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CENONE.

Mourez donc, et gardez un silence inhumain :
Mais pour fermer vos yeux cherchez une autre main.
Quoiqu'il vous reste à peine une foible lumière,
Mon ame chez les morts descendra la première;
Mille chemins ouverts y conduisent toujours,
Et ma juste douleur choisira les plus courts.
Cruelle! quand ma foi vous a-t-elle déçue?
Songez-vous qu'en naissant mes bras vous ont reçue?
pays, mes enfants, pour vous j'ai tout quitté.
Réserviez-vous ce prix à ma fidélité?

Mon

PHÈDRE.

Quel fruit espères-tu de tant de violence?
Tu frémiras d'horreur si je romps le silence.

CE NONE.

Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux!
A l'horreur de vous voir expirer à mes yeux?

PHÈDRE.

Quand tu sauras mon crime, et le sort qui m'accable, Je n'en mourrai pas moins; j'en mourrai plus coupable.

CE NONE.

Madame, au nom des pleurs que pour vous j'ai versés,
Par vos foibles genoux que je tiens embrassés,
Délivrez mon esprit de ce funeste doute.

Tu le veux: lève-toi.

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PHEDRE.

OE NONE.

Parlez, je vous écoute.

PHÈDRE.

lui vais-je dire? et par où commencer?

OEN ONE.

Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser.

PHÈDRE.

O haine de Vénus! ô fatale colère!

Dans quels égarements l'amour jeta ma mère!

OE NONE.

Oublions-les, madame; et qu'à tout l'avenir
Un silence éternel cache ce souvenir.

PHÈDRE.

Ariane ma sœur! de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée!

OE NONE.

Que faites-vous, madame? et quel mortel ennui Contre tout votre sang vous anime aujourd'hui ? PHEDRE.

Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable Je péris la dernière et la plus misérable.

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Tu vas ouïr le comble des horreurs.

J'aime... A ce nom fatal je tremble, je frissonne.

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PHEDRE.

Tu connois ce fils de l'Amazone,

Ce prince si long-temps par moi-même opprimé.

ΟΕ ΝΟΝΕ.

Hippolyte? Grands dieux!

PHEDRE.

C'est toi qui l'as nommé!

ΟΕ ΝΟΝΕ.

Juste ciel! tout mon sang dans mes veines se glace!
O désespoir! ô crime! ô déplorable race!
Voyage infortuné! Rivage malheureux,
Falloit-il approcher de tes bords dangereux!
PHEDRE.

Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Égée
Sous les lois de l'hymen je m'étois engagée,
Mon repos, mon bonheur sembloit être affermi;
'Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue;
Un trouble s'éleva dans mon ame éperdue;
Mes yeux ne voyoient plus, je ne pouvois parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus, et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchois dans leurs flancs ma raison égarée :
D'un incurable amour remèdes impuissants!
En vain sur les autels ma main brûloit l'encens :

Quand ma bouche imploroit le nom de la déesse,
J'adorois Hippolyte; et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisois fumer,
J'offrois tout à ce dieu que je n'osois nommer.
Je l'évitois par-tout. O comble de misère !

Mes yeux le retrouvoient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j'osai me révolter :
J'excitai mon courage à le persécuter.

Pour bannir l'ennemi dont j'étois idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ;
Je pressai son exil; et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirois, OEnone; et, depuis son absence,
Mes jours moins agités couloient dans l'innocence:
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivois les fruits.
Vaines précautions! Cruelle destinée !

Par mon époux lui-même à Trézène amenée;
J'ai vu l'ennemi que j'avois éloigné :

Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.

Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée,
C'est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J'ai conçu pour mon crime une juste terreur :
J'ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur;
Je voulois en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je n'ai pu soutenir tes larmes, tes combats;
Je t'ai tout avoué; je ne m'en repens pas,
Pourvu que de ma mort respectant les approches
Tu ne m'affliges plus par d'injustes reproches,

Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s'exhaler.

SCÈNE IV.

PHÈDRE, OENONE, PANOPE.

PANOPE.

Je voudrois vous cacher une triste nouvelle,
Madame; mais il faut que je vous la révèle.
La mort vous a ravi votre invincible époux;
Et ce malheur n'est plus ignoré que de vous,

Panope, que dis-tu ?

OE NONE.

PANOPE.

Que la reine abusée

En vain demande au ciel le retour de Thésée,
Et que, par
des vaisseaux arrivés dans le port
Hippolyte son fils vient d'apprendre sa mort.

Ciel!

PHÈDRE.

PANOPE

Pour le choix d'un maître Athènes se partage:

Au prince votre fils l'un donne son suffrage,
Madame; et de l'état l'autre oubliant les lois
Au fils de l'étrangère ose donner sa voix :
On dit même qu'au trône une brigue insolente
Veut placer Aricie et le sang de Pallante.
J'ai cru de ce péril vous devoir avertir.
Déjà même Hippolyte est tout prêt à partir;

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