état de nature eût existé, tandis qu'il est évident, par la lecture des livres sacrés, que le premier homme, 10 ayant reçu immédiatement de Dieu des lumières et des préceptes, n'était point lui-même dans cet état, et qu'en ajoutant aux écrits de Moïse la foi que leur doit tout philosophe chrétien, il faut nier que, même avant le déluge, les hommes se soient jamais trouvés dans le ans le 15 pur état de nature, à moins qu'ils n'y soient retombés par quelque événement extraordinaire: paradoxe fort embarrassant à défendre, et tout à fait impossible à prouver. Commençons donc par écarter tous les faits, car ils 20 ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels, plus propres à éclaircir la nature des choses qu'à en montrer 25 la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours os physiciens sur la formation du monde. La religion nous ordonne de croire que Dieu lui-même ayant tiré les hommes de l'état de nature immédiatement après la création, ils sont inégaux parce qu'il a 30 voulu qu'ils le fussent; mais elle ne nous défend pas |