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fatiguer du respect dont on l'entourait malgré so: comme à Athènes, les oisifs se lassaient d'entea toujours parler avec éloge d'Aristide le Juste. Pare même, les plus fidèles partisans de Washington dans Congrès se laissaient involontairement entraîner par emouvement d'humeur. Ils se donnaient alors le plas de passer à Gates une foule de petites licences, et se blaient flattés de sa prétention de ne relever que t Congrès.

Le général Conway, Irlandais fanfaron, brouillon remuant, dont Washington avait plusieurs fois bless l'amour-propre, était le plus habile instigateur de cetr opposition. Promettant à celui-ci des honneurs, à celu de l'argent, exploitant dans tel autre la jalousie et is susceptibilités démocratiques, il donnait à tous l'exer ple de la révolte et de l'insolence contre Washington. en tirait parti, tantôt lorsqu'elle restait impunie, pour braver, tantôt, lorsqu'elle était réprimée, pour se plaindre de l'arrogance du général en chef. Toutes as menées ne réussissaient que trop bien, et dans son infa tuation pour lui-même, Conway se croyait bien si d'arriver à son but, et de jouer un aussi honnête homm que Washington. C'était le mal connaître.

Pour être peu porté à user de finesse, Washington était bien loin d'en manquer. Sans qu'elle fût jamais pour lui un plaisir et un jeu de l'esprit, il savait au besoin es déployer beaucoup dans sa conduite. Avec trop de droiture pour aimer et pratiquer la ruse, il avait trop de pénétration et de sagacité pour en être dupe, et il était aussi habile à découvrir et à démêler une intrigue qu'incapable d'en former une. Depuis longtemps dėja,

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était sur les traces de celle de Conway, et n'attendait e l'occasion de l'éventer. Quelques lignes de Conway Gates, tombées par hasard entre les mains de Washingn, et renvoyées avec mépris à leur auteur, suffirent our déjouer ce complot si bien ourdi'. Conway, trop éréglé pour être vraiment habile, et furieux de se sentir écouvert, avoua tout, et compromit Gates par sa colère t ses transports. Il ne se regarda pourtant point comme attu; il redoubla d'activité, réussit même, tant sa facion avait pénétré avant dans le Congrès, à se faire nomner major général, fit répandre des dénonciations contre Washington, et chercha, mais en vain, à séduire La Fayette le but de son intrigue avait été dévoilé au public par les amis de Washington, et, dès lors, tout fut inutile. Gates crut pouvoir, à force de mensonges et d'effronterie, en imposer à Washington, et se grandir dans l'esprit du Congrès. Washington lui répondit par le sarcasme et le dédain, lui prouva sa duplicité avec une politesse aussi amère que spirituelle, alla au-devant des défiances du Congrès, dit à tout le monde son avis sur Gates et sur Conway, et fut cru de tous. La popularité lui revint. Ses soldats rougirent d'avoir involontairement servi par leurs murmures, une aussi détestable cabale, et se serrèrent autour de lui; ceux de ses amis qui s'étaient laissés aller à le dénigrer reconnurent leur aveugle

1 Au brigadier général Conway (9 novembre 1777): « Monsieur, << une lettre que j'ai reçue hier au soir contient le paragraphe << suivant : « Dans une lettre du général Conway au général Gates, il dit: Le ciel était déterminé à sauver votre pays, sans « quoi un général faible et de mauvais conseillers l'auraient perdu. Je suis, Monsieur, votre humble serviteur, G. Washington. Wash. Writ., t. V,p. 135.

ment, et devinrent plus fidèles; et les membres du C grès qui avaient trempé dans l'intrigue prirent un « soin de faire oublier leur conduite, et d'en détru les preuves, qu'il serait difficile aujourd'hui de le désigner.

Washington n'avait que trop besoin de ce retour a l'opinion, de ce concours de ses partisans, et de c confusion de ses adversaires, pour suffire aux difficul de sa tâche. A mesure qu'ils se développaient, les éve nements en faisaient surgir une foule de nouvelles, sans détruire les anciennes. C'étaient les mêmes désordrese les mêmes souffrances dans l'armée, la même dispre portion entre les besoins et les ressources du servic militaire, les mêmes fictions sur l'effectif des troupes. la même impuissance du Congrès pour briser les résistances locales, réformer les abus, et lever les contingents; tous les maux que Washington avait combattus et vus renaître sans cesse, depuis le commencement de la guerre, grossis et envenimés encore par le relâchement presque général du zèle et du patriotisme dans la classe supérieure. A cet immense déploiement d'énergie qu'avait provoqué, dans l'origine, la crainte de retomber sous le joug anglais, avaient succédé dans les âmes une profonde lassitude et une confiance apathique dans le succès. Depuis la victoire de Saratoga, le triomphe de la cause américaine semblait assuré: ce n'était plus, aux yeux des plus prudents, que l'affaire de quelques derniers efforts, et pour ces efforts-là chacun s'en remettait à son prochain. Les plus éminents champions civils de l'Amérique, John Hancock, John Adams, Jefferson, Patrick Henry, avaient déserté leurs postes dans le

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ngrès, pour se consacrer aux soins de leurs intérêts mestiques ou provinciaux, et tous les jours, des missions en masse dans le corps des officiers venaient enacer l'existence même de l'armée. Le Congrès, luit à vingt-deux membres, perdait son autorité ses lumières', et l'armée ses chefs. Ce double fait quiétait vivement Washington, et ce fut à le combattre 'il employa la plus grande partie de son séjour à Valy-Forge, pendant l'hiver de 1778. Il ne pouvait lutter ontre le premier mal que par ses prières et ses conseils : s restèrent inutiles, au moins pour le moment; mais pouvait s'attaquer au second avec plus d'autorité et 'efficacité.

L'indifférence et le dégoût des officiers pour le service l'étonnaient point Washington. Il connaissait trop bien es hommes, pour leur demander jamais de grands sacrifices sans compensation. Ne pouvant promettre à ses officiers ni la gloire qui accompagne les actions d'éclat, ni les profits d'une grosse solde, ni la reconnaissance de leurs concitoyens, aucune des récompenses qui réveillent le patriotisme dans l'âme des soldats, il trouvait tout simple qu'ils fussent las de souffrir et de combattre, pour une foule d'oisifs et de jaloux, qui les

1 Alexandre Hamilton à George Clinton (13 fév. 1778) : « Il est << un sujet de méditation qui s'impose souvent à mon esprit, et << qui mérite l'attention de toute personne de sens et d'intelli« gence parmi nous. Je veux parler de la dégénération de la << représentation dans le grand Conseil de l'Amérique.... Beau<coup de ses membres sont sans doute à la hauteur de leur << mandat, mais on ne peut le dire du corps lui-même. La folie, << le caprice, le manque de prévoyance, d'intelligence et de Wash. << dignité, tel est le caractère général de ses actes. >> Writ., t. V, p. 508.

accablaient d'injures, et leur marchandaient leur p Jamais le dénûment de l'armée n'avait été aussi affe qu'il le fut pendant l'hiver de 1778; jamais les e gences et les défiances des démocrates n'avaient aussi excessives et ridicules. Ce fut contre ces derniers • non contre ses officiers, que Washington tourna son ingnation; ce fut le Congrès, et non l'armée, qu'il acci Si les officiers abandonnaient le service, la faute en éc à ceux qui, au lieu de les retenir par l'appât de gra récompenses nationales, négligeaient même d'acquit la solde des troupes, et qui, au lieu de relever la conition de l'armée, l'abaissaient par des tracasseries et des calomnies continuelles : « La défiance contre l'armée e « aussi injuste qu'impolitique,» s'écriait-il ; « aucun « classe d'hommes, dans les treize États, n'a montre « plus saint respect pour les délibérations du Congrès. tr « l'on peut ajouter sans arrogance qu'il n'existe, dans « l'histoire, aucun exemple d'une armée soumise à des fa « travaux et à des souffrances aussi extraordinaires, et << qui les ait supportés avec autant de patience et de co«rage. Voir des hommes manquant de vêtements pour « couvrir leur nudité, de couvertures pour se coucher, « de vivres et souvent de chaussure (car on aurait pu << suivre leur trace au sang qui coulait de leurs pieds,1 << s'avancer à travers les glaces et les neiges, et prendre, « à Noël, leurs quartiers d'hiver à moins d'un jour de « marche de l'ennemi, dans un lieu où ils n'ont eu «< pour s'abriter ni maisons ni huttes que celles qu'ils « ont construites; voir ces hommes faire tout cela sans « murmurer, c'est un spectacle de patience et d'obéis «<sance que le monde a bien rarement contemple.

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