LES REGLES ET FRECEPTES, etc. empesché de cognoistre la vertu, et d'en user, tant en lettres comme ès actions de la vie humaine 1. I Tout ce traité sur la santé se réduit donc à ces trois grands principes: User d'un régime modéré, s'abstenir de remèdes et tempérer ses passions. « Vous ne sauriez avoir trop d'attention « pour le régime; trop de précaution contre les remèdes, dit « S. Evremond. Le régime entretient la santé et les plaisirs : « les remèdes sont des maux présens, dans une vue assez in« certaine du bien à venir ». T. IV, p. 76. « La sagesse hu« maine où la route du vrai bonheur, suivant la remarque judi<< cieuse de J. J. Rousseau, consiste à diminuer l'excès de ses «desirs sur ses facultés, et à mettre en égalité parfaite la << puissance et la volonté.... Plus l'homme est resté près de sa «< condition naturelle, plus la différence de ses facultés à ses » desirs est petite, et moins il est éloigné d'être heureux ». Cité par M. l'abbé de Gourcy, dans son Essai sur le bonheur, p. 63. SOMMAIRE SOMMAIRE DU TRAITÉ DE LA FORTUNE DES ROMAINS. Rivalité de la vertu et de la fortune. II. Semblables dans leurs effets. III. Ont concouru à la fondation de l'empire Romain. IV. Manière dont cet empire s'est formé. V. Portrait de la vertu, ses héros. VI. Portrait de la fortune, son inconstance. VII. Ses favoris. VIII. Les temples de la fortune plus anciens que ceux de la vertu. IX. Divers temples de la fortune. X. Fortune de JulesCésar. XI. Fortune d'Auguste. XII. Fortune de Rome dans la naissance de ses fondateurs. XIII. Dans leur nourriture. XIV. Dans leur éducation. XV. Dans leur successeur Numa Pompilius. XIX. Reconnoissance des rois de Rome envers la fortune. XX. Temples construits en l'honneur de la Fortune, par Tullius Servius. XXI. Sa fortune. XXIII. Fortune des Romains dans leurs conquétes rapides. XXIV. Enumération de ces conquétes. XXV. Fortune des Romains dans la retraite des Gaulois. XXX. Dans la mort d'Alexandre. DE LA FORTUNE DES ROMAINS. VNA REDVI La vertu et la fortune ont combattu plusieurs grands combats, et par plusieurs fois, l'une contre l'autre mais celuy qui se présente maintenant est le plus grand de tous, à sçavoir, le procès qu'elles ont ensemble touchant l'empire Romain, laquelle des deux l'a faict, et laquelle a produit en estre une si grande puissance: car ce ne sera pas un petit tesmoignage pour celle qui le gaignera, ou plus tost une grande justification à l'encontre de l'imputation que lon leur met sus à toutes deux : car on impute à la vertu, qu'elle est honeste, mais inutile: et à la fortune, qu'elle est incertaine, mais bonne: et dit on que l'une est infructueuse, et l'autre mal Ce Traité renferme sous un point de vue très-rapproché les événemens les plus mémorables auxquels la fortune et le bonheur de Rome paroîtroient seuls avoir présidé. DE LA FORTUNE DES ROMAINS. 115 feable en ses dons. Car qui est celuy qui ne dira, estant la grandeur de Rome attribuée et adjugée à l'une ou à l'autre, que ou la vertu ne soit très utile, si elle a peu faire tant pour les gens de bien: ou la fortune ne soit très ferme et constante, veu qu'elle conserve desja par si long temps ce qu'elle a une fois donné? II. OR le poëte Ion 1ès œuvres qu'il a composez sans vers en prose, dit que la fortune et la sapience, qui sont deux choses très differentes et dissemblables, produisent neantmoins de très semblables effects 2: l'une et l'autre agrandissent et honorent les hommes, les avancent en dignité, en puissance, en estat et authorité. Et quel besoin est il d'estendre ce propos à reciter et denombrer ceulx qu'elles ont avancez, attendu que la nature mesme qui nous porte, et nous produit toutes choses, les uns estiment que ce soit la fortune, les autres la сс I M. le Fevre, Vies des poëtes, p. 82, fait Ion contempcrain de Périclès. Ce poëte ne nous est guère connu que par ce passage d'Aristophane. « Ion de Chio avoit composé un poëme « sur l Orient : cet ouvrage fut tellement goûté, qu'on donna « le nom D'ÉTOILE ORIENTALE à son auteur ». La paix, V.835. 2 Mais qu'est-ce que le poëte Ion entendoit par fortune On ne pourroit même déterminer l'acception que Plutarque donne à ce mot dans tout ce Traité : le plus souvent, suivant cet auteur, la fortune est une cause obstinée à faire du bien aux uns et du mal aux autres. Tantôt il en fait une cause aveugle, qui agit sans motif et sans régle; et il la représente quelquefois comme une providence sage. Enfin, dit Pline, nous sommes << tellement le jouet de la fortune, que nous en faisons un dieu. tandis qu'elle nous fait douter de l'existence de dieu même » Hist. nat. II, 5. sapience? Et pourtant ce present discours adjouste à la cité de Rome une grande et admirable dignité, c'est que nous mettons en dispute d'elle ce que nous disputons aussi de la terre, de la mer, et des estoilles, à sçavoir si ce a esté par fortune, ou par providence, qu'elles sont venues en estre. III. MAIS quant à moy, il m'est advis que si bien la vertu et la fortune ont eu ailleurs plusieurs debats et plusieurs querelles ensemble, qu'à la composition d'un si grand empire, et si grande puissance, il est vraisemblable qu'elles se sont accordées ensemble, et que d'un commun accord elles ont achevé et parfaict le plus grand et le plus beau chef d'œuvre qui fut oncques entre les humains: et ne me pense point abuser en ceste conjecture, ains estime que tout ainsi que Platon dit, que du feu et de la terre, comme des premiers et necessaires elemens, tout le monde a esté concréé, à fin qu'il fust et visible et palpable, la terre luy donnant la gravité et la fermeté, et le feu la forme, la couleur et le mouvement, et les deux autres natures et elemens qui sont entre ces deux extremes, à sçavoir, l'air et l'eau, amollissans et temperans la grande dissimilitude de l'un et l'autre, des deux bouts ont assemblé et meslé par leur moyen la matiere premiere; aussi le temps avec dieu prenans la vertu et la fortune, les ont destrempées et meslées ensemble, à fin que de ce qui est propre à l'un et à l'autre ils bastissent et feissent un temple veritablement sainct, et à tous profitable, un fondement et |