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commun, je ne dois rien à ceux à qui je n'ai rien promis; je ne reconnais pour être à autrui que ce qui m'est inutile. Il n'en est pas ainsi dans l'état civil, où tous les droits sont fixés par la loi.

Mais qu'est-ce donc enfin qu'une loi? Tant qu'on 5 se contentera de n'attacher à ce mot que des idées métaphysiques, on continuera de raisonner sans s'entendre; et quand on aura dit ce que c'est qu'une loi de la nature, on n'en saura pas mieux ce que c'est qu'une loi de l'État.

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J'ai déjà dit qu'il n'y avait point de volonté générale sur un objet particulier. En effet, cet objet particulier est dans l'État ou hors de l'État: une volonté qui lui est étrangère n'est point générale par rapport à lui, et si cet objet est dans l'État, il en fait partie; alors il se 15 forme entre le tout et sa partie une relation qui en fait deux êtres séparés, dont la partie est l'un, et le tout moins cette même partie est l'autre. Mais le tout moins une partie n'est point le tout, et tant que ce rapport subsiste, il n'y a plus de tout, mais deux parties iné- 20 gales; d'où il suit que la volonté de l'une n'est point non plus générale par rapport à l'autre.

Mais quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même; et s'il se forme alors un rapport, c'est de l'objet entier sous un point de vue à l'objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors, la matière sur laquelle on sta

8 Rousseau is criticising the metaphysical definition of law given by Montesquieu in the first book of L'Esprit des Lois, where he defines a law as a statement of the relations that exist between things.

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tue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi.

Quand je dis que l'objet des lois est toujours général, j'entends que la Loi considère les sujets en corps et les 5 actions comme abstraites, jamais un homme comme individu, ni une action particulière. Ainsi, la Loi peut bien statuer qu'il y aura des privilèges, mais elle n'en peut donner nommément à personne; la Loi peut faire plusieurs classes de citoyens, assigner même les qualités 10 qui donneront droit à ces classes, mais elle ne peut nommer tels et tels pour y être admis; elle peut établir un Gouvernement royal et une succession héréditaire, mais elle ne peut élire un roi ni nommer une famille royale: en un mot, toute fonction qui se rapporte à un objet 15 individuel n'appartient point à la puissance législative.

Sur cette idée, on voit à l'instant qu'il ne faut plus demander à qui il appartient de faire des lois, puisqu'elles sont des actes de la volonté générale; ni si le prince est au-dessus des lois, puisqu'il est membre de 20 l'État ni si la Loi peut être injuste, puisque nul n'est

injuste envers lui-même; ni comment on est libre et soumis aux lois, puisqu'elles ne sont que des registres de nos volontés.

On voit encore que la Loi réunissant l'universalité 25 de la volonté et celle de l'objet, ce qu'un homme, quel qu'il puisse être, ordonne de son chef n'est point une loi. Ce qu'ordonne même le souverain sur un objet particulier n'est pas non plus une loi, mais un décret; ni un acte de souveraineté, mais de magistrature.

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J'appelle donc République tout État régi par des lois, sous quelque forme d'administration que ce puisse

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être; car alors seulement l'intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose. Tout Gouvernement légitime est républicain. J'expliquerai ci-après

ce que c'est que Gouvernement.

Les lois ne sont proprement que les conditions de 5 l'association civile. Le peuple soumis aux lois en doit être l'auteur: il n'appartient qu'à ceux qui s'associent de régler les conditions de la société; mais comment les régleront-ils? Sera-ce d'un commun accord, par une inspiration subite? Le corps politique a-t-il un organe 10 pour énoncer ses volontés? Qui lui donnera la prévoyance nécessaire pour en former les actes et les publier d'avance ou comment les prononcera-t-il au moment du besoin? Comment une multitude aveugle, qui souvent ne sait ce qu'elle veut, parce qu'elle sait 15 rarement ce qui lui est bon, exécuterait-elle d'ellemême une entreprise aussi grande, aussi difficile, qu'un système de législation? De lui-même, le peuple veut toujours le bien; mais, de lui-même, il ne le voit pas toujours. La volonté générale est toujours droite; 20 mais le jugement qui la guide n'est pas toujours éclairé. Il faut lui faire voir les objets tels qu'ils sont, quelquefois tels qu'ils doivent lui paraître; lui montrer le bon chemin qu'elle cherche, la garantir des séductions des volontés particulières, rapprocher à ses yeux les lieux 25 et les temps, balancer l'attrait des avantages présents

9 Je n'entends pas seulement, par ce mot, une aristocratie ou une démocratie, mais en général tout gouvernement guidé par la volonté générale, qui est la loi. Pour être légitime, il ne faut pas que le gouvernement se confonde avec le souverain, mais qu'il en soit le ministre; alors la monarchie elle-même est république. Ceci s'éclaircira dans le livre suivant.

et sensibles, par le danger des maux éloignés et cachés. Les particuliers voient le bien qu'ils rejettent, le public veut le bien qu'il ne voit pas. Tous ont également besoin de guides; il faut obliger les uns à conformer 5 leurs volontés à leur raison; il faut apprendre à l'autre à connaître ce qu'il veut. Alors, des lumières publiques résulte l'union de l'entendement et de la volonté dans le corps social; de là l'exact concours des parties, et enfin la plus grande force du tout. Voilà d'où naît la 10 nécessité d'un Législateur.

-Livre II, Chap. VI.

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LES CONFESSIONS

The question of the Confessions is bound up with that of Rousseau's quarrel with Diderot, into the details of which it is impossible here to enter. The first suggestion that he write the story of his life undoubtedly came to him from his publisher, Rey, who requested him to prepare a sketch as an introduction to an edition of his works. The plan changed and grew under Rousseau's hand in the years from 1763-1770. Though known to a circle of admirers before his death, Books I-VI were not published until 1781. The remaining sections appeared in 1788.

Their purpose and spirit, as Rousseau saw it, is explained in the introduction printed below. As the autobiographical side of his work is well represented in the Lettres à M. de Malesherbes and the Cinquième Rêverie printed in complete form, we give in addition only the account of his writing of La Nouvelle Héloïse during his retirement at the Ermitage.

INTRODUCTION

Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.

Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les 5 hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux

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