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IPHIGÉNIE.

Que cette amour m'est chère ! Quel plaisir de vous voir et de vous contempler Dans ce nouvel éclat dont je vous vois briller! Quels honneurs ! quel pouvoir! Déjà la renommée Par d'étonnants récits m'en avoit informée : Mais que, voyant de près ce spectacle charmant, Je sens croître ma joie et mon étonnement! Dieux! avec quel amour la Grèce vous révère ! Quel bonheur de me voir la fille d'un tel père !

AGAMEMNON.

Vous méritiez, ma fille, un père plus heureux.
IPHIGÉNIE.

Quelle félicité peut manquer à vos vœux?

A de plus grands honneurs un roi peut-il prétendre? J'ai cru n'avoir au ciel que des graces à rendre.

AGAMEMNON, à part.

Grands dieux! à son malheur dois-je la préparer?

IPHIGÉNIE.

Vous vous cachez, seigneur, et semblez soupirer; Tous vos regards sur moi ne tombent qu'avec peine : Avons-nous sans votre ordre abandonné Mycène?

AGAMEMNON.

Ma fille, je vous vois toujours des mêmes yeux;
Mais les temps sont changés aussi-bien que les lieux :
D'un soin cruel ma joie est ici combattue.

IPHIGÉNIE.

Hé! mon père, oubliez votre rang à ma vue.
Je prévois la rigueur d'un long éloignement :
N'osez-vous, sans rougir, être père un moment?

Vous n'avez devant vous qu'une jeune princesse
A qui j'avois pour moi vanté votre tendresse;
Cent fois, lui promettant mes soins, votre bonté,
J'ai fait gloire à ses yeux de ma félicité :
Que va-t-elle penser de votre indifférence?
Ai-je flatté ses vœux d'une fausse espérance?
N'éclaircirez-vous point ce front chargé d'ennuis?

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Les dieux daignent sur-tout prendre soin de vos jours!

AGAMEMNON.

Les dieux depuis un temps me sont cruels et sourds.

IPHIGÉNIE.

Calchas, dit-on, prépare un pompeux sacrifice.

AGAMEMNON.

Puissé-je auparavant fléchir leur injustice!

L'offrira-t-on bientôt?

IPHIGÉNIE.

AGAMEMNON.

Plus tôt que je ne veux.

IPHIGÉNIE.

Me sera-t-il permis de me joindre à vos vœux?
Verra-t-on à l'autel votre heureuse famille?

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De cet accueil que dois-je soupçonner?
D'une secrète horreur je me sens frissonner :
Je crains, malgré moi-même, un malheur que j'ignore.
Justes dieux, vous savez pour qui je vous implore!
ÉRIPHILE.

Quoi! parmi tous les soins qui doivent l'accabler,
Quelque froideur suffit pour vous faire trembler!
Hélas! à quels soupirs suis-je donc condamnée,
Moi qui, de mes parents toujours abandonnée,
Étrangère par-tout, n'ai pas, même en naissant,
Peut-être reçu d'eux un regard caressant!

Du moins, si vos respects sont rejetés d'un père,
Vous en pouvez gémir dans le sein d'une mère;
Et, de quelque disgrace enfin que vous pleuriez,
Quels pleurs par un amant ne sont point essuyés !

IPHIGÉNIE.

Je ne m'en défends point: mes pleurs, belle Eriphile, Ne tiendront pas long-temps contre les soins d'Achille; Sa gloire, son amour, mon père, mon devoir,

Lui donnent sur mon ame un trop juste pouvoir.
Mais de lui-même ici que faut-il que je pense?
Cet amant, pour me voir brûlant d'impatience,
Que les Grecs de ces bords ne pouvoient arracher,
Qu'un père de si loin m'ordonne de chercher,
S'empresse-t-il assez pour jouir d'une vue
Qu'avec tant de transports je croyois attendue?
Pour moi, depuis deux jours qu'approchant de ces lieux
Leur aspect souhaité se découvre à nos yeux,
Je l'attendois par-tout; et, d'un regard timide,
Sans cesse parcourant les chemins de l'Aulide,
Mon cœur pour le chercher voloit loin devant moi :
Et je demande Achille à tout ce que je voi.
Je viens, j'arrive enfin sans qu'il m'ait prévenue.
Je n'ai percé qu'à peine une foule inconnue;
Lui seul ne paroît point : le triste Agamemnon
Semble craindre à mes yeux de prononcer son nom,
Que fait-il? qui pourra m'expliquer ce mystère?
Trouverai-je l'amant glacé comme le père?

Et les soins de la guerre auroient-ils en un jour
Éteint dans tous les cœurs la tendresse et l'amour?
Mais non,
c'est l'offenser par d'injustes alarmes :
C'est à moi que l'on doit le secours de ses armes,
Il n'étoit point à Sparte entre tous ces amants
Dont le père d'Hélène a reçu les serments:
Lui seul de tous les Grecs maître de sa parole,

S'il part contre Ilion, c'est pour moi qu'il y vole;
Et, satisfait d'un prix qui lui semble si doux,
Il veut même y porter le nom de mon époux.

SCÈNE IV.

CLYTEMNESTRE, IPHIGÉNIE, ÉRIPHILE,

DORIS.

CLYTEMNESTRE.

MA fille, il faut partir sans que rien nous retienne,
Et sauver, en fuyant, votre gloire et la mienne.
Je ne m'étonne plus qu'interdit et distrait

Votre père ait paru nous revoir à regret:

'Aux affronts d'un refus craignant de vous commettre,
Il m'avoit par Arcas envoyé cette lettre.

Arcas s'est vu tromper par notre égarement,
Et vient de me la rendre en ce même moment.
Sauvons, encore un coup, notre gloire offensée :
Pour votre hymen Achille a changé de pensée;
Et, refusant l'honneur qu'on lui veut accorder,
Jusques à son retour il veut le retarder.

Qu'entends-je!

ÉRIPHILE.

CLYTEMNESTRE.

Je vous vois rougir de cet outrage.
Il faut d'un noble orgueil armer votre courage.
Moi-même, de l'ingrat approuvant le dessein,
Je vous l'ai dans Argos présenté de ma main,
Et mon choix, que flattoit le bruit de sa noblesse,
Vous donnoit avec joie au fils d'une déesse.

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