SUR LE TRAITÉ DE LA SANTÈ. Par M. F. N. Simonet, Docteur-Régent de la CHAP. II, pag. 44. L'entrée de ce dialogue est un monument de l'éternelle rivalité de la Philosophie et de la Médecine. Moschion félicite son interlocuteur d'avoir éconduit le médecin Glaucus qui ne demandoit qu'à conférer et communiquer. Du côté des médecins, Voyez Hippocrate et Galien, passim. L'historique de cette longue querelle, sans cessé renouvellée par les philosophes, fourniroit la matière d'un mémoire curieux : et si on vouloit en rechercher les causes, on y verroit jouer un rôle à la jalousie de métier, qui devoit naître entre deux sciences qui affectent l'empire sur l'homme, et se disputent l'honneur de le gouverner. Chemin faisant, on les verroit toutes deux éprouver le même sort, lorsque toutes deux tombées en roture, elles furent bannies de Rome avec les esclaves qui les exerçoient. On verroit une suite de traits de ressemblance et de contrariété par lesquels elles s'unissent et se repoussent: toutes deux ayant des écoles et des sectes opposées, la médecine ayant ses charlatans, la philosophie, ses sophistes. Mais une des principales découle de leur nature et de leur but. La philosophie qui alloit de la géométrie à la dialectique, de celle-ci à la musique, à l'astronomie, etc. sembloit avoir pour but de former l'esprit, en le faisant passer par toutes ces disciplines. Courant par-tout armée de l'esprit de systême, le but de ses excursions étoit moins de rapporter des vérités, que l'espoir et la prétention de la vérité, moins de cultiver aucune de ces sciences, que de former un philosophe: elle étoit par-tout, et n'étoit nulle part. La médecine plus stable, occupée d'un but important, à qui le rapide progrès des maladies ne laissoit pas de temps à perdre, voyoit avec peine cette hôtesse incommode et parlière, entrer dans ses domaines, y étaler son babil et ses subtilités dialectiques. Hippocrate qui a réduit toute la médecine à l'observation, assez fort de son génie pour se passer des secours que vouloit lui donner la philosophie, ou plutôt philosophe lui-même, mais philosophe pratique; Hippocrate dont le premier axiome est, Vita brevis, longa; occasio præceps, judicium difficile, ne devoit pas être l'ami des philosophes de son temps. ars Mais si Hippocrate n'avoit pas besoin des ressources de la philosophie, les hommes de sa trempe sont-ils assez communs, pour qu'on retranche de la médecine toutes les sciences qui ornent, soutiennent et étendent l'esprit ? L'art se suffit-il à lui-même? Ou bien n'est-il pas à craindre qu'en lui ouvrant tant de routes, l'artiste ne s'égare, ou même qu'on ne vois encore de prétendus bienfaiteurs du genre humain arriver par une de ces routes jusqu'à la médecine, pour Y introduire les innovations les plus absurdes et les plus dangereuses? Nous abandonnons ces questions à la sagacité du lecteur. CHRP. IV, p. 45. Plutarque veut attirer son lecteur à l'étude de la médecine, et plus bas il veut que les philosophes discourent des choses saines et malsaines, pour labourer en un champ commun avec les médecins. Voilà les philosophes confondus avec les médecins. Pour les premiers, on peut dire que quand leur curiosité philosophique se bornera à développer éloquemment le danger des passions, l'abus des jouissances, l'utilité de la tempérance et de la modération en tout, alors elle servira utilement la médecine. Si elle va jusqu'à donner les préceptes détaillés de l'Hygiène, et qu'elle remplisse son but, le philosophe seroit médecin, et leur prééminence n'est plus qu'une question oiseuse. Sans ces conditions, on ne trouve plus dans les écrits des philosophes, lorsqu'ils traitent de la médecine, qu'absurdités et superstitions. Pline et Caton en fournissent la preuve.: Chaque école de philosophie prescrivoit un régime à ses disciples. On connoit celui de Pythagore. Les orateurs, les acteurs de théâtre avoient aussi le leur, et quoiqu'ils fussent bien dirigés vers le but de ces professions, la médecine, qui ne connoît pas ces intérêts particuliers, trouveroit dans tous à reprendre; Galien désapprouve hautement et même avec une sorte de colère le régime athlétique. CHAP. VI, pag. 46. Ce précepte que Zeuxippus avoit avancé en jouant et non pas à certes, et que Glaucus alloit reprenant, est pourtant un des trois auxquels Boerhaave réduisoit toute la médecine prophylactique: la tête fraiche, le ventre libre et les pieds chauds; car par le mot xip les Anciens entendoient la main et le pied qu'ils appelloient la grande main. Ibidem. Il n'est pas de profession qui, par ses habitudes propres, n'apporte ainsi quelqu'accoutumance, usance ou cause prédisposante à quelque maladie, ou affection morbifique. Voyez Ramazzini, de Morbis artificum. On en peut dire autant de toute erreur de régime devenue habitude. Chacun doit donc se surveiller luimême sur les dangers pour sa santé, auxquels son état ou son inclination l'expose, et corriger cette tendance par les préceptes de l'Hygiène ou médecine prophylactique. Il seroit trop long de détailler ici toutes les maladies auxquelles certaines professions nous exposent. Nous nous contenterons de remarquer que souvent on ne parvient à les guérir qu'en faisant interrompre au malade l'exercice de sa profession, et que même quelquefois ce seul moyen suffit. Mais ces usances et accoutumances de Plutarque qui font partie de la séméïotique, deviennent bien plus intéressantes, si l'on veut y voir avec les médecins, des présages certains de maladies annoncées de loin par des signes avant-coureurs. Ces signes, qui affectent peu la santé, sont ordinairement négligés par des personnes d'ailleurs bien portantes, et souvent même ont fait donner aux médecins le nom de prophétes du malheur. Sans craindre ce reproche, j'en rapporterai quelques exemples, dont chacun pourra faire l'application à quelque cas particulier, et qui réveilleront peut-être l'application qu'on devroit avoir de consulter les médecins sur des faits qu'on regarde comme trop indifférens. Les éternumens fréquens et sans cause bien connue, indiquent une disposition aux maladies de poitrine; morbum diuturnum portendunt, dit Hippocrate. Doctrine des signes. La facilité à prendre le froid aux pieds, est un signe 'de débilité dans les viscères. La dilatation extraordinaire de la pupille est l'avant coureur de la goutte sereine, Une voix fortement sonante et comme creuse dans un corps grêle, avertit de craïndre la phtisie pulmonaire. Cette même maladie est quelquefois annoncée par des indices dont on croiroit devoir se féliciter. Tels sont, des talens hors de l'ordre commun et trop brillans peut-êrre, un excellent appétit, l'aptitude héroïque aux plaisirs de l'amour, etc. avant que Les maladies du foie peuvent se prédire long-temps le malade ressente aucune douleur à ce viscère par l'état de la peau grippée et comme enfoncée sur l'articulation des phalanges à la main droitte. Le main gauche prédit de même pour la rate. Toutes les deux, ainsi que les bras, prédisent aussi pour la poitrine et les deux viscères auxiliaires de la digestion, quand on veut les observer. Ces exemples que nous avons pris au hazard pour roient se multiplier à l'infini. Ce que nous en avons rapporté suffira pour appuyer un avis que nous avons cru utile. CHAP. VII. page 47. Les Anciens qui dans leur pratique médicale, usoient plus que les Modernes, des grands moyens naturels de la diète et de la gymnastique, auxquels nous avons substitué trop de petites formules pharmaceutiques, faisoient faire usage à leurs malades des chairs de différents animaux, suivant l'indication, dans les maladies qu'ils appelloient |