altier, peu communicatif, susceptible, et ajouta aux difficultés de la situation politique celles de son propre caractère. Arrivé à Paris en septembre 1663, il eut d'abord une audience particulière « pour saluer le roi. » Mais quand il s'agit de sa première audience publique, il éleva avec obstination une question de cérémonial qui la retarda pendant six mois. Voici en quels termes M. de Lionne, alors ministre des affaires étrangères, en rend compte à M. de Comenge, dans une dépêche du 30 décembre 16631. « Pour satisfaire en même temps à l'ordre que le roi m'en a donné, et à ce que je vois par votre dernière dépêche que vous aviez aussi désiré de moi, j'aurai le soin de vous dire qu'il est si éloigné de la vérité qu'on ait ici voulu imposer à M. Hollis des conditions honteuses à la couronne d'Angleterre, et qu'on l'ait personnellement fort maltraité, comme vous mandez que les Espagnols et leurs partisans en ont semé le bruit dans Londres, qu'il est vrai au contraire de dire que le roi aurait tout sujet de se plaindre, ce qu'il ne fait pas encore, des procédés dudit sieur Hollis, en ce qu'il s'est mis en tête de renverser un ordre établi depuis des siècles entiers en cette cour, et tous les jours pratiqué 1 Cette dépêche inédite est tirée des archives du département de affaires étrangères de France. ce qu'il n'ignore pas, par tous les ambassadeurs des u têtes couronnées. Cet ordre est que les carrosses, que MM les princes du sang ont accoutumé d'envoyer pour honorer leurs entrées, précèdent dans leur marche ceux desdits ambassadeurs; et ledit sieur Hollis prétend que le sien les précède. C'est proprement à dire qu'il veut que Sa Majesté, pour lui com¿plaire, dégrade de quelque façon mesdits seigneurs les princes de son sang, leur ôtant une possession dont ils jouissent de temps immémorial; et même qu'elle désoblige en même temps toutes les autres couronnes, ou du moins fasse voir que leurs ministres n'ont fait que des fautes, et n'ont pas su soutenir, comme lui, la dignité de leurs maîtres. << Comme les exemples récents peuvent être moins contestés ou révoqués en doute, on lui a fait voir les derniers du comte de Fuensaldagna, du marquis de la Fuente, du comte de Tott et de l'ambassadeur extraordinaire de Danemark, et ceux des sieurs Nani, Grimani et Sagredo, ambassadeurs de Venise, qui sont d'ordiè naire les plus exacts en matière de cérémonies pour se tenir toujours dans le rang des couronnes. Ledit sieur Hollis convient de la vérité des exemples; mais il dit qu'ils ne peuvent servir de règle à un ambassadeur d'Angleterre : à quoi on a la civilité de ne rien répondre, quoiqu'il y eût beaucoup de choses à lui répartir là dessus. Le roi m'ordonna hier de l'aller visiter de sa part pour tâcher de lui faire comprendre raison; mais comme Sa Majesté elle-même, en lui parlant, n'en avait pu venir à bout, vous croirez facilement que ma mission n'ait pas eu un meilleur succès. <«< Je remarquai qu'il fondait principalement sa prétention sur trois particularités, et je vous dirai ce que je lui ai répliqué sur chacune. <«<La première qu'en l'année, si je ne me trompe, 1564, un ambassadeur d'Angleterre étant venu pour jurer un traité d'alliance, il fut accompagné en son entrée par un maréchal de France (quod notandum); mais le jour que l'alliance fut jurée, le roi l'envoya prendre à son logis par M. le prince de la Roche-surYon, de la race royale, de la branche de Montpensier; et il tire la conséquence que le prince céda la main à l'ambassadeur, parce, dit-il, qu'il n'est pas vraisemblable que, voulant honorer ledit ambassadeur, on lui cût envoyé une personne qui eût pris le pas sur lui. « Je répartis à cela deux choses : l'une qu'avant Henri III, les princes du sang en France ne tenaient point de rang s'ils n'étaient pairs, et ne le prenaient que suivant l'ancienneté de leur pairie, en sorte que souvent d'autres princes les précédaient; la seconde, que son écrit ne dit pas que le prince de la Roche-surYon ait marché après l'ambassadeur, et que pour lui faire voir que sa raison de vraisemblance pouvait facilement être fausse, nous avions vu depuis six semaines monseigneur le prince de Condé et monseigneur le duc être envoyés par le roi pour prendre les ambassadeurs ; suisses qu'ils avaient néanmoins précédés, quoiqu'on leur voulût faire honneur. « La seconde qu'il m'allégua fut qu'un de nos rois, je ne me souviens pas bien s'il me dit Henri IV ou Louis XIII, en une autre semblable occasion de jurement d'alliance, étant accompagné de tous les princes et autres, prit l'ambassadeur d'Angleterre par la main, et le mena à ses côtés jusqu'à l'église où il fut assis après, à la main droite, pendant que les princes et autres grands du royaume étaient debout du côté gauche. « Je répondis à cela que, quand une raison prouve plus qu'on ne veut, elle n'est de nulle force, et qu'un ambassadeur d'Angleterre étant assis et les princes du sang debout, cela fait voir clairement, si la chose est vraie, comme elle le peut être, que la cérémonie se faisait pour l'ambassadeur seul, et que les princes ne prétendaient pas y tenir aucun rang. Comme en effet, quand le roi est en quelque lieu, et que chacun lui fait sa cour, il n'y a plus de rang réglé, autrement il faudrait que les plus grands et les plus considérables fussent toujours les plus proches de la personne de Sa Majesté, ce qui n'est pas ; qu'ainsi l'ambassadeur ne pouvait tirer aucun avantage de ce que le roi, voulant peut-être l'entretenir, l'avait pris par la main, et l'avait conduit à l'église en lui parlant toujours. « La troisième est qu'il me lut une lettre d'un secrétaire qu'il ne nomma pas, qui lui mande qu'ayant, par ordre du roi de la Grande-Bretagne, voulu s'informer du mylord Leicester comme la chose s'était passée ici en l'ambassade qu'il y fit avec le seigneur de Scutamor du temps du feu roi, ledit mylord lui avait dit qu'en son entrée il se mit dans le carrosse du roi, qui fut suivi de celui de la reine, et immédiatement du sien et de celui du seigneur de Scutamor, auquel un ambassadeur de Suède voulut contester le rang; mais qu'après quelque dispute, le Suédois se retira. « Je répartis à cela, ou qu'alors il n'y avait point de princes du sang à Paris, ou que ledit seigneur de Leicester n'avait pas la mémoire bonne, ou qu'il ne fut pas bien informé de ce qui se passa derrière lui et hors de sa vue. « Je n'étais pas sans doute obligé d'entrer en cette discussion, et il me devait suffire de lui faire connaître qu'il combattait une chose dont les princes du sang sont en possession de tout temps, et à laquelle tous les autres ambassadeurs de têtes couronnées s'accommodaient tous les jours sans aucune difficulté. « Il me parla ensuite de l'expédient qu'il avait proposé de ne point faire d'entrée, voulant persuader que cela ne ferait préjudice à personne. J'en demeurai si peu d'accord que je lui soutins au contraire qu'hors lui seul, tous les autres qui pouvaient prendre intérêt en |