de la femme. Ce que nous venons de | avec le monde est enfin le dernier redire du rôle du mari, est tout à fait fondamental; il indique la voie où doit entrer la femme pour le suivre. mède à cette maladie, d'autant plus terrible que le malade se plaît dans son mal. En un mot, occuper l'esprit, ap Au reste, les désordres de l'imagina-précier à leur valeur les choses de la tion, qui enfantent mille maux, n'appartiennent pas seulement à notre époque. Cette maladie se trouve à toutes celles que les révolutions ont violemment agitées, et le Christianisme, avec ce bon sens pratique qui le caractérise, a lutté contre elle dans les siècles primitifs, où le bouleversement de la société avait produit quelque chose d'analogue à ce malaise qui s'est emparé des intelligences de nos jours. Cassien a mis la tristesse au nombre des vices; et Alcuin, au 9e siècle, a écrit ces lignes remarquables : « Il y a deux • sortes de tristesses, l'une salutaire, « l'autre funeste. La tristesse est salu• taire quand l'âme du pécheur s'af• flige de ses péchés, et s'en afflige de • telle sorte qu'elle aspire à la confes•sion et à la pénitence, et désire se • convertir à Dieu. Autre est la tristesse « du siècle, qui opère la mort de l'âme, • devenue incapable de rien accomplir • de bon; celle-ci trouble l'homme et • souvent le désole à ce point qu'il perd l'espérance des biens éternels: de ⚫ cette tristesse naissent la malice, la < rancune, la pusillanimité, l'amer⚫ tume et le désespoir, souvent même ◄ le dégoût de cette vie. Elle est vain⚫cue par la joie spirituelle, l'espérance ‹ des biens à venir, la consolation que ‹ donnent les Écritures, et par de fra⚫ternels entretiens animés par un en• jouement spirituel '., terre, remplir sa vie, voilà le frein qu'il faut imposer aux écarts de l'ima|gination. L'auteur du Mariage au point de vue chrétien n'a pas déduit de principes bien fixes les règles qu'il pose dans cette si importante situation. Il en résulte que quelques-uns sont faux ou puérils. Il conseille au mari une confession de sa vie passée à sa femme. Le simple énoncé de ce conseil suffit pour le réfuter; il n'est pas nécessaire d'en montrer tout le danger par rapport à une âme naïve que le mal ne doit pas même effleurer. Il veut que la femme ne reporte jamais sa pensée sur sa vie de jeune fille; il craint que la comparaison d'un passé naturellement rempli d'illusions ne fasse trouver la réalité trop amère. Il veut enfin que la femme s'arme d'un dogmatisme sévère à l'égard du mari qui n'est pas à la hauteur de ses idées ou de ses croyances. Si on veut le suivre dans le détail, sa pensée n'offre jamais rien de précis ni de bien arrêté. Parle-t-il de la foi, il veut que sa première conséquence soit un exclusisme tolérant (c'est lui qui invente cet affreux barbarisme). « L'ex< clusisme tolérant et ferme qui pro< vient de la force même des convic«tions, rejette absolument les opinions ‹ qui s'en séparent par la racine, tout ⚫ en souffrant les divergences qui s'é« tablissent sur des questions secon« daires. Voilà une bien exacte définition, et l'auteur aurait bien dû expliquer ce qu'il entend par questions secondaires; c'est un mot élastique trèscommode pour l'interprétation de cha Pour lutter contre ce dangereux état de l'âme et de l'intelligence, ne trouvons-nous pas dans ces lignes les remèdes les plus salutaires? La joie spirituelle est ce contentement intérieur qui nait du triomphe de notre volonté sur nous-mêmes. L'espérance des biens à venir détache de ceux de cette terre, dont le Christianisme ne cesse de précher le néant. Les Écritures nous four-telligence honnête, mais qu'il n'a aucun nissent cette nourriture forte qui élève l'âme, l'épure et la fortifie. Un commerce choisi de sentiments et d'idées Alc. op., c. XXXIII. cun. Nous en avons dit assez pour montrer que le Mariage au point de vue chrétien est un livre écrit au hasard d'une inpoint d'appui solide : c'est un édifice bâti sur le sable; ce n'est pas même un édifice : c'est le commérage puritain et diffus d'une femme du monde qui n'a vu qu'à la surface et n'a rien approfondi. Ces caractères en font, je crois, | nous avons voulu établir quelques-uns un livre dangereux, ou au moins stérile en résultats. En le lisant, l'âme se sent saisie d'une profonde tristesse. Quoi! le mariage, si vanté par l'auteur, serait cet enfer où la vie se meut avec tant de peine, où l'on regrette incessamment le passé, où le présent est rempli d'angoisses, et l'avenir d'incertitudes! On ferme le livre, et l'on reste avec cette impression pénible assez sem des principes éternellement vrais de la morale catholique, et qui ont pour beaucoup d'esprits un air nouveau, tant le siècle a été livré aux vents de l'erreur et de la passion! Ne pouvant qu'effleurer un si vaste sujet, nous avons dû nous borner aux points les plus saillants; le détail nous a nécessairement échappé. Ainsi, après avoir exposé les idées qui doivent présider au mariage, le but qu'il se blable à celle que l'on éprouve quand | propose, les moyens qu'il doit employer pour atteindre ce but, il aurait fallu entrer dans le détail des devoirs qu'il entraîne, des rapports qu'il crée entre époux, des diverses situations qu'il l'attention a été excitée sans être satisfaite, quand on a écouté un orateur qui a promis beaucoup et n'a rien tenu. Ces développements excessifs dans lesquels entre l'auteur, ce ton dogmatique et | amène, et enfin traiter de la constitution vague en même temps, ces restrictions de la famille par l'éducation. Ne poucontinuelles à côté d'affirmations pré-vant tout dire, nous avons craint de cises: non, tout cela ne vient pas du cœur. Je reconnais un faux zèle, inspiré par de fausses idées. La charité, la vérité, ne sont pas là. La vie ne doit point être si mathématiquement arrangée; les principes qui doivent la guider n'ont pas besoin de si longs développements; l'Évangile est court, il suffit à toutes les situations, et il a fondé un monde. dire trop peu, et nous nous sommes arrêté quand il nous a semblé que nous avions esquissé suffisamment les principaux traits de cet immense tableau. Nous croyons néanmoins en avoir assez dit pour faire pressentir les idées qui doivent jaillir d'un pareil sujet, et ce que doit être le mariage dans notre société. Nous ignorons ce que l'avenir réserve à cette société ; mais certes, si quelque chose peut la sauver de cette dissolution dont la menace l'égoïsme, c'est la famille. Reconstituez la famille, la so Nous n'ajouterons plus qu'un mot, il fera comprendre le livre. Nous avons pris l'auteur partant du point de vue rationaliste, et le poursuivant dans tout le cours de son ouvrage. Voici comment | ciété sera bientôt forte et vivace; là il conclut : « Ah! nous aussi... nous sentons cette lèpre du rationalisme ronger nos • croyances. Nous la retrouvons par• tout; elle souille jusqu'à nos actes ‹ d'adoration, et c'est parce qu'elle ◄ nous demeure étroitement attachée; ◄ c'est parce qu'elle empêche nos con◄ victions de produire leurs conséquen◄ces; c'est parce qu'elle nous fait ◄ mentir à l'Évangile; c'est parce qu'elle seulement est un germe fécond. Que si, dans la famille, vous rapportez tout à l'individualité, l'égoïsme se saisira encore de vous sous une de ses mille formes. La grande loi qui préside au mariage, c'est donc celle que nous avons posée au commencement de cet article : l'abnégation et le sacrifice. Oui, tout le bonheur de cette vie consiste à se dévouer : dévouement pour la famille, pour la patrie, pour l'humanité! et cet ◄ nous retient dans les liens du vieil | enchaînement de devoirs place l'homme ◄ homme; c'est pour cela que nous la ◄ détestons d'une implacable haine, que ◄ nous la signalons comme la plaie de ◄ notre époque. › Que dire après cet aveu? Il donne raison à nos idées et il condamne les théories qui sont le point de départ du livre que nous venons d'examiner. Donc, à côté des opinions flottantes de l'auteur, au-dessus des atteintes du sort. Que peuvent les douleurs de la terre contre celui qui les mesure, les accepte, et les fait servir à son perfectionnement moral, au bonheur de ceux qui l'entourent? C'est là véritablement l'homme juste, celui que les ruines de la terre frapperaient sans l'étonner; impavidum ferient ruinæ. En s'élevant à cette hauteur, comme les aspérités de la vie disparais- | prend le bonheur et la nécessité de 'a sent, comme les nuages qui couvrent le vrai se dissipent, comme l'âme marche sûrement vers la possession de l'infini! Je ne sache rien de sublime et de salutaire comme cette fin poursuivie par l'homme à travers les affections de la terre. Entré dans cette voie, on com GERSON, CHANCELIER DE L'ÉGLISE ET DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS', par R. THOMASSY, in-18; chez Sagnier et Bray. Prix: 3 fr. 50. L'occasion de la fête de saint Louis nous fait donner à nos lecteurs un fragment d'une Vie de Gerson où il est question de quatre panégyriques consacrés par le pieux chancelier à notre saint roi. On y verra comment l'Université de Paris appréciait ce grand monarque. Quant à la Vie même de Gerson, elle est due aux recherches consciencieuses de M. R. Thomassy, ancien élève de l'école des Chartes. Elle vient de paraître. « Dès l'origine du schisme, en 1578, l'Université de Paris avait témoigné la plus vive répugnance à reconnaître Clément VII au détriment d'Urbain VI, élu à Rome, à la faveur des menaces populaires, mais pourtant dans une assemblée générale des cardinaux. La légitimité du pape d'Avignon, admise aussitôt et à l'unanimité par la cour et les prélats de Charles V, avait paru à l'Université, au contraire, la question la plus difficile comme la plus importante à résoudre. Aussi, dans sa première pensée, supplia-t-elle le roi de ne lui point demander de prompte décision sur ce fameux différend; mais cette demande fut repoussée par la politique qui triomphait alors. L'Université, où se reflétaient toutes les passions qui divisaient et la France et la chrétienté, fut encore obligée de prendre ses conclusions finales à la pluralité des suffrages et non à l'unanimité, comme elle le désirait. Elle trancha donc à son tour la question plutôt qu'elle ne la résolut; mais le désaccord intérieur et les votes divers des facultés et des nations qui la composaient, n'en révélérent pas moins l'état des esprits sur ce lutte; et, chose admirable! cette doctrine, qui élève le culte pratique des devoirs à côté de l'idéal le plus élevé des affections, qui est enfin toute la science de la vie conjugale!... elle contient l'avenir du monde, le bonheur de l'humanité. AMÉDÉE DE BEAUFORT. sance obscure comme la plupart de ses collègues, et vice-chancelier de l'Université. Dans le conseil de paix tenu pour l'union et la réforme de l'Église, il se fit l'organe de l'opinion qui, dans le doute à l'égard du pape légitime, ne croyait qu'au principe de l'unité du Saint-Siége, et en appelait au concile général pour dissiper les scrupules des consciences en résolvant la question des personnes. L'ouvrage où il montrait la sagesse de ce parti, fut à la fois le premier et le meilleur sur ces graves débats, et servit de point de départ à tous les travaux de Gerson sur le même sujet. Ce dernier, en effet, devenu plus tard chancelier de l'Université, ne fit guère que développer les principes de Henri de Hesse, en les modifiant selon les circonstances. De sorte que, grâce à ces deux savants docteurs, le schisme ne fut guéri, après quarante ans de vicissitudes, que par les moyens de guérison proposés à l'origine même du mal. champ de bataille de l'opinion et de la science ecclé-venimer le sujet de tant de discordes. De là, la siastique. Ainsi les nations d'Angleterre et de Picardie, rendez-vous préféré des hommes du Nord, furent d'avis de ne reconnaître aucun des deux papes, jusqu'à ce qu'un concile général eût décidé lequel était légitime. La nation de Normandie suivit, au contraire, la nation de France dans l'obédience de Clément VII. Les facultés de médecine et de droit canon y furent unanimes dans le même sens; mais la faculté de théologie ne se décida qu'après de longs débats et seulement à la pluralité des suffrages. C'est au milieu de ces conflits que brilla Henri de Hesse, célèbre théologien allemand, d'une nais Malgré ces efforts des hommes les plus éminents dans la science, la cour de Charles V n'en triomphait pas moins avec la décision arrachée à l'Université. Elle sanctionna donc l'anarchie qui allait diviser toute la société chrétienne. Et maintenant, pour se faire une idée immédiate de ce grand schisme d'Occident, il faut comprendre comment il brisa soudain le faisceau des forces catholiques. A l'unité succéda partout le dédoublement, et les abus déjà si nombreux se multiplièrent en proportion. Le clergé régulier se divisa en deux camps, de même que chaque ordre monastique en formait deux tout prêts à se faire la guerre au sujet du légitime successeur de saint Pierre. C'est alors que, pour continuer à vivre en paix et à faire le bien qui était encore possible, on fut le plus souvent obligé de ne parler d'aucun pape, de crainte d'en notion du pouvoir et tous les principes du gouvernement de l'Église mis peu à peu en oubli ou dénaturés, et le christianisme déjà traité comme s'il n'était plus une société et un gouvernement. Des principes nouveaux ou du moins des applications toutes nouvelles, que l'effervescence démocratique suscitait de tous côtés, particulièrement dans les ordres religieux, se produisirent aussitôt pour une circonstance aussi extraordinaire. Le trouble universel des consciences favorisait en même temps l'incessante fluctuation des esprits. Aucune délibération ne pouvait conserver le droit de la chose jugée; et toujours entre le bon et le mau* Opera Gersonii, tom. III, col. 1467, où on lit : Collatio facta,... per dominum cancellarium, dùm adhuc esset solum baccalerius in theologia. vais parti, la société religieuse subissait les incon- | l'ardent destructeur des hérésies; deux fois en vénients de tous les systèmes. L'Université elle-même, en 1381, revint sur sa première décision en faveur de Clément VII, dès qu'elle vit ce pontife envahir par des collecteurs, partis de la cour d'Avignon, tous les bénéfices réservés à ses propres membres. Indignés de ces exactions, plusieurs docteurs s'enfuirent à Rome vers Urbain VI. C'est alors que le recteur de l'Université, échappant aux violences du duc d'Anjou, complice de tous les actes arbitraires de Clément VII, entraîna à sa suite, avec une foule d'étudiants, Gilles-des flammé d'un saint zèle, il poursuivit les impies et infidèles barbares, et pour l'accroissement du culte de Dieu il construisit plusieurs monastères et en répara un plus grand nombre. Personne, au reste, ne peut nier l'intérêt qu'il mettait à s'informer du bien-être matériel de ses sujets;... lui-même entoura son peuple de la protection des meilleures lois, lui-même en surveillait l'exécution. Il défendit les duels, il punit les blasphémateurs, et peut-être aurait-il multiplié ses ordonnances, s'il n'avait craint que la multitude confuse des lois et des établisse Champs, chantre de Notre-Dame, et le jeune Ger-ments ne tendît quelquefois bien moins à protéger son, âgé seulement de dix-neuf ans '. Mais cette désertion n'eut aucune suite grave, et ne semble avoir servi qu'à confirmer Gerson dans ses doutes sur la légitimité des deux pontifes: aussi nous le retrouvons bientôt à Paris, et nous le voyons en outre entouré de la confiance de la nation de France, cette portion si importante de l'Université. Mais avant de le mettre en rapport avec la vie publique et générale de cette corporation, étudions-le une dernière fois dans le collège de Navarre pour y surprendre quelques nouvelles tendances de sa nature, y apprécier les influences qu'il a subies comme celles qu'il a exercées, pour le juger enfin, non à la mesure des opinions modernes, mais d'après les idées et la moralité de son temps. Or, parmi les discours qu'il y prononça devant ses anciens maîtres et condisciples, il ne se fit jamais mieux voir face à face que dans ses quatre panégyriques du roi saint Louis. Soit, en effet, qu'à bouleverser une nation'. » Ce discours et les trois suivants surabondent, en outre, des plus belles maximes empruntées aux auteurs grecs et latins, ce qui nous permettra d'apprécier plus tard la renaissance littéraire de l'antiquité; mais ce qu'il faut y remarquer dès à présent, c'est l'influence des études classiques sur l'opinion des lettrés du 14e siècle et sur le développement et l'application de leurs idées démocratiques. Gerson lui-même ne fut pas étranger à ce mouvement de fière liberté qu'excitaient les traditions de la république romaine. C'est ainsi qu'au souvenir des Manlius, des Torquatus on des Brutus qui avaient sacrifié leurs propres fils à l'exécution de la loi et à l'accomplissement de la justice, il rappelle que saint Louis fut également inflexible dans ce devoir, de crainte que l'injustice, comme dit l'Ecclésiaste, ne fit passer la royauté d'une famille à une autre. Il le loue aussi d'avoir imité qu'on examine celui que Gerson prononça n'étant | Charlemagne, que toute la postérité chrétienne a Nous pouvons donc pénétrer dès à présent dans la conscience même de Gerson; nous savons quel est pour lui le criterium du juste et du vrai, et il ne faudra pas nous étonner plus tard de le voir agir sous l'inspiration des mêmes pensées. C'est après encore que simple bachelier en théologie, c'està-dire peu après son retour de Rome, ou bien les autres prêchés plus tard, jamais assurément l'homme que nous cherchons ne se révéla mieux que dans ces éloges de la France du 13e siècle, tous pleins d'allusions et de blâmes pour la France du 14e. Et d'abord ce qu'il nous importe le plus d'y remarquer, c'est ce que Gerson remarque et loue luimême dans la vie de son héros, car son appréciation de la politique chrétienne de saint Louis n'est que la traduction de ses propres pensées sur le meilleur gouvernement de l'Église et de l'État sous le règne du jeune Charles VI. Après avoir vu dans les armes de France au champ d'azur un symbole de l'excellence religieuse du royaume très-chrétien, et dans ce royaume un jardin de délices arrosé par les sources pures de l'Université de Paris, dont les quatre facultés étaient autant de fleuves qui fécondaient toute la terre, Gerson vient à parler du saint Roi d'après la chronique et l'histoire bien connue de sa vie. « Qui ne sait, dit-il, qu'il fut le plus chrétien dans la défense de la religion catholique? Il fut encore • Voir Historia Univers. Bulæus, tom. IV, p. 385; - et Meyer, lib. XIII. célébré pour ses guerres sans relâche contre les infidèles, et pour les insignes victoires dont il avait orné la chrétienté tout entière et particulièrement le royaume des Francs. « C'est à cet exemple, dit<< il alors, et à celui de son père Louis VIII, qui << avait chassé les hérétiques du comté de Toulouse « et de l'Albigeois, que notre roi très-glorieux « passa deux fois les mers pour briser la tyrannie « des infidèles, et souffrit avec constance la faim, la soif, la prison et les maladies, faisant ainsi de « la cause de Dieu et de tous les chrétiens sa propre « affaire, au lieu de languir dans une inerte oisi« veté et dans de lâches plaisirs. » Ainsi la justice, comme la comprenait le jeune Gerson, c'était la défense ardente, infatigable 'au dedans comme au dehors, de tous les principes du christianisme et sans distinction aucune de l'hérétique ou du musulman; car la loi chrétienne était pour lui la règle souveraine de la vie et de la discipline sociale, et il lui semblait aussi criminel de la violer dans le culte, la morale et le dogme, que de vouloir la détruire ou l'amoindrir politiquement". • Opera Gersonii, tom. III, col. 1432. Dans le second des discours pour la fête de saint Louis, il dit encore de ce prince: « Quod omnes sortilegos, aruspices, magos, cæterosque dæmonum invocatores potenter aut extrusit aut cremavit. Quod bina vice, cum immensis sumpti nous y voyons comment sa science, aussi bien que sa piété, entendait les rapports si importants de l'Église et de l'État, que le schisme avait entièrement intervertis et bouleversés. Or saint Louis, comme le prouvent et les instructions qu'il avait avoir cité l'exemple des Brutus et des Charlemagne, ❘ lui-même écrites pour son fils, et le modèle qu'il lui avait proposé dans son aïeul Philippe-Auguste, monarque si empressé et si respectueux auprès des que Gerson, poursuivant ses allusions à ce qui intéressait le plus son auditoire ecclésiastique, rappelle avec Aristote que le souverain d'un État n'en | clercs, apportait, dit Gerson, dans ses rapports doit pas être le tyran, mais bien l'économe et l'administrateur. « Or, si les caractères de la tyrannie, dit-il, sont de rendre les sujets pauvres, méfiants entre eux et ignorants, saint Louis ne s'est jamais réjoui de la pauvreté de ses sujets, lui qui répandait à profusion ses aumônes; il n'a jamais souhaité la discorde des siens, lui qui, au moins deux fois par semaine, écoutait et jugeait leurs causes. Désirait-il enfin que les citoyens fussent des ignorants? personne n'a témoigné aux savants plus de respect; personne n'a mieux joui de leur société, ni mieux profité de leurs avis. C'est lui, en effet, qui a toujours favorisé l'Université de Paris, cette source la plus célèbre de la science, lui qui l'a dotée des grands priviléges qu'elle conserve encore; mais à leur tour, c'est par l'Université que règnent dignement les rois de France, c'est par elle qu'ils sont confirmés dans la vérité, et que de chrétiens ils sont devenus les très-chrétiens: de sorte que s'il existait un homme assez méchant et assez pervers pour en souhaiter ou en chercher la désolation, moi, je ne le déclarerai pas seulement tyran, mais bien le tyran le plus damnable et le plus scélérat'. » Voilà done Gerson livrant à son auditoire trèschrétien du collége royal de Navarre toutes les impressions de sa jeune âme, et les appropriant sans doute aux sympathies de ses maîtres et de ses condisciples, comme au mouvement de l'opinion générale de l'Université. Nous reviendrons encore sur ces discours pour en apprécier les vues littéraires. Contentons-nous d'en rappeler ici les conclusions morales et politiques les plus directes, et voyons surtout comment Gerson montrait dans saint Louis le modèle des souverains. « Un roi catholique, disait-il, a trois devoirs principaux à remplir: protéger l'Église, rendre la justice et garantir ses sujets de toute injure. » De ces trois devoirs, c'est le premier qu'il nous importe le plus de caractériser d'après Gerson, car bus, sed multo majore sui capitis, clarissimorumque liberorum et fratrum suorum periculo adversus infideles transfretavit, tantorum et tam multorum vitam pro exaltatione Christanæ religionis exponere paratus. Quod, tempore adversitatis ipse erectior, alque constantior semper in fide assurgebat. Quod vel blasphemos in Deum et ejus sanctos adustione candentis ferri plectebat. » (Tom. III, col. 1442.) * « Ego eum non tyrannum modo, sed damnabilissimum et sceleratissimum tyrannum judicarem. » Voir le quatrième discours pour la fête de saint Louis. Opera Gersonii, tom. III, col. 1464 et 1468, avec ces derniers, non-seulement des égards, mais encore la plus grande condescendance, en échange de tous les avantages que lui et son royaume avaient dus à l'influence du clergé. < Plût à Dieu, s'écrie-t-il alors, plût à Dieu que les princes modernes portassent de pareilles pensées envers l'Église; car elle ne serait pas restée abattue si longtemps sous un horrible schisme; ses droits et ses libertés ne seraient point violés chaque jour; enfin le nom jadis si vénéré du sacerdoce ne nous serait pas maintenant jeté par les pervers comme une insulte et un outrage! O bienheureux combattant du Christ, Louis, regarde, je t'en conjure, cette sainte Église que tu as tant aimée, protégée et exaltée ! » Mais déjà les puissances temporelles, quand elles ne méprisaient point l'Église, n'avaient aucun souci de ses libertés. La confusion des pouvoirs politiques et religieux était à son comble, et dans cette mêlée le droit du plus fort était seul capable de se faire reconnaître. Aussi « les hommes d'armes, << continue Gerson, commenceront toujours à re<< chercher les biens ecclésiastiques pour en en« lever tout ce qui peut servir. Quant à la popula«tion inoffensive qui habite les campagnes et les << bourgs, elle n'est ni autant ni si souvent accablée << par les ennemis que par nos propres chevaliers ou « Dos mercenaires; bétails et provisions, tout lui « est ravi dans sa demeure; bien d'autres violences « s'y commettent, que je rougirais de raconter. « De sorte que le pauvre peuple est à la fois op<< primé et dépouillé par l'ennemi, par nos armées, « et enfin par les impôts et toutes les exactions << croissantes qui les accompagnent..... » Utinam moderni principes, utinam similem animum ad Ecclesiam gererent! non enim ipsa hoc horrendo schismate tandiu prostrata jacuisset, non ejus libertates quotidie violarentur, non denique venerandum olim sacerdotii nomen, nunc exprobationis loco et vituperii, ab improbis objiceretur. O beatissime pugil Christi, Ludovice, respice, obsecro, hanc quam tantopere amasti, protexisti atque exaltasti Ecclesiam sanctam. (Second sermon pour la fête de saint Louis, tom. III, col. 1445.) Inutile de dire que dans aucun des quatre discours il ne peut être question le moins du monde, directement ou indirectement, de la prétendue pragmatique sanction attribuée à saint Louis. En effet, au 14a comme au 13o siècle, en quoi pouvaient donc consister les libertés de l'Église gallicane si gratuitement travesties de nos jours? Évidemment à être libre à l'égard des princes temporels, et nullement à l'égard de la papauté. |