pour combattre ces princes imprudens, qui, entraînés, depuis une année, par les mêmes conseils qui ont repris sur eux, en 1820, l'ascendant funeste qui les perdit alors, alarmaient toutes les classes de citoyens sur leur sûreté personnelle,la conservation de leurs propriétés,et le maintien de tous les droits que leur avait acquis la révolution: droits qui, suspendus pendant dix ans par le despotisme imperial, leur en étaient devenus plus chers, et leur avaient été rendus un moment en 1814, par les événemens qui avaient fait descendre Napoleon du trône. De retour à Paris, lorsque le midi de la France eut été pacifié, le comte Thibaudeau fut nommé, le 2 juin, membre de la chambre des pairs. Soit que la manière de juger les événemens eût changé avec eux, ou soit qu'il eût enfin compris ce qu'il avait à attendre de la faction ingrate qu'il avait si complaisamment servie pendant les sessions législatives de 1795, 96 et 97, il développa, dans la courte session de la chambre des pairs, le caractere le plus courageux et le plus honorable, et s'y prononça avec force, contre le retablissement sur le trône, d'une famille dont la faiblesse, les fausses idées, et l'asservissement à des alentours, non moins ignorans que perfides, avaient causé deux fois les malheurs de la France, et lui presageaient, dès-lors, le funeste avenir qui se réalise aujourd'hui (mai 1820). Voici en quels termes s'exprimait le comte Thibaudeau, dans la séance du 29 juin 1815, et lorsque les alliés étaient déjà sous les murs de Paris; si la politique crut ne devoir, alors, remplir aucun des engagemens solennels pris par elle, on confessera du moins qu'il eût été impossible à la bonne foi, de rien répondre aux argumens de l'orateur français; tous les documens diplomatiques existent; toutes les déclarations, toutes les promesses, tous les actes des souverains alliés sont là; ils sont soumis au jugement irrécusable de l'histoire et de la postérité, qui prononceront, en dernier ressort, entre les opprimés et les oppresseurs. « Pour quoi, s'écria Thibaudeau », pourquoi les puissances alliées sont-elles réunies contre la France? pourquoi cette coalition attaque-t-elle aujourd'hui la capitale? pour un homme. Eh bien! cet homme s'est sacrifié si la coalition est désintéressée, que veut-on maintenant? On veut nous imposer un gouvernement réprouvé, je ne dis pas par nos intérêts, mais par le vœu national. Par qui sommes-nous envoyés? Par une constitution qui a dit qu'elle rejetait les Bourbons. Si ce sont les Bourbons qu'on veut nous imposer, je déclare que jamais je ne consentirai à les reconnaître. Je le dis à la face de l'ennemi qui assiége la capitale, je le dirais à la face des Bourbons eux-mêmes. >> On sait, qu'à défaut de raisons, la coalition répon dit à ce discours par ses baionnettes. Quatre jours après (2 juillet), le comte Thibaudeau fit, aux pairs, le rapport de la proclamation que la chambre des représentans avait rédigée pour le peuple fran'çais. Cette pièce, justement considérée par tout Français ami de l'indépendance et de l'honneur de sa patrie, comme un monument de fidélité, de grandeur, de courage, dans lequel les éternels droits des peuples et ceux de la nation française en particulier, sont à jamais consacrés, et qui suffirait seule pour immortaliser l'assemblée qui l'a conçue, éprouva, dans la chambre des pairs, une assez vive opposition, de la part de ces hommes chancelans et timides, pour qui l'honneur national n'est pas le premier des biens, et dont la conscience est soumise à tous les genres de considérations. Elle passa, néanmoins, et ce noble testament politique n'est peut-être pas perdu pour toujours. Compris dans l'ordonnance de proscription du 26 juillet 1815, le comte Thibaudeau a quitté la France avec son fils, et tous deux, après avoir long-temps parcouru la Suisse et l'Allemagne et avoir subi plusieurs arrestations, ont obtenu du gou. vernement autrichien, la permission de fixer leur séjour à Prague, où ils paraissent livrés à des entreprises commerciales. Le comte Thibaudeau a publié les ouvrages suivans: Histoire du terrorisme dans le département de la Vienne, 1795. Recueil des actes héroïques et civiques des républicains français, et un grand nombre de Discours et de rapports aux différentes assemblées législatives, qui ont été imprimés dans le Moniteur. THIELMANN (Le baron J.-A. FRÉDERIC DE), né en Saxe, où il reçut une éducation toute militaire, entra de bonne heure au service, et se distingua bientôt par son courage ainsi que par son intelligence, dans la guerre où la Saxe se trouva entraînée par ses deux alliances successives, d'abord avec la Prusse, puis avec en la France, et parvint, de grade en grade, jusqu'à celui de lieutenant-general. Au commencement de 1810, il était commandant de Dresde; et lorsqu'il rejoignit l'armée française, à laquelle un corps saxon s'était joint pour l'expédition de Russie, il fut cité avec éloge dans les bulletins impériaux, pour l'audace et l'habileté de ses opérations. Lors de la désastreuse retraite de Moscou, il reçut de son souverain le commandement de la place de Torgau, qu'il fut obligé de remettre fevrier 1813, soit au général Reynier, soit au commandant qu'il désignerait. Mais persuadé qu'il était de l'intérêt de sa patrie que cette place fût conservée au roi son maître sans influence étrangère, le général Thielmann prit sur lui d'en éloigner les troupes françaises, et de n'accorder le passage à aucun corps : il refusa même d'obeir aux ordres du maré chal Davoust et du vice-roi d'Italie. Cette conduite reçut néanmoins l'approbation du roi de Saxe, et c'est par là que se ter minèrent les relations de Torgau avec les troupes françaises,qui quitterent peu après les bords de l'Elbe. Il s'établit alors des rapports entre les Saxons et l'armée russe et prussienne qui venait d'arriver; mais le général Thielmann, quoique prévoyant alors que la Saxe ne tarderait pas à suivre le mouvement général de l'Allemagne, en se détachant de la cause de Napoléon, crut pourtant devoir rejeter toutes les propositions des puissances alliées, tant qu'elles n'avaient pas l'assentiment de son souverain. Il ne tarda pas en effet à apprendre officiellement qu'une con vention avait été conclue entre l'Autriche et la Saxe, et il lui fut ordonné de se conformer à cette alliance. Enfin le roi, par une nouvelle dépêche, en date du 5 mai, lui recommanda de ne point ouvrir Torgau aux troupes françaises, dans le, cas où les événemens de la guerre les rameneraient sur l'Elbe. Le général Thiel mann s'occupait déjà des moyens nécessaires pour assurer l'exécution de cet ordre qui, d'ailleurs, s'accordait entièrement avec ses opinions et ses sentimens personnels, lorsqu'un membre de la commission immédiate vint, au nom de Napoléon, requérir la remise de Torgau aux troupes françaises; et qu'arriva l'ordre du roi de les recevoir dans la place, et de réunir les troupes saxonnes au septième corps d'armée, commandé par le gé néral Reynier. Cet ordre ne laissa plus au général Thielmann aucun prétexte de refus, d'autant plus que dès ce moment la garnison, travaillée par des émissaires envoyés de Dresde, commença à ne plus reconnaître les ordres de son chef, quicrut n'avoir alors d'autre parti à prendre que de rappeler ses services au roi et de passer à l'ennemi. Il fut accueilli avec bienveillance par l'empereur de Russie, et combattit dès cet instant pour la coalition. Le 18 septembre il attaqua Mersebourg qui se rendit par capitulation, après une vive resistance; enleva le lendemain deux cents chariots chargés d'effets pour la cavalerie; concourut le 29 au succès du combat d'Altenbourg où l'hetman Platow commandait les Russes; fut chargé, dans les premiers jours d'octobre, de concert avec le prince Maurice de Lichtenstein, d'arrêter la marche du général Augereau sur Leipzig; attaqua,le10,la cavalerie française près de Naubourg et donna, dans cette occasion, de nouvelles preuves de talent et de courage. Entré dans les Pays-Bas à la tête d'un corps prussien, il continua de se signaler par sa bravoure et son activité dans la poursuite de l'ennemi. En 1815, il fut chargé de commander le troisieme corps d'armée prussienne, à la tête duquel il soutint le combat de Wavre contre le maréchal Grouchy, et prit ses cantonnemens dans le département de Maineet-Loire, après la capitulation de Paris. De retour en Prusse, il a constamment paru y jouir de la confiance du roi. On reconnaît généralement à cet officier de grands talens et une brillante intrépidité, qui le rend surtout redoutable comme partisan; mais on lui reproche des habitudes de despotisme militaire, qui deviennent, tous les jours, plus étrangeres aux idées du siècle, et qui, en 1818, lui ont attiré un procès de la part d'un ecclésiastique, lequel se plaignait que cet officier eût fait troubler le service divin." THIENNES-DE-LOMBIZE (Le comte DE), né dans le Hainaut brabançon, d'une famille distinguée, était député de cette province aux états, lorsqu'il se montra partisan de la révolution quiéclata en Belgique dans l'année 1789. Il y joua neanmoins un rôle secondaire; devint ensuite membre du conseil-général du département de Jemmapes, sous le gouvernement impérial français ; et se mit en avant avec beaucoup de vivacité, après l'arrivée des alliés dans son pays en 1813 et 1814, pour obtenir de l'emploi dans le nouvel ordre de choses. Nommé d'abord ministre de la justice par le gouvernement provisoire, il fut aussi chargé, par le roi des Pays-Bas, du portefeuille de la police générale avec le rang de ministre d'état, et en cette qualité, il déploya une extrême rigueur contre les réfugiés français, particulièrement contre ceux que concernait la trop fameuse ordonnance du 24 juillet, et qui étaient alors, de la part du comité européen, l'objet d'une persécution aussi cruelle qu'inutile. Il présida depuis la première chambre des états-généraux; fut décoré de la grande croix de l'ordre du lion belgique, et quitta le ministère en 1818, lorsque de sages réflexions eurent amené la suppression de cette haute police, institution pernicieuse presque partout, et plus inutile que partout ailleurs dans la Belgique, surtout dans les circonstances où le gouvernement se trouvait alors placé. THIESSÉ, était, à l'époque de la révolution, l'un des avocats les plus distingués du barreau de Rouen. Il embrassa, avec courage, bonne foi, et désintéressement, la cause de la liberté ; fut nommé en 1791, accusateur public près le tribunal criminel de la Seine-Inférieure ; et remplit ces fonctions, pendant plusieurs années, avec autant de talent que d'intégrité. Il cessa de les exercer sous la terreur ; dans les temps qui la suivirent; et pendant presque toute la durée du gouvernement directorial. Élu, en mars 1798, membre du conseil des cinq-cents, par le département de la Seine-Inférieure, M. Thiessé s'y montra constamment ami de l'ordre et de la liberté. Devenu membre du tribunat, il y suivit la même conduite, et mérita, par l'indépendance et la fermeté de ses opinions, l'honneur d'ètre compris, le 16 ventôse an 10 (7 mars 1802), dans l'élimination du cinquième des membres du tribunat, qui devait être opérée par le sort, mais qui le fut, en effet, par le gouvernement. Depuis cette honorable disgrace, M. Thiessé a vécu dans la retraite où l'ont accompagné les vœux et les regrets des amis de la liberté, cheri de sa famille, et partageant son temps entre le séjour de Rouen, et celui de Forges-les-Eaux, où il est propriétaire d'une jolie maison de campagne. les THIESSÉ (LÉON), fils du précédent ; jeune homme rempli de talent et de courage, et qui, depuis le rétablissement des Bourbons sur le trône de France, a pris une place honorable parmi les géné reux défenseurs de la cause nationale attaquée de toutes parts par la faction qui, après avoir associé pendant trente ans ses intérêts à ceux des Bourbons, sacrifie aujourd'hui à la soif du pouvoir et de la vengeance dont elle est dévorée, et creuse sous leurs pieds un abîme ou, tót ou tard, elle s'engloutira avec eux. Déjà victime de son intrépide persévérance à défendre les doctrines nationales, rien n'a pu ébranler le courage de M. Léon Thiessé. Si la patrie lui a justement assigné une place parmi ceux de ses enfans dont les services lui sont le plus utiles, la littérature le compte au rang des écrivains dont elle s'honore. On a de lui: les Catacombes de Paris, poëme en un chant, 1815. Zuleika et Sélim ou la Vierge d'Abydos, poëme traduit de l'anglais, de lord Byron, et suivi de notes; augmenté du Fare thee Well, et autres morceaux du même auteur avec figures, 1816. M. Leon Thiessé est le principal rédacteur des Lettres normandes. et collaborateur du Manuel des braves, dont il a paru 4 vol. in-12. THISTLEWOOD (Arthur), fils d'un fermier estimé, établi à Tupholme, village situé à quelques milles de Lincoln + en Angleterre, était destiné par son père à la profession de régisseur; mais le penchant qu'il manifesta, dès sa jeunesse pour une vie oisive et dissipée, s'opposa àl'accomplissement de ce projet. Lorsqu'à l'occasion des dernières guerres soutenues par la Grande-Bretagne, il fut levé des milices supplémentaires, Thistlewood obtint, par le crédit de sa famille, une commission de lieutenant dans le troisième régiment de la milice du Lincolnshire. Ce poste honorable, joint à ses avantages extérieurs, l'ayant fait admettre dans une société relevée, il attira l'attention de mistriss Vorsley, dame d'une bonne famille, qui lui apporta un capital d'environ 10,000 liv. st. (250,000 fr.) Durant la vie de sa femme, il vécut trèshonorablement à Beantry, dans le Yorkshire; mais l'ayant perdue au bout de 18 mois, il retourna à Lincoln, où bientôt il changea de conduite; et ayant perdu des sommes considérables dans des paris aux courses du Lincolnshire, il fut obligé de quitter son domicile et de se retirer à Londres. Il habita long-temps cette capitale, dont il s'absenta néanmoins à diverses reprises pour des voyages en France et en Amérique, qui ne parurent pas avoir eu pour résultat d'augmenter sa fortune; mais il retrouva quelqu'aisance par un second mariage. Néanmoins, il paraît que les incidens qui avaient eu lieu dans les dernières années, l'avaient rendu étranger aux habitudes paisibles d'une vie régulière, et qu'il était devenu joueur de profession: c'est du moins ce qu'ont assuré quelques journaux. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il forma des liaisons intimes avec des individus qui manifestaient l'esprit le plus hostile contre le gouvernement, et lors des troubles de Spa Fields, il fut arrêté comme ayant été dans cette circonstance l'un des principaux complices de Watson (voy. ce nom.) Détenu pendant quelque temps, et enfin relâché parce qu'il ne se trouvait point de preuves suflisantes à sa charge, il se plaignit avec beaucoup d'amertume des mauvais traitemens dont il prétendait avoir été l'objet pendant la durée de sa détention, et les attribuant à lord Sidmouth, il en demanda satisfaction à ce ministre, dans un cartel par lequel il lui laissait le choix du lieu et des armes. Ce défi, qui, comme on le pense bien, ne fut point accepté, donna lieu à de nouvelles poursuites contre son auteur, qui ne les arrêta qu'en s'engageant à ne point attenter à la sûreté de lord Sidmouth (to keep peace.) Il demeura, depuis ce temps, dans une inaction apparente, qui, toutefois, ne détourna point de lui, suivant ce qu'on a lieu de présumer, la vigilance du ministère, lequel, ayant acquis la certitude qu'il ne cessaitd'avoirdes conférencesmystérieuses avec d'autres individus suspects, surveillait exactement toutes ses démarches. Le 22 février 1820,les agens de la po lice, informés qu'une réunion de conspirateurs devait avoir lieu le lendemain, dans une espèce de masure de la rue dite Cato-Street, s'y portèrent vers neuf heures du soir, soutenus d'un détachement des gardes à pied; et s'étant assurés de la personne d'un des conjurés, placé en védette au bas de l'escalier, ils parvin rent dans la pièce où se trouvaient rassemblés les autres, qui,avertis par le bruit, s'étaient hâtés de se mettre en défense. Il s'engagea sur-le-champ un combat court, mais anime. Thistlewood, armé d'un long sabre, s'élança sur un constable qui voulait le saisir, et qu'il frappa d'un coup mortel. Néanmoins, voyant l'inutilité d'une lutte plus prolongée, il s'évada par une fenêtre de derrière avec quelquesuns de ses compagnons. Les recherches de la police furent si actives, que le lendemain même, il fut arrêté à dix heures du matin dans une petite maison où il s'était réfugié. Les officiers de justice l'ayant trouvé au lit, s'emparerent de lui sans qu'il opposât la moindre résistance. Conduit à la Tour avec ceux de ses complices dont on avait pu se saisir, il y fut sévèrement gardé pendant que le gouvernement faisait instruire la procédure. Il résulta des enquêtes faites à ce sujet, que le projet des conspirateurs avait été de se présenter chez lord Harrowby, où tous les ministres du cabinet devaient se trouver réunis à dîner, et de les assassiner, après avoir eu la précaution de jeter dans divers endroits de l'hôtel des grenades chargées, afin que la confusion causée par l'explosion de ces projectiles empêchât les domestiques de secourir leurs maîtres. On ajouta qu'ils devaient ensuite se répandre dans les rues, appelerle peuple à la révolte, et organiser un gouvernement provisoire. Ces diverses accusations ne trouvèrent pas une entière croyan ce chez beaucoup de personnes, qui en comparant le petit nombre des conjurés. leur peu d'importance personnelle (la plupart d'entre eux appartenaient à la classe ouvrière), et l'indigence de leurs ressources, avec l'immensité du plan qu'on leur attribuait, crurent ne voir dans cette affaire qu'un de ces odieux mystères, une de ces conspirations supposées dont des exemples malheureusement trop fréquens de nos jours, font naître assez naturellement le soupçon. Toutefois, la résistance opposée par les prévenus aux agens de l'autorite légale, et l'effusion de sang qui en avait été la suite, constituaient des délits positifs qui suffisaient pour les exposer à la vindicte des lois; et ce fait cons taté, ils furent extraits de la prison de Newgate, où ils avaient été transférés depuis quelques jours, et traduits en jugement. La procédure ne fut pas de longue durée; le 28 avril Thistlewood, Ings, Davisdon, Tidd et Brunt furent condamnés à mort, comme coupables de meurtre et de haute - trahison. Six de leurs complices furent, par le même arrêt, condamnés à une déportation perpétuelle. L'exécution des premiers eut lieu le 1er mai; ils moururent avec fermeté, en présence d'un peuple immense, qui sembla prendre un vifintérêt à leur sort,et qui manifesta surtout une horreur profon-. de, lorsqu'aux termes de l'arrêt, leurs têtes furent séparées de leurs corps déjà privés de vie, pour être exposées aux regards de la multitude. Depuis, cet intérêt s'est étendu plus loin, par suite de circonstances récentes qui ne permettent pas de douter qu'un nommé Edward n'ait joué auprès de ces malheureux l'exécrable role d'agent provocateur (voy. WOOD.) THOURET (JACQUES GUILLAUME), né en 1746, à Pont-l'Evêque, en Normandie, était fils d'un notaire estimé de cette ville. Il fit de très-bonnes études à l'uni versité de Caen, et fut reçu, à l'age de 19 ans, avocat au parlement de Rouen, où les premières causes qu'il défendit fixerent sur lui l'attention générale. Il accrut ainsi, d'année en année, la réputation qu'il s'était acquise par une prodigieuse aptitude au travail, un esprit droit et éclairé, une discussion facile, et une éloquence persuasive. Ces brillantes qualités de l'esprit étaient relevées en lui par les qualités solides de l'ame. La conviction de la justice d'une cause était presque toujours l'unique motif qui le portait à se charger de la défendre. Son désintéressement était extrême, et peu de ses confrères ont mieux connu, mieux pratiqué que lui les maximes sévères qui font de la profession du barreau la plus noble des professions. Nommé, en 1787, procureur-syndic du tiers-état à l'assemblée provinciale, le compte qu'il rendit de ses opérations causa une satisfaction tellement générale, qu'en avril 1789, le choix unanime des habitans de Rouen l'appela aux états-généraux, comme premier député de leur ville. Dès les premières séances de cette assemblée, il présenta des observations conciliatrices pour la réunion des ordres. Le 31 octobre 1789, il proposa de mettre les biens du clergé à la disposition de la nation. Elu président le 12 novembre, les murmures d'improbation qui s'élevèrent plusieurs fois dans le cours des discussions, et qu'il ne put réprimer, le décidèrent donner sa démission. Nommé membre du comité de constitution, il devint l'un des à rapporteurs les plus habituels de ce comité. A la même époque, il insista sur la nécessité d'une nouvelle division de la France, et s'exprima avec force sur le danger politique de la conservation des parlemens, et leur incohérence avec un systême constitutionnel. Réélu président une seconde fois, l'assemblée lui vota des remercimens lorsqu'il quitta le fauteuil ; démarche inusitée, mais par laquelle elle jugea convenable de ledédommager desdésagrémens qu'il avait éprouvés dans sa premièreprésidence.Leier décembre, il fit lecture de soixante articles sur l'organisation municipale. Dans lespremiers mois de 1790, il présenta un premier rapport sur l'ordre judiciaire; provoqua la suppression à perpétuité des ordres religieux; prétendit qu'on ne pouvait, en matière civile que préparer l'établissement des jurys; et combattit le systême de Sieyes, relatif à leur formation. Le 10 mai de la même année, il fut porté, pour la troisième fois, au fauteuil de la présidence, et pendant le reste de cette année, il s'occupa presqu'uniquement de tout ce qui intéressait l'organisation de l'ordre judiciaire ; il s'éleva surtout contre l'admission de la preuve écrite dans l'institution du jury, lorsque cette importante question fut mise en délibération dans la séance du 5 janvier 1791. Le 21 mars de cette année, il fit, sur la régence, un rapport dont les conclusions furent adoptées, et dans lequel ce droit était assuré au plus proche parent du roi, à l'exclusion des femmes. La discussion ayant été reprise en mai et juin 1791, sur un projet relatif à la résidence de la dynastie régnante et à l'abdication du roi dans le cas où il viendrait à sortir du royaume, projet qui avait été présenté le 25 février précédent, Thouret justifia avec force ces dispositions; accusa les opposans de méditer le renversement de la constitution; et proposa, dans la dernière supposition admise par le projet, de convoquer une Convention nationale. L'extrême justesse d'esprit de Thouret ne lui permit pas de se faire illusion sur les inconvéniens qui résulteraient d'une mesure législative qui déclarerait non éligibles à la prochaine assemblée, les membres de l'assemblée constituante; il sentit d'ailleurs qu'il n'appartenait pas aux représentans de la nation de restreindre son choix dans l'élection de ses députés et de ses magistrats; il |