du Palatinat, tout-à-coup punis de mort pour les fautes les plus legeres. Un lieutenant-colonel d'artillerie fut conduit à l'échafaudpar l'ordre seul de St-Just,parce que les travaux du siége de Charleroi n'allaient pas assez vite au gré de l'impétueux proconsul. Un officier autrichien voulant parlementer pour traiter de la reddition de cette place, lui ayant fait demander une demi-heure d'entretien : « Une demiheure, répondit St-Just, est-ce que cet homme veut pacifier l'Europe? » Il refusa les parlementaires que les généraux autrichiens demandaient à envoyer. Le trompette qui se présenta n'eut d'autre réponse que celle ci: «Allez dire à votre général que les républicains ne reçoivent et n'envoient que du plomb. » Ce fut lui qui adressa, à la convention, le rapport sur la victoire de Fleurus, dans laquelle il ́s'était personnellement distingué par son courage et son sang-froid au milieu des dangers. Rentré dans la convention, il y présenta en messidor (juin) un tableau assez curieux des sommes employées pour acheter ’alliance ou la neutralité de quel ques états; la cour de Constantinople seule avait coûté 70 millions en diamans; il était arrivé depuis peu de jours de l'armée, lorsque les symptômes du 9 thermidor commencèrent à se manifester. Frappé de cette situation des esprits, toute nouvelle pour lui, St-Just dont le principe, en révolution, était de frapper fort et vite, conseilla à Robespierre de ne pas perdre un instant pour écraser ses ennemis, et plein d'une confiance que lui avait donnée l'habitude du commandement et des dangers, et le spectacle de la guerre, il lui proposa de diriger le mouvement; Robespierre l'écouta avec attention, mais ne se rendit pas à ses avis. Non moins confiant dans les triomphes de la tribune que dans la multitude dont se composait la force armée de Pavis, dont le chef (Henriot), lui était de voué; sûr de l'appui des jacobins, de celui de la commune et du concours du tribunal et de toutes les autorités révolution naires, il ne s'arrêtait qu'avec effroi à l'idée de faire dépendre sa destinée des chances des combats pour lesquels il reconnaissait toute son incapacité. On a vu ailleurs (article ROBESPIERRE) que ce calcul ne manquait pas de justesse; mais, à tout événement et quelque parti qu'on embrassat, il fallait se hâter, et c'est à quoi Ro bespierre ne put se résoudre, dans l'opinion où il était, qu'ainsi que dans l'affaire de Danton, un rapport fait au nom du comité, qui n'oserait le démentir, livrerait ses ennemis à sa vengeance. St-Just dont l'intimité avec Robespierre était bien connue, et qu'on disait avoir été rappelé par lui, de l'armée, pour l'accomplissement de leurs communs projets, était devenu, ainsi que Couthon, un objet de défiance pour le comité. On ne délibérait plus que hors de sa présence; toute discussion cessait lorsqu'il entrait. Il pénétra clairement dès-lors les desseins de Collot, de Billaud, et des autres décemvirs, et renouvela vainement ses instances auprès de Robespierre; tout cela fut l'affaire de peu de jours. Enfin Robespierre consentit à agir, mais seulement après avoir, une dernière fois, essayé son influence sur l'assemblée. En effet, le 8 thermidor ( 26 juillet 1794), il prit la parole; mais il reconnut dans cette séance quele prestige de son pouvoir était dissipé. La révolution, déjà faite dans les esprits, lui annonça celle qui allait s'operer dans sa fortune. En sortant de cette séance, dans laquelle Bourdon-de-l'Oise, Tallien et quelques autres membres avaient osé s'élever de nouveau contre lui, St-Just le conjura, avec de plus fortes instances, de ne pas perdre un seul instant et de s'assurer de ses ennemis durant la nuit même; mais Robespierre voulut encore remettre à 24 heures l'exécution du plan que proposait St Just, et le chargea de préparer le lendemain l'esprit de la convention, par un discours qui n'aurait point été communiqué au comité de salut public. Dans la nuit précédente, à la suite d'une discussion orageuse, St-Just était sorti du comité, laissant pour adieux à ses collègues, ces menaçantes paroles : « Vous avez flétri mon cœur, je vais l'ouvrir à la convention. » Cette déclaration de guerre avait été entendue ; aussi, lorsque le lendemain, 9 thermidor, dès l'ouverture de la séance, St-Just se fut présenté à la tribune, et eut fait entendre ces paroles: « Je ne suis d'aucune faction, je les combattrai toutes, et dût cette tribune devenir pour moi la roche Tarpéïenne,je nedirai pas moinsmon opinion, » un mouvement général se manifesta dans la convention, et Tallien interrompit l'orateur avec violence. Ne pouvant reprendre la parole, St-Just, pâle, mais portant sur sa physionomie toutes les apparences de la tranquillité, ne descendit point de la tribune, et semblait attendre la fin de cet orage. Cependant les dangers dont il était menacé croissaientde moment en moment, et il était aisé d'apercevoir qu'il était enveloppé dans la proscription de Robespierre. Immobile et silencieux, il parais sait avoir oublié qu'il était un des principaux acteurs de cette terrible scène. Enfin le décret d'accusation fut demandé contre lui, et rendu à l'unanimité. Descendu à la barre, il fut conduit, bientôt après, avec Robespierre, à la prison du Luxembourg, et délivré de la même manière. Entraîné, avec lui, à l'hôtel-deville, il proposa de nouveau de marcher à l'instant sur la convention, et le triomphe était certain; mais dans l'affreux desordre qui régnait alors; et le chef de la force armée, étant dans un état d'ivresse qui ne lui permettait ni d'entendre, ni de penser, ni d'agir, un temps précieux fut perdu, pendant lequel les troupes de la convention, promptement organisées, arrivérent à l'hôtel-de-ville. Mis hors la loi avec ses complices et arrêté avec eux, St-Just ne chercha point, à leur exemple, à attenter à ses jours, et fut conduit à la conciergerie. Traduit quelques heures après au tribunal révolution naire, pour y voir constater l'identité de sa personne,il fut envoyé à l'échafaud, le mê me soir,othermidor (28 juillet 1794),avec Robespierre, Couthon, Henriot, etc. Il était alors âgé de 26 ans et 6 mois. Il marcha à la mort avec calme et sang-froid, sans que les vociferations des spectateurs pussent l'émouvoir un seul instant. Il promenait tranquillement ses regards sur la foule et paraissait entièrement insensible à son sort. Un des traits qui peint le mieux peut-être son caractère tranchant et destructeur, est un arrêté par lequel il ordonna de raser la maison de quiconque serait convaincu d'agiotage. En 1801, i a paru un ouvrage posthume contenant ses travaux sur les institutions : et cet écrit incomplet, mais plein de recherches profondes, est propre à donner une idée de son génie et de son caractère. Il y avait dans la physionomie, la taille, les habitudes, et jusque dans la manière de se coeffer de St-Just, de singuliers rapports avec Napoléon. Les cheveux plats, poudrés et coupés en oreilles de chien, du général Bonaparte, commençant en 1795 son immense carrière; sa redingotte bleuci le ton de sa voix ; ses formes tranchantes et décidées; sa manière de s'exprimer par apophtegmes; rappelaient à un point extraordinaire à quiconque les avait connus tous deux, le décemvir de 1793 - 94. Lorsqu'à la fin de 1795, un an seulement après la mort de St-Just et quand ses traits étaient présens à tous les souvenirs, on voyait le général Bonaparte paraître dans la convention avec le costume que nous venons de dépeindre, il était impossible de n'être pas frappe de cette ressemblance. SAINT-LAMBERT (CHARLES-FRANÇOIS DE) membre de l'académie française et ensuite de l'institut national, né à Nancy en 1717, fut attaché jeune encore à la cour du roi de Pologne, Stanislas, et s'y lia de la plus étroite amitié avec Voltaire et madame du Chatelet. Il eut avec cette dernière des liaisons assez intimes pour exciter la jalousie de son rival; on dit même que les suites de cette intimité coûterent la vie à la marquise. Le même sentiment l'attacha plus tard à la comtesse d'Houdetot, qui lui resta constamment fidèle, et que l'éloquence passionnée de Rousseau, dont elle était adorée, comme on le voit dans ses Confessions, ne put qu'émouvoir sans la séduire. Doué d'un caractère noble et d'un esprit aussi juste qu'étendu, St-Lambert jouissait d'une considération méritée, que de grands suc cès littéraires ne tardèrent pas à changer en célébrité. Il publia successivement les Fetes de l'Amour, comédie-ballet.-Essai sur le luxe, 1764.-Les Quatre parties du jour, poeme; et enfin le poëme des Saisons, qui a paru en 1769, et a le plus contribué à sa réputation. Par la profondeur de la pensée, la verité des tableaux, l'élégance, la pompe et l'harmonie de la versification, cet ouvrage s'élève à une grande hauteur au-dessus de la foule des poemes descriptifs modernes. Les Jardins de Delille parurent, à cette epoque, le seul ouvrage de ce genre que l'on pût comparer aux Saisons, quoique par des qualités d'une nature diffé– rente. On a reproché au poeme de StLambert de la froideur, de la monotonie dans les épisodes, et un défaut d'ensemble; mais ces taches disparaissent au milieu d'une foule de beautés, qui font, poète français, le digne rival de Thomp son, au-dessus duquel on assure même du qu'il était placé par Voltaire. St-Lambert a publié encore des contes en prose, intitulés Ziméo, l'Abénaki, Sara; ils respirent une sensibilité profonde, guidée par la plus haute philosophie, et le premier contient la peinture aussi fidèle qu'animée des souffrances des nègres dans les colonies, et des terribles représailles auxquelles les porte parfois le désespoir.— Fables orientales, 1772; c'est un extrait de ce qui se trouve de plus agréable dans la bibliothèque d'Herbelot. Principes des mœurs chez toutes les nations, Catéchisme universel.- Un grand nombre de pièces fugitives dans l'Almanach des Muses et dans les journaux; la dernière, qui a pour titre : les Consolations de la Vieillesse, est encore pleine d'images gracieuses, et fait oublier le grand âge de l'auteur, qui est mort à Paris, le 1 février 1803, âgé de 85 ans, après avoir été rappelé dans le sein de la nouvelle academie française, où M. Suard a prononce son éloge. ou SAINT-MARSAN (Le marquis DE), né à Turin, d'une famille très-distinguée, fut d'abord attaché à la carrière diplomatique, et devint ensuite ministre de la guerre du roi de Sardaigne, quil'employa, en 1796, 1797 et dans les commencemens de 1802, dans plusieurs négociations avec Bonaparte, successivement général et premier consul. Après la réunion du Piémont à la république ( 24 fructidor an 10; 11 septembre 1802), Bonaparte attacha M. de St-Marsan à la partie politique de son service, et le nomma conseiller d'état, puis ambassadeur à Berlin. Il était encore dans cette résidence en 1813, lors de la défection du corps prussien com mande par le général Yorck. M. de St.Marsan instruisit l'empereur de cet événement, par une lettre datée du 1er janvier. Les progrès des armées alliées l'ayant obligé de quitter la Prusse, il revint à Paris, et fut nommé, à la fin de 1813, sénateur et membre de la commission des cinq. A la restauration, M. de St.-Marsan fut nommé par les alliés président du conseil de régence établi à Turin, en attendant le retour du roi de Sardaigne, dans ses états. Cette faveur des alliés, eelle dont M. de St.-Marsan avait constamment joui auprès du roi de Prusse, ont fait penser à beaucoup de gens que ee ministre avait montré, pendant les cireonstances difficiles de sa mission, beau coup plus d'habileté que de franchise; et l'accueil qu'il a reçu depuis, de son ancien souverain, n'a pas peu contribué à fortifier cette opinion. En effet, à peine replacé sur le trône, Victor-Emmanuel l'a nommé ministre de la guerre, et envoyé au congrès de Vienne, pour réclamer les portions de la Savoie qui en avaient été distraites par le traité de Paris, du 30 mai 1814. Cette mission remplie, et le congrès de Vienne dissous, le,marquis de St.-Marsan a été rappelé à Turin, où il a été chargé du porte-feuille du dé partement des affaires étrangères, en remplacement du comte de Valaise, que son dévouement à la cause du roi avait porté à refuser autrefois toute espèce de fonctions sous le gouvernement impérial. M. de St.-Marsan est frère de la marquise Del Borgo, l'une des femmes les plus agréables et les plus spirituelles de la cour de Turin. une SAINT-MARTIN DE LAMOTTE (Le comte FÉLIX DE ), né à Turin, d'une des premières familles du Piémont, et appelé par sa naissance aux emplois les plus eleves, fit paraître des ses premières années un esprit très-philosophique. Il se fit recevoir docteur en droit et membre du college de droit à l'université de Turin, où il devint membre de l'académie des sciences. Il s'y occupa beaucoup de littérature et de botanique, et fit insérer dans la Bibliotheca oltramontana ( tom. XII, pag. 260), des Observazioni botaniche, où il relevait quelques inexactitudes de la topographie médicale de Chambéri. Le docteur Daquin, auteur de cet ouvrage, y répondit par une Defense de la Topographie médicale, et par Réponse à la lettre du comte Félix de St.Martin, Chambéri, 1788, in-S. Ami d'une liberté sage et constitutionelle, le comte de St.-Martin crut l'avoir trouvée dans le systême français, dont, néanmoins, il ne se dissimulait pas les vices, et il prêta son appui à la révolution qui s'opera dans son pays, en l'an 7 (1799). Il fut, à cette époque, nommé membre du gouvernement provisoire, et fit, en 1800 et 1801, partie du corps municipal de Turin. Enfructidor an io (septembre 1802), le premier consul le nomma préfet du département de la Sésia, où sa personne et son administration ont laissé d'honorables souvenirs et de vifs regrets. Appelé peu de temps après au sénat, le comte de Saint |