soleil et le passant, ils l'appellent bien imparfaict: car Osiris est bien faisant, et son nom signifie beaucoup de choses, mais principalement une force active et bienfaisante, comme ils disent et son autre nom, qui est Omphis, Hermæus dit qu'il signifie autant comme bienfaitteur, aussi estiment ils que les montées des debordemens du Nil ont quelque respondance au cours de la lune : car la plus haute qui se fait en la contrée Elephantine, monte jusques à vingt et huict coudées 1, autant qu'il y a de jours illuminez en chasque revolution de la lune, et la plus basse qui se fait près de Mendes et de Xois est de six coudées, qui respond au premier quartier : et la moyenne qui se fait aux environs de Memphis, quand elle est juste est de quatorze coudées 2, respondant à la pleine lune, et que Apis est l'image vive d'Osiris, et qu'il nasquit alors que la lumiere generative descend de la lune, et vient à toucher la vache quand elle appete le masle, et pour ce resemble il aux formes de la lune, ayant des marques blanches et claires, fort obscurcies par les umbres du noir : c'est pourquoy ilz solennisent 1 La coudée d'Égypte, telle qu'on la voit sur le Nilomètre qui est au Caire, égale 20 pouces de notre pied-de-roi. 2 Ces mesures de l'élévation des eaux du Nil sont peu exactes: il faut les rétablir d'après Pline, V, 10, et d'après le P. Sicard. Le Nil, suivant ce dernier, s'élève au-dessus du niveau de son lit de 20 à 24 pieds à l'entrée de l'Égypte, de 14 à 16 pieds au Caire et aux environs, et seulement de 3 ou 4 pieds à Damiette et à Rosette. Lettres édif. T. V, p. 456 et suiv, une feste à la nouvelle lune du mois qu'ils appellent Phamenoth1, laquelle ils nomment l'entrée d'Osiris en la lune, qui est le commancement de la primevere, ainsi mettent ils la puissance d'Osiris en la lune ils disent que Isis, qui n'est autre chose que la generation, couche avec luy, pourtant appellent ils la lune la mere du monde, et disent qu'elle est de nature double, masle et femelle: femelle, en ce qu'elle est emplie et engrossie de la lumiere du soleil et masle, en ce que de rechef elle jette et respand en l'air des principes de generation, pource que l'intemperature seche de Typhon ne gaigne pas tousjours, ains est bien souvent vaincue par la generation, et estant liée, se monstre de nouveau et combat de rechef à l'encontre d'Orus, qui n'est autre chose que ce monde terrestre, lequel n'est pas de tout point delivre de corruption, ny aussi de generation. XXXVIII. Il y en a d'autres qui veulent que toute ceste fiction ne represente couvertement autre chose que les eclipses, car la lune eclipse quand elle est au plein directement opposée au soleil, et qu'elle vient à tomber dedans l'umbre de la terre, comme quand Osiris fut mis dedans la bierre, et au contraire aussi elle le cache et fait disparoir au trentieme jour 2 : mais elle n'oste pas du tout le soleil, comme aussi ne fait pas Isis Typhon, mais I 1 Septième mois de l'année Egyptienne. 2 Lisez; et au contraire elle cache le soleil et le fait disparoir à la fin de sa révolution, quand elle est en conjonc I Nephtys engendrant Anubis, Isis luy est supposée, car Nephtys est la partie de dessous la terre qui ne nous apparoist point, et Isis celle de dessus qui nous apparoit, et le cercle qui s'appelle Orizon, qui est commun et disgrege les deux hemispheres se nomme Anubis, et se compare de figure à un chien, pource que le chien se sert de la veue aussi bien la nuict que le jour, et semble qu'envers les AEgyptiens Anubis à une pareille puissance que Proserpine envers les Grecs, estant et terrestre et celeste. IL XXXIX. Il y en a d'autres à qui il semble qu'Anubis est Saturne, et pourautant qu'il porte en son ventre et engendre toutes choses, qui s'appelle Kyein en langage Grec, pour ceste cause a esté surnommé Kyon, qui est à dire chien. Il y a doncques quelque secret qui fait que quelques uns encore reverent et adorent le chien, car il fut un temps qu'il avoit plus d'honneur en AEgypte que un autre animal mais depuis que Cambyses eut tué Apis, et jetté par piece çà et là, nul autre animal n'en approcha n'y n'en voulut taster sinon le chien, il perdit ceste prerogative d'estre le premier et plus honoré que nul autre des animaux. Il y en a d'autres qui appellent l'ombre de la terre qui fait eclipser la lune quand elle y entre, Typhon. XL. PARQUOY il me semble qu'il ne seroit pas hors de propos de dire, que particulierement il n'y a pas une de ces interpretations qui soit entierement parfaicte, mais que toutes ensemble disent bien et droictement, car ce n'est ny la seicheresse Et sépare.... seulement, ny le vent, ny la mer, ny les tenebres, mais tout ce qui est nuysible, et qui a une partie propre à perdre et à gaster, tout cela s'appelle Typhon Et ne fault pas mettre les principes de l'univers en des corps qui n'ont point d'ames, ainsi que font Democritus et Epicurus: ny ouvrier et fabricateur de la premiere matiere, une certaine raison et une providence, comme font les Stoïques, ayant son estre avant toutes choses, et commandant à tout car il est impossible qu'il y ait une seule cause bonne ou mauvaise qui soit principe de toutes choses ensemble, pour ce que dieu n'est point cause d'aucun mal, et la concordance de ce monde est composée de contraires, comme une lyre du hault et bas, ce disoit Heraclitus; et ainsi que dit Euripide, Jamais le bien n'est du mal separé, L'un avec l'autre est toujours temperé, XLI. PARQUOY ceste opinion fort ancienne, descendue des Theologiens et Legislateurs du temps passé jusques aux poëtes et aux philosophes, sans que lon scache toutefois qui en est le premier autheur, encore qu'elle soit si avant imprimée en la foy et persuasion des hommes, qu'il n'y a moyen de l'en effacer, ny arracher, tant elle est frequentée, non pas en familiers devis seulement, ny en bruits communs, mais en sacrifices et divines cerimonies du service des dieux, tant des nations bar bares que des Grecs en plusieurs lieux, que ny ce monde n'est point flottant à l'adventure sans estre regy par providence et raison, ny aussi n'y a il une seule raison qui le tiene et qui le regisse avec ne scay quels timons, ne sçay quels mords d'obeissance, ains y en a plusieurs meslez de bien et de mal, et pour plus clairement dire, il n'y a rien icy bas que nature porte et produise, qui soit de soy pur et simple: ne n'y a point un seul despensier de deux tonneaux qui nous distribue les affaires, comme un tavernier fait ses vins en les meslant et brouillant les uns avec les autres, ains ceste vie est conduitte de deux principes, et de deux puissances adversaires l'une à l'autre, l'une qui nous dirige et conduict à costé droict, et par la droitte voye, et l'autre qui au contraire nous en destourne et nous rebute : ainsi est ceste vie meslée, et ce monde, sinon le total, à tout le moins ce bas et terrestre au dessoubs de la lune, inegal et variable subject à toutes les mutations qu'il est possible car s'il n'y a rien qui puisse estre sans cause precedente, et ce qui est bon de soy ne donneroit jamais cause de mal, il est force que la nature ait un principe et une cause, dont procede le mal aussi bien que le bien. XLII. C'EST l'advis et l'opinion de la plus part, et des plus sages anciens : car les uns estiment qu'il y ait deux dieux de mestiers contraires, l'un autheur de tous biens, et l'autre de tous maux: les 1 Voyez cette opinion des deux principes, expliquée d'après Plutarque, par l'abbé Batteux dans l'ouvrage déjà cité. |