La plus forte de ces barrières était l'esclavage' qui, rès avoir contribué à l'affranchissement de la classe férieure, maintenait la prépondérance de l'aristocra. En donnant aux riches de grands avantages pour la lture du sol, cette institution luttait efficacement contre s causes matérielles qui tendaient à niveler les patrioines; en conservant à la fois aux grands le prestige de autorité et celui de la fortune, elle combattait dans les œurs les progrès de l'esprit d'égalité. Tout colon pouit, en Virginie, occuper des terres étendues, mais, our en tirer parti, il fallait être propriétaire d'esclaves; out franc- tenancier avait le droit de prétendre aux onctions et à l'influence, mais la confiance et la consiération publiques restaient à ceux qui puisaient, dans eur condition même, l'habitude de gouverner. La bienveillance respectueuse que leur portait la nasse de la population ne tenait pas seulement à leur ichesse et à leur puissance; des liens plus solides et lus durables, la communauté des idées, des intérêts et le la vie, les rattachaient au peuple. Il n'y avait point le villes en Virginie. Williamsburg, le siége du gouvernement, n'avait que deux mille habitants, et les membres de l'aristocratie ne s'y rendaient guère que pour y aller représenter dans la Chambre des Bourgeois les intérêts de leur comté. Le reste de leur existence se passait dans leurs domaines, en contact continuel avec les petits planteurs qui, comme eux, absorbés dans les soins et les devoirs d'une vie patriarcale, ne s'en laissaient, comme eux, détourner que par 1 En 1790, sur une population de 748,000 âmes, il y avait en Virginie plus de 200,000 esclaves. la chasse et la guerre. Tout en conservant les gous fastueux et l'humeur sociable et hospitalière de a noblesse anglaise, ils restaient ainsi étrangers an mœurs recherchées et à l'esprit de caste que devel pent les salons et les cours. Cultiver le sol et le défen dre contre les Indiens, gouverner leurs familles et leurs esclaves, faire grandement les honneurs de leurs chasss et de leurs tables, rendre la justice et maintenir l'ordre dans leur comté, commander la milice, telle était Fexis tence des grands propriétaires virginiens. Cette vie isolée au milieu d'immenses espaces où ils ne rencor traient guère que des subordonnés ou des obliges. cette lutte de tous les instants contre les attaques de l barbarie et les résistances d'une nature encore vierge formaient une race intelligente, fière et énergique, à la fois rude et généreuse, habituée à l'autorité é aimant l'indépendance. George Washington en est la personnification. CHAPITRE II. 1732-1759. - issance de Washington. Sa mère.-Son éducation.-Ses travaux d'exploation dans les monts Alleghanys. Développement de la puissance franaise en Amérique. L'Angleterre s'arme pour le combattre.- Guerre de Sept ans.-Washington est nommé major.-Il est chargé d'une mission d'observation sur les frontières du Canada.-Il est nommé lieutenant-colonel. Escarmouche avec un détachement français commandé par Jumonville.- Bataille des Grandes-Prairies. -Washington donne sa démission. -Il reprend du service dans l'armée du général Braddock. - Bataille de la Monongahela. -Washington est nommé commandant en chef des troupes de Virginie. Difficultés de sa situation.- Prise du fort Duquesne.— Washington renonce à la profession des armes.-Sentiments de sympathie pour sa personne dans l'armée et dans le peuple. Il est nommé représentant du comté de Frédéric à la Chambre des Bourgeois. George Washington naquit le 22 février 1732, sur es bords du Potomac, à Bridge's-Creek, dans le comté. le Westmoreland, en Virginie. Sa famille, établie en Amérique depuis 1657, avait appartenu à la petite noblesse du comté de Durham en Angleterre1, et occupait un rang distingué parmi les planteurs de Virginie. Son père était un homme considéré, riche et influent, qui, en mourant, laissa ses dix enfants dans une condi Un membre de cette famille, sir Henry Washington, avait acquis un grand renom parmi les Cavaliers, par sa défense courageuse de Worcester contre les troupes du Parlement, en 1646. tion honorable et indépendante. George Washingt avait onze ans quand il perdit son père. Il resta sous b conduite de sa mère1, femme juste et craignant Diet d'un esprit élevé et pratique, d'un cœur chaud et ferme. et qui inspirait à tous les siens un respect à la fois crailtif et affectueux. « J'ai été longtemps le condisciple de George, » ra conte un de ses cousins, « le compagnon de ses jeux et « l'ami de sa jeunesse. Je craignais plus sa mère qu << mes propres parents. Elle était vraiment bonne : mais. « même au milieu de sa bienveillance, elle m'imposait. « et aujourd'hui que le temps a blanchi mes cheveu « et que je suis devenu le père de trois générations, je « ne pourrais revoir cette femme majestueuse sans «< éprouver un sentiment impossible à décrire1. » Telk est l'impression que Mme Marie Washington a laissée a tous ceux qui l'ont connue; et lorsqu'au milieu des fêtes qui célébrèrent la prise de York-Town (1781), les gentilshommes venus de Versailles pour servir la cause du héros américain, virent pour la première fois la noble figure de sa mère, ils restèrent frappés de l'air de grandeur, de simplicité et d'aisance avec lequel elle recevait les marques de leur vénération, et les soins empressés de ce fils qui venait de faire reculer la puissance de la Grande-Bretagne. La tendresse de Mme Washington était confiante et 1 Marie Ball, née en 1706 d'une famille respectable de Virginie, épousa, le 6 mars 1730, Augustin Washington, qui avait eu quatre enfants d'un précédent mariage, dont deux seulement, Lawrence et Augustin, vivaient encore. Elle mourut le 25 août 1789, pendant la première présidence de son fils. 2 Memoirs of Mary Washington, by M. C. Conkling, p. 22. ilme comme sa dignité. Elle ne se laissait pas plus ›ranler au récit des dangers qui environnaient son fils, l'éblouir à la vue de sa brillante destinée. De tant de érils qu'il eut à affronter, ceux qui menaçaient son ne l'inquiétaient seuls. On exaltait devant elle la ›nduite de Washington au passage de la Delaware. Messieurs, c'est trop de flatterie.... Mais George n'oubliera pas mes leçons; il ne s'oubliera pas lui-même, au milieu des louanges dont il est l'objet1. » Elle avait le droit de parler de ses leçons. Ce fut bien n effet par ses exemples et sous sa discipline que se orma l'enfant dont Dieu voulait se servir pour accomlir ses desseins. Il était plein de force, de hardiesse et e droiture, mais d'un tempérament violent. Elle lui pprit à se dompter. Il reçut une éducation libre, simle et rude qui, sans éteindre en lui le feu de la jeutesse, lui donna de bonne heure la maturité des années, t développa dans son âme le sentiment de la responabilité. Dès son enfance, il sut se gouverner, se suffire lui-même, et suppléer à l'ignorance de ses maîtres ar ses observations personnelles et par le mouvement naturel de son esprit. L'aristocratie coloniale étant restée généralement aussi étrangère que la masse des petits cultivateurs au mouvement intellectuel de l'Europe, l'enseignement avait été négligé en Virginie. Les planteurs envoyaient en Angleterre ceux de leurs enfants qu'ils destinaient aux professions libérales, et ils se contentaient de faire donner aux autres une éducation qui les mît en état de 1 Memoirs of Mary Washington, by M. C. Conkling, p. 47. |