à resoudre de tels arguments sophistiques, comme celuy que les Dialecticiens appellent l'Indien, ou que nous voulussions disputer de tels sophismes, comme celuy qu'ils nomment le maistre. Lon dit que la cyme du palmier 2 que lon appelle la cervelle, est fort doulce à manger, mais qu'elle fait mal à la teste: aussi les disputes espineuses de la Logique ne sont pas viandes bien propres ny plaisantes pour un soupper, plus tost feroient elles mal à la teste, et donneroient beaucoup de peine: mais s'ils ne nous veulent permettre de discourir, d'ouïr lire, et de deviser durant le soupper de quelques propos, qui avec l'honesteté et l'utilité aient la doulceur attrayante, et le plaisir conjoint, nous les prierons de ne nous estre point molestes, ny importuns, ains de se lever de la table, et s'en aller en leurs galleries, et en leurs parquets à luicte tenir ces propos là à leurs escholiers et champions de la luicte, lesquels ils retirent et destournent de l'estude des bonnes lettres, et les accoustumans à consumer les jours tous entiers à plaisanter et à I Un sophisme est un argument faux dans le fond, qui péche ou dans les termes, ou dans la forme : ces sortes d'argumens peuvent être multipliés à l'infini. Les logiciens se sont plûs à leur donner différens noms : Plutarque ne parle ici que de l'Indien, et du Cornu, ou maître, suivant Amyot, tous termes barbares, inventés par les sophistes pour obscurcir la vérité. 2 poivos, phonicis. Le palmier est appellé phoenix. La facilité avec laquelle cet arbre se multiplie, pourroit bien avoir donné lieu, remarque le nouvel éditeur de Pline, à la fable du phoenix qu'on dit renaître de ses cendres. Pline, Hist. nat. XIII, 9. dire mots de gaudisserie, ils les rendent à la fin, comme disoit le gentil Ariston, avec aussi peu de sentiment et aussi gras et bien huilez, comme sont les coulonnes de pierre qui soutienent les portiques, soubs lesquels ils s'erxercent et tienent leur eschole de la luicte. XLI. Er nous au contraire adjoustans foy aux medecins, qui nous conseillent de faire mettre tousjours quelque intervalle entre le soupper et le dormir, non 2 pas après avoir remply le corps de viande et avoir comprimé les esprits, estans encore les morceaux tous cruds, et ne faisans que commancer à bouillir, aggraver et empescher la concoction, là où il leur fault donner un peu d'espace, et un peu de loisir de se rasseoir. XLII. COMME Ceulx qui veulent que lon meuve le corps après le repas, ne commandent pas que 3 lon coure à toute bride, ny que lon escrime à toute oultrance, ains que lon se promene à l'aise tout bellement, ou que lon danse tout doulcement: ainsi estimerons nous qu'il fault exercer noz entendemens après le soupper 4, non point d'affaires Il y a eu plusieurs philosophes de ce nom. T. II, des Morales, p. 307, dans la note. L Amyot eût dû traduire : De peur qu'après avoir remply le corps de viande, et avoir comprimé les esprits, estans encore les morceanx tous cruds, et ne faisant que commencer à bouillir, nous aggravions et empeschions la concoction, tandis qu'il faut donner aux alimens un peu d'espace, et un peu de loisir de se rasseoir. 3 Lisez que l'on s'exerce à la course, et au Pancrace. c. de profonde meditation, ny de disputes sophistiques qui tendent ou à ostentation de grand et vif esprit, ou qui esmeuvent à contention: mais il y a plusieurs questions naturelles, plaisantes à disputer, et faciles à decider, et plusieurs beaux contes, dont il se peult tirer beaucoup de bonnes considerations et instructions, pour former les meurs, qui out celle fecilité, que le poëte Homere appelle Menæces, c'est à dire, cedant au courroux, et ne point resistant. Voilà pourquoy aucuns appellent plaisamment cest exercice de mouvoir et resoudre des questions historiales, ou poëtiques, l'yssue de table et le dessert des hommes studieux et doctes. Encore y a il d'autres devis plaisants, comme d'ouïr des contes faits à plaisir, parler du jeu de la fluste, ou de la lyre, qui donne quelquefois plus de contentement, que d'ouïr la fluste ou la lyre mesme 2. Qui ont cet avantage d'être, suivant l'expression d'Homère, MEVcess, agréables à l'esprit. 2 En effet qu'un homme d'esprit vous fasse dans la société des détails sur un art quelconque, il captive souvent plus l'attention, que ne le feroit l'exécution la mieux dirigée. Tel est le charme de la conversation! De tous les arts, que l'homme admire sous les cieux, C'est lui que l'on peut dans un commerce aimable Lire dans les esprits, pénétrer dans les cœurs, Art de converser, poëme par le P. André, dans ses OEu- vres, XLIII. Et la marque du temps propre à tels entretenement est, I tant que lon sent que la viande s'affaisse bien dedans l'estomach, et que l'haleine monstre que la concoction se fait, et que la chaleur naturelle gaigne le dessus. XLIV. MAIS pource que ARISTOTE estime que le promener après le soupper excite et souffle, par maniere de dire, la chaleur 2: et le dormir, quand lon s'endort incontinent après soupper, l'amortit et l'estainct et que les autres au contraire sont d'opinion, que le repos sert mieulx à la concoction, et que le mouvement empesche la digestion, qui est cause que les uns se promenent après les oupper, et les autres demeurent en repos : il me semble que lon satisferoit commodeement à toutes les deux opinions, qui se tiendroit quoy et serré après le soupper, pour eschauffer son corps, et qui esveilleroit son ame sans la laisser appesantir d'oysiveté, ains aguiseroit et subtiliseroit un petit ses esprits, en devisant, ou escoutant deviser de propos gracieux et plaisans, non pas fascheux et poignans. XLV. Au demourant quant aux vomissements, on purgation du ventre, par le moyen de medecines laxatives, qui sont les malheureux reconforts et remedes de repletion, il n'en fault jamais user, sans très grande et urgente necessité, au contraire de ce que font plusieurs qui remplissent leurs corps, en intention de le vuider puis après, ou à l'opposite, qui le vuident pour le remplir contre la nature, ne se faschans pas moins, mais estans ordinairement plus marris d'estre pleins, que d'estre vuides, d'autant que telle repletion leur empesche le contentement de leurs cupiditez: au moyen dequoy ils procurent que leur corps soit tousjours vuide de quelque chose, comme estant celle vuidange le propre champ de leurs voluptez. Or le dommage qui peult advenir de cela est du tout evident, pour ce que l'un et l'autre apporte de grandes emotions et violentes lacerations au corps, mais le vomissement amene un mal propre et particulier d'avantage, c'est qu'il entretient et augmente un appetit insatiable: car il s'en engendre des faims violentes et turbulentes, comme quand le cours d'un ruisseau est empesché et arresté 1 qui tirent à force la viande, laissant tousjours un appetit, qui ne ressemble point au naturel, quand Comme le cours d'un ruisseau qui a esté empesché et arresté. le |