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Dès le premier jour, la tâche de Washington se rééla dans son étendue et sa complexité. Pour faire la uerre, il n'eut pas seulement à créer une armée. A ette œuvre déjà si difficile, le pouvoir créateur même manquait. Les États-Unis n'avaient pas plus de gouverement que d'armée. Le Congrès, pur fantôme, unité nensongère, n'avait pas droit, ne pouvait pas, n'osait as, ne faisait rien. Washington, de son camp, était bligé, non-seulement de solliciter sans cesse, mais de uggérer les mesures, d'indiquer au congrès ce qu'il vait lui-même à faire pour accomplir son œuvre, pour que tout ne fût pas un vain nom, le Congrès et l'armée. Ses lettres étaient lues en séance, et devenaient le texte les délibérations. Délibérations pleines d'inexpérience, He timidité, de méfiance. On se payait d'apparences et He promesses. On renvoyait aux gouvernements locaux. On redoutait le pouvoir militaire. Washington répondait respectueusement, obéissait, puis insistait, démonrait le mensonge des apparences, la nécessité d'une Force réelle pour ce pouvoir dont on lui avait donné le Eitre, pour cette armée à qui l'on demandait de vaincre. Les hommes intelligents, courageux, dévoués à la cause, ne manquaient point dans cette assemblée si peu exercée à gouverner. Quelques-uns se rendaient au camp, voyaient par eux-mêmes, s'entretenaient avec Washington, rapportaient, à leur retour, l'autorité de leurs observations et de ses conseils. L'assemblée s'éclairait, s'affermissait, prenait confiance en elle-même et dans

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son général. Elle décrétait les mesures, elle lui con rait les pouvoirs dont il avait besoin. Il entrait alors e correspondance, en négociation avec les gouvernements locaux, des assemblées aussi, des comités, des mags trats, de simples citoyens, plaçant les faits sous leur yeux, invoquant leur bon sens, leur patriotisme, mettant à profit, pour le service public, ses amitiés person nelles, ménageant les ombrages démocratiques et le susceptibilités vaniteuses, gardant son rang, parlant de haut, mais sans offense et avec une modération per suasive; merveilleusement habile, au milieu des plus prudents égards pour les faiblesses humaines, à influer sur les hommes par les sentiments honnêtes et la vérite pa

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Quand il avait réussi, quand le Congrès d'abord, puis à les États divers lui avaient donné ce qu'il fallait pour La faire une armée, il n'était pas au terme; l'œuvre de liet guerre ne commençait pas encore; l'armée n'existait pas Là aussi il rencontrait une inexpérience complète, si même absence d'unité, la même passion d'indéperd dance individuelle, le même conflit des intentions pad triotiques et des instincts anarchiques. Là aussi il falla rallier des éléments discordants, retenir des élément toujours près de se dissoudre, éclairer, persuader, art par voie de ménagements et d'influence, obtenir enfin, sans compromettre sa dignité ni son pouvoir, l'adhé sion morale, le libre concours des officiers, même de soldats.

Alors seulement Washington pouvait agir comme

général et penser à la guerre. Ou plutôt c'était pendant la guerre, au milieu de ses scènes, de ses périls, de ses hasards, qu'il avait à recommencer sans cesse, dans le pays et dans l'armée même, ce travail d'organisation et de gouvernement.

On a mis en doute son mérite militaire.

Il n'en a pas donné, il est vrai, ces preuves éclatantes qui, dans notre Europe, ont fait la renommée des grands capitaines. Opérant avec une petite armée, sur un espace immense, la grande stratégie et les grandes batailles lui sont demeurées forcément étrangères.

Mais sa supériorité reconnue, proclamée par ses compagnons, neuf ans de guerre et le succès définitif sont aussi une preuve, et peuvent bien justifier la gloire. Sa bravoure personnelle était brillante, téméraire même, et il s'y livra plus d'une fois avec un douloureux emportement. Plus d'une fois les milices américaines, saisies de terreur, prirent la fuite, et de braves officiers donnèrent leur vie pour apprendre le courage aux soldats. En 1776, dans une occasion semblable, Washington indigné s'obstina à rester sur le champ de bataille, s'efforçant de retenir les fuyards par son exemple, et même de sa main. «Nous avons fait, écrivait le surlendemain le général Green, une retraite pitoyable et en grand désordre, grâce à la pitoyable conduite de la milice.... Les brigades de Fellows et de Parsons ont pris la fuite devant cinquante hommes, laissant Son Excellence presque seule, à quarante toises de l'ennemi,

et si désespéré de l'infamie des troupes, qu'il cherchait la mort de tout son cœur 1. »

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Plus d'une fois aussi, quand l'occasion lui parut fa vorable, la hardiesse du général se déploya aussi bien e que la bravoure de l'homme. On a appelé Washington le Fabius américain, disant que l'art d'éviter les actions, de déjouer l'ennemi, de temporiser, était son talent comme son goût. En 1775, devant Boston, à l'ouverture de la guerre, ce Fabius voulait la terminer d'un seul coup en attaquant brusquement l'armée anglaise, qu'il se flattait de détruire. Trois conseils de guerre successifs le forcèrent de renoncer à son dessein, mais sans ébranler sa conviction, et il en exprima un regret amer1. En 1776, dans l'État de New-York, pendant le froid le plus rigoureux, au milieu d'une retraite, avec des troupes à moitié débandées, et dont la plupart se disposaient à le quitter pour rejoindre leurs foyers, Washington reprit soudain l'offensive, attaqua successivement, à Trenton et à Princeton, les différents corps de l'armée anglaise, et gagna deux batailles en huit jours.

Il savait d'ailleurs quelque chose de plus haut et plus difficile encore que de faire la guerre; il savait la gouverner. Elle n'était pour lui qu'un moyen, constamment subordonné au but général et définitif, le suc

Washington's Writings, t. IV, p. 94.

• Washington's Writings, t. III, p. 82, 127, 259, 287, 290, 291, 292, 297.

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Es de la cause, l'indépendance du pays. Lorsque, n 1798, la perspective d'une guerre possible entre les Etats-Unis et la France vint le troubler à Mount-Vernon, enchant déjà vers la vieillesse et chérissant son repos, écrivait à son successeur dans le gouvernement de république, M. Adams: «J'entrevois sans peine que, i nous entrions dans une lutte sérieuse avec la France, a guerre différerait essentiellement de celle où nous tions naguère engagés. Dans celle-ci, le temps, une éserve prudente, laisser l'ennemi s'user jusqu'à ce que ous fussions mieux pourvus d'armes et de troupes disiplinées pour le combattre, c'était là pour nous le plan aturel et sage. Maintenant, si nous avions affaire aux 'rançais, il faudrait les attaquer à chaque pas'. >>

Ce système d'une guerre vive, agressive, qu'à soixanteix ans il se proposait d'adopter, vingt-deux ans auparaant, dans la force de l'âge, ni les conseils de quelques gééraux, ses amis, ni les calomnies de quelques autres, ses ivaux, ni les plaintes des États ravagés par l'ennemi, i les clameurs populaires, ni le désir de la gloire, ni les nstances du Congrès lui-même, rien n'avait pu l'y enraîner. « Je connais ma malheureuse position. Je sais qu'on attend beaucoup de moi. Je sais que sans troupes, sans armes, sans munitions, sans rien de ce qu'il aut à un soldat, on ne peut faire à peu près rien. Et, ce qui est bien mortifiant, je sais que je ne puis me justi

1 Washington à John Adams, Writings, t. XI, p. 309. Washington à Joseph Reed, Writings, t. III, p. 284.

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