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lever ce qui était tombé. Jacques Ir et Charles Ier, il est vrai, avaient fait un usage imprudent, quelquefois même injuste, de leur prérogative, et il convenait d'éviter leurs fautes; mais au fond la prérogative royale devait reparaître tout entière; vingt ans d'efforts et de souffrances ne devaient valoir au peuple anglais que le triste aveu de ses crimes et de ses erreurs.

Telle était la théorie de Clarendon et il n'en changea point; mais son honnêteté et son bon sens ne lui permirent pas d'y conformer exclusivement sa pratique. Chaque jour il se heurtait contre un pays nouveau; chaque jour la nécessité de ménager les hommes lui imposait celle de transiger avec les choses. Il adoptait, en principe, la plupart des préjugés et des prétentions de l'ancien parti royaliste; mais, arrivé en présence des faits, il voyait ce qu'il n'avait pas prévu, et soutenait ce qu'il s'était promis d'extirper; et le premier _ministre de Charles II, rentré avec son maître après quinze ans d'absence, fut bientôt le protecteur des intérêts révolutionnaires, l'adversaire le plus détesté de la cour et des Cavaliers.

Cette situation, qui fit le tourment et la chute de Clarendon, a fait depuis sa gloire. Il la soutint avec habileté et courage. Souvent absurde et inique dans ses rapports avec le parti national, il fut, contre son propre parti, éclairé, ferme, vertueux même. Censeur sévère des mœurs corrompues de Charles II, franchement protestant, malgré sa haine pour les Presbytériens, dans une cour impie ou secrètement catholique, grave et probe au milieu de courtisans avides et frivoles, attaché aux anciennes lois du pays, tout en détestant le nouvel esprit de liberté, modéré par raison, quoique son humeur fût âpre et peut-être même vindicative, il s'opposa constamment à ce débordement de désordres, à cette tyrannie insouciante et capricieuse, où le gouvernement de l'Angleterre à cette époque était sans cesse poussé par les vices du roi et les passions des Cavaliers. Émigré, le grand chancelier ne dompta point le mauvais génie de la Restauration et n'en conçuter pas même la pensée; vieil Anglais, il dirigea, contre la mauvaise nature de son parti, tout ce qu'il avait de pouvoir, d'habileté et de vertu.

Au bout de sept ans, sa vertu devint trop importune, son habileté ne fut plus de saison, ses mérites et ses torts tournèrent également contre lui; le pouvoir lui échappa. Tout le monde conspirait sa chute; le parti national ne le soutint point, le roi fut charmé de s'en débarrasser. Lorsque Clarendon eut à grand'peine obtenu en France un asile contre l'ingratitude de son maître et la haine de ses ennemis, vivant tristement, mais en paix, à Montpellier, à Moulins, à Rouen, il ne s'inquiéta plus que de faire bien connaître, à d'autres générations, et son temps et lui-même. L'Histoire de la grande Rebellion et les Mémoires sur sa vie privée et son

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ministère1 occupèrent les sept dernières années de sa vie. Il apporta dans ce travail les mêmes idées, les - mêmes sentiments et presque aussi le même genre - d'habileté qu'il avait montrés dans le cours de sa carrière, et ses écrits sont, avec ses actions, dans une rare harmonie. La constance, l'immobilité même fut peut-être le trait distinctif de son caractère; il pensait, il - était, en entrant dans les affaires, ce qu'il pensait, ce qu'il était quand il en sortit; la raison avait devancé en lui l'expérience; l'expérience n'élar

esprit, n'éleva point ses idées ; git point son -toute innovation était plus chart son antipathie pour à sa propre nature, natuume qu'un principe; elle tenait mais froide, roide, parere sage, droite, bien ordonnée, ments énergique Clapeu féconde, étrangère aux mouvede la pensée. Ipares de l'âme et aux grandes ambitions probité qui, re, avait cet orgueil de la sagesse et de la devient unsale, s'il n'est uni à un génie vaste et puissant, chem source de vues étroites et de préjugés intrai

L'Hdécer fois à Lo depuis. Cistoire de la grande Rebellion fut imprimée pour la première passer, dondres, en 1702, en trois vol. in-folio, et l'a été fort souvent tions ache De nombreux retranchements, dont quelques-uns pourraient publi pour des falsifications, furent faits dans les premières édi; mais le texte a été complétement rétabli dans l'édition ce à Oxford en 1845, d'après les manuscrits originaux qui déposés dans la bibliothèque d'Oxford.

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sont

la p.

Loi

L

es Mémoires sur la vie privée de lord Clarendon parurent, pour remière fois, en 1759, portant le titre de Continuation de l'hisfre de la grande Rebellion. La meilleure édition est celle qui a été publiée à Oxford en 1837.

tables. Jurisconsulte et théologien, il respectait les règles et les formes, et dédaignait les principes; non par mépris de la vérité, mais parce que les questions primitives et générales n'étaient jamais entrées dans le cercle de ses méditations. Malgré sa gravité et sa roideur, il n'était point inhabile dans l'intrigue, et se défendait avec adresse contre les menées de cour. On a reproché à ses ouvrages beaucoup de réticences, et dans l'Histoes mensonges : il y en a sans doute, surtout e de la Rébellion, écrit plus officiel que

ses Mémoires. Mais

de sa situation, Clarendon a eu le sincère dessin à tout prendre, et en tenant comple

d'être impartial; et s'il l'a e

té envers les personnes

e, par la tournure

bien plus que dans la peinture générale des disposition
publiques et des événements, c'est qu
même de son esprit, il comprenait e
les hommes que les nations.

jugeait mieux

Clarendon rentrer ef

place

etan

Linge

Plus d'une fois, dans le cours de son exil sollicita la permission, toujours refusée, de de vivre obscurément en Angleterre. Aux approches de la mort, le désir de revoir sa patrie devint une dounlo reuse passion dans le cœur de ce vieillard qui sincèrement aimée et laborieusement servie. П s'établir à Rouen pour être plus près du sol de 1 gleterre; et de là, par une dernière tentative, il écr à Charles II : « Sept ans étaient jadis le terme assig « par Dieu même à ses jugements les plus rigoureux,

e

de

« depuis plus de sept ans déjà, j'ai supporté avec une « entière humilité le poids si lourd du déplaisir du roi; « pourra-t-on me blâmer d'employer le dernier souffle « de vie qui me reste à supplier Sa Majesté d'alléger « enfin ce fardeau, insupportable pour moi.....? Puis« qu'il n'est au pouvoir de personne d'écarter long* temps la mort de ma tête, ce n'est pas trop de pré* somption à moi, il me semble, que de désigner la * place où je voudrais mourir, et me trouvera-t-on déraisonnable de souhaiter que ce soit dans mon pays tet au milieu de mes enfants? >>>

L'ingrate insensibilité de Charles II résista sèchement ces paroles d'un homme qui lui avait dévoué sa vie. I refusa tout, non par crainte de la haine que pouvaient orter encore à Clarendon les courtisans ou le peuple, nais pour s'épargner à lui-même le déplaisir de savoir Angleterre, à quelques lieues peut-être de la résiKilace royale, un fidèle serviteur et un vieil ami qu'il de lâchement abandonné. Clarendon mourut à Rouen approcembre 1674; et maintenant son plus bel honune dist d'avoir souvent résisté à ce méprisable roi -d qui ans ses derniers jours, il essaya si vainement de rvie. Il sol de I

ve, il écr

me assig

rigoureux,

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