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PREMIÈRE PARTIE. DOCTRINES THEOLOGICO-PHILOSOPHIQUES. - (SUITE.)

SEPTIEME LEÇON'.

1. Suite de la morale, de l'ascétisme et du mysti

cisme. 2. Doctrines secrètes des brahmanes: leur tolérance; leur indifférentisme religieux, moral et philosophique.

§ 1. Pour obtenir la délivrance et atteindre au sommet de la perfection et du bonheur, le fidèle indien doit passer par quatre genres de vie successifs: 1o celui de Brahmatchâri (initié, novice, élève en théologie); 2o celui de Gréhasthah (maître de maison); 3o celui de Vânaprastha (habitant des forêts, anachorète); 4o celui de Sanniasi (qui a tout abandonné). Ce dernier genre de vie est le dernier degré du développement de la vie spirituelle, et par conséquent le plus parfait. La contemplation, l'union mystique de l'âme à Dieu, l'extase et l'absorption en Dieu le constituent essentiellement. Il n'est permis de l'embrasser qu'après avoir passé dans les trois précédents, et en avoir rempli fidèlement toutes les obligations.

• Ces obligations consistent en général dans les devoirs moraux (Yamas) et

• Voyez la vi leçon au no 102, t. XVII, p. 405. T. XVIII. - N° 105. 1844.

les devoirs pieux (Niyamas). Voici l'énumération qui a été faite des uns et des autres par Yadjnavalkya, célèbre législateur cité par les deux commentateurs du Manava-Dharma-Sastra, Koullouka et Raghavananda. Les Yamas, au nombre de dix, sont : la chasteté, la compassion, la patience, la méditation, la véracité, la droiture, l'abstinence du mal, l'abstinence du vol, la douceur et la tempérance. Les Niyamas sont : les ablutions, le silence, le jeûne, le sacrifice, l'étude du Veda, la continence, l'obéissance au père spirituel, la pureté, l'impassibilité et l'exactitude 1. ›

Le Manava-Dharma-Sastra parle encore d'une triple dette que le disciple de la vie spirituelle doit avoir acquittée avant d'être admis au degré supérieur de la perfection: la dette envers les saints (Maharchis), en lisant l'écriture inspirée; la dette envers les mânes, autrement dite la dette envers les ancêtres, en procréant au moins un fils; la dette

Cités par Loiseleur-Deslongchamp, sur la stance 204 du liv. 1v du Manava-Dharma-Sastra, note (1). • Liv. IV, st. 257; liv. vi, st. 35, 36; liv. VII, st. 94, 95.

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envers les dieux, en accomplissant les sacrifices. La première et la dernière sont évidemment contenues dans la catégorie précédente des Niyamas ou devoirs pieux; la seconde regarde la deuxième période de la vie, celle de Gréhasthah, c'est-à-dire d'homme marié et maître de maison, dont nous avons déjà parlé.

Enfin, après avoir préalablement rempli tous les devoirs de Brahmatchâri et de Gréhasthah, le Dwidja, tout fidèle indien initié et régénéré, voyant sa peau se rider et ses cheveux blanchir, doit renoncer à tous ses biens, à toute affection d'amour ou de haine, à toutes les superfluités de la vie; maîtriser ses organes des sens dans tout ce qu'ils ont de sensuel et de déréglé, au point qu'ils soient tout à fait insensibles en présence des objets qui ont coutume d'exciter leurs convoitises; se réduire au strict nécessaire pour le vêtement, le logement et la nourriture; se retirer dans une forêt pour se livrer à toutes sortes d'austérités et de privations douloureuses; mener enfin le genre de vie propre aux Vânaprastha'.

Dans le principe, les Vânaprastha étaient sans aucun doute les mêmes que ces Brachmanes et ces Gymnosophistes dont plusieurs historiens de l'antiquité grecque et romaine nous ont retracé les mœurs, les dogmes et les connaissances philosophiques 2. Ce sont ces philosophes qui donnèrent à la caste des Brahmanes sa plus grande illustration et peut-être aussi sa première origine : car de tout temps on les a révérés comme lės instituteurs du genre humain, comme les premiers fondateurs de la société, comme les législateurs de la nation,

Manava-Dharma-Sastra, liv. VI, st. 1... Il serait nécessaire, pour se faire une idée exacte du genre de vie propre aux Vanaprastha et aux Sanniasi, de rapporter ici tout le livre vi; ce qui en est rapporté d'après l'histoire par l'abbé Dubois, Mœurs, Institutions des Peuples de l'Inde, t. II, p. 228-260; et par Daniélo, Tableau de l'Univers, t. II, passim;

mais particulièrement chapitre III. Voyez aussi le Bhagavata Purana, traduct. franç., par M. Eug. Burnouf (dont le t. I est public), où il en est souvent parlé.

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Un grand nombre de leurs témoignages ont été recueillis par Danièlo. Ibid.

comme les sages et les philosophes de l'antique Hindoustan. Non-seulement les peuples et les rois, mais encore les plus grands dieux eux-mêmes les respectaient et regardaient comme un trèsgrand honneur, comme une faveur insigne d'être admis en leur présence. Malgré les honneurs infinis dont ces illustres personnages comblaient les Vânaprastha, ceux-ci les traitaient souvent avec hauteur et insolence; et malheur à quiconque s'était attiré leurs malédictions par ses vices, ses crimes et son impénitence ! Dieu ou homme', roi ou peuple, il ne manquait jamais d'éprouver les funestes effets du courroux des cieux. L'histoire des Indiens, leurs légendes mythologiques et leurs livres sacrés sont remplis de ces traits qui prouvent la haute considération dont les Vanaprastha jouissaient auprès des dieux et des hommes. Mais on ne sait rien de certain sur leur origine, l'histoire et les diverses transformations de cette corporation à la fois religieuse et philosophique, ni sur l'époque où leurs conceptions dégénérèrent en une métaphysique abstraite et subtile, en une morale vaine, en une dévotion superstitieuse, ni enfin sur l'époque où se séparant du reste de la nation, et formant un corps à part, les Vânaprastha donnèrent naissance au régime despotique des castes et à la domination des Brahmanes, ou seulement à une école philosophique d'où provinrent originairement tous les systèmes.

Quoi qu'il en soit, le genre de vie propre aux Vanaprastha n'est plus considéré depuis longtemps dans l'Inde que comme une troisième période de l'existence du fidèle indien des trois ou quatre premières castes, et particulièrement de celles des Brahmanes. Il consiste essentiellement dans la vie solitaire et érémitique, dans une méditation et une contemplation plus soutenues, dans une étude plus approfondie de la science sacrée et des Védas, dans certaines pratiques plus nombreuses d'une dévotion et d'une morale plus austères, et enfin dans ce que nous appelons aujourd'hui ascétisme, mysti

• Voyez le Manava-Dharma-Sastra, liv. VI.

cisme, illuminisme et quiétisme. Ce genre de vie rappelle ces pénitents célèbres dès la plus haute antiquité, et qui, frappés du souvenir d'une faute immense, inexpiable, espéraient néanmoins fléchir le ciel épouvanté par la rigueur de leurs expiations et l'austérité de leurs vertus. Nous ne saurions, d'après cela, regarder comme les légitimes successeurs des antiques et vénérables Vanaprastha, ces solitaires et ces prétendus pénitents qui parcourent par troupes les villes et les bourgades de l'Inde, étalant à tous les regards le honteux et révoltant spectacle de leur nudité, de leurs macérations, de leurs excès en tout genre d'immoralité, de la plus noire hypocrisie et du plus dégoûtant cynisme: ils n'en ont ni la sagesse, ni la piété, ni la vertu, ni la dignité, ni la science *.

Tous les efforts du Vânaprastha tendent à le faire arriver à l'état le plus parfait, celui de Sanniasi, dont le but comme le terme final, quand on peut y atteindre, est la délivrance de tout péché ainsi que de tous les maux de la vie présente, et la complète et définitive identification avec Brahm. Telle est, à la vérité, la fin commune de tous les systèmes de religion, de morale et de philosophie dans l'Inde; mais d'après la croyance générale, la délivrance et l'absorption ne peuvent être obtenus que par l'accomplissement des devoirs et des pratiques propres aux Sanniasi. Les règles des Sanniasi ne diffèrent pas essentiellement de celles des Vânaprastha, mais seulement par un degré de perfection plus élevé et par la prétention de conduire celui qui s'y soumet

• Voyez l'abbé Dubois (ibid.). - Baldée, historien allemand, qui a voyagé dans l'Inde, cité par Anquetil-Duperron, Oupnék'hat, t. I, p. 643... Daniélo (ibid.), p. 167... - D'après Abraham Roger, missionnaire protestant à Paliacatte, sur les côtes de Coromandel, et plusieurs voyageurs modernes dans l'Inde.

au terme désiré de la délivrance et de l'absorption. Par exemple, le Vanaprastha, quoique ayant renoncé au monde, y tient encore par sa femme et ses enfants, qu'il emmène avec lui, et par les soins domestiques qu'il leur doit; le Sanniasi y renonce tout à fait, et s'impose le pénible sacrifice d'abandonner sa femme et ses enfants : le premier se soumet à de rudes mortifications, à des privations continuelles; le Sanniasi fait de plus profession de pauvreté et se résigne à ne vivre désormais que d'aumônes. Un bâton, une peau de gazelle, une gourde, des socques de bois pour chaussures, un vêtement d'écorce ou de feuilles qui couvre à peine sa nudité, voilà toute la richesse du Sanniasi : il n'a ni feu, ni lieu; il ne peut se nourrir que des produits spontanés de la terre, des grains croissant d'eux-mêmes, d'herbes et de racines sauvages, de fruits produits par les arbres des forêts et autres choses semblables; mais jamais il ne doit se nourrir de ce qui a poussé dans un champ cultivé de main d'homme, quand même ce champ serait abandonné par le propriétaire. En un mot, le Sanniasi se rapproche le plus possible par son genre de vie de l'état de pure nature'.

Cette tendance, ainsi que les maximes et les pratiques qui s'y rattachaient, furent également attribuées aux anciens Gymnosophistes ou Vanaprastha dont nous parlent plusieurs écrivains grecs et latins; nouvelle preuve que les Vânaprastha et les Sanniasi n'étaient pas, du moins à l'origine, ni deux sectes, ni deux classes d'hommes tout à fait distinctes et séparées, mais seulement deux degrés particuliers d'initiation aux mêmes pratiques et aux mêmes doctrines religieuses et philosophiques. Ce ne sont pas seulement les historiens qui passent de l'une à l'autre insensiblement quand ils parlent de ces deux classes d'hommes ; les livres sacrés des Indiens favorisent eux-mêmes cette confusion, lorsque, parlant aux Vanaprastha, ils leurs di

* Aussi l'abbé Dubois nous dit-il qu'il doute qu'il existe encore des Vânaprastha dans les pays qu'arrosent le Gange et l'Indus, où il paraît certain que cette secte de philosophes était jadis florissante et nombreuse, et qu'elle s'est entièrement éteinte dans | fait attention au genre de vie que menaient ces la presqu'île de l'Inde. Mœurs el Institutions... de l'Inde, t. 11, p. 228.

L'expression ne paraîtra pas trop forte si l'on

Vanaprastha ou Gymnosophistes, d'après leurs livres sacrés et les récits des anciens.

sent les devoirs par lesquels ils doivent | cation avec l'Étre suprême'. Aussi ac

s'élever à l'apogée de la perfection, et que d'autre part ils rappellent aux Sanniasi que, pour atteindre à cette perfection, il faut avant tout qu'ils remplissent rigoureusement et avec piété les devoirs propres au Vânaprastha, ou

compagnent-elles tous les moyens particuliers d'arriver au but suprême, qui sont au nombre de trois : 1o la répression des passions, savoir l'amour de l'or, de la terre et des femmes; 2o la contemplation, c'est-à-dire la prière,

d'autres devoirs tout à fait analogues'. | la méditation pieuse et l'extase; 5o la C'est pourquoi nous avons dû nous-mortification du corps et des sens, ou même réunir ensemble les principes l'entière abnégation de soi-même. Enfin moraux, mystiques et philosophiques professés par ces deux classes de philosophes.

la mortvolontaire par le feu ou sous les roues du char sacré de Siva ou de Vichnou, ou de quelque autre grande divinité, hàtait la délivrance de l'âme

Le Vânaprastha et le Sanniasi doivent donc se préparer à recueillir prochai- | et sa réunion définitive ou son absorp

nement le fruit désiré de tous leurs

efforts, savoir : la réunion avec la divi-
nité suprême, l'identification définitive |
avec Brahm, l'absorption dans le sein
de l'Étre infini et souverainement heu-
reux, avec lequel étant un, on est délivré
à tout jamais de tout mal, de tout désir,
de toute affection mondaine, de la vie
présente, de tout péché et de la possi-
bilité même de pécher; dans cet état,
on vit de la vie de Dieu même, on est
heureux de son bonheur, on est Dieu.
D'après les livres sacrés et les rituels,
que nous suivons ici, ce bien suprême
s'obtient par une méditation soutenue,
par la complète abstraction de l'âme des
choses de la vie présente, et par la con-

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tion dans le sein de Brahm.

On pourrait croire que ces maximes rentrent dans la morale générale, qui a été l'objet de nos explications précédentes; mais il n'en est point ainsi : il faut les prendre dans leur acception la plus étendue et la plus rigoureuse.

Selon les philosophes dont nous parlons, tous les hommes naissent avec trois penchants principaux dont l'objet est l'or, la terre et les femmes, c'est-àdire la richesse, l'ambition, la luxure.

« La voie, pour être un avec l'Ame universelle (Dieu), est de la connaître, de renoncer aux plaisirs des sens, aux actions des sens relatives à la vie terrestre, à toute volonté et à tout désir. Ceux qui se sont purifiés de leurs passions et de leurs vices,

templation de l'essence divine, qui pro- qui connaissent le Vêda et le mettent en pratique,

duit la vraie science, la science libératrice, la grande science, la science de l'unification 3.

voient ici-bas même cette Ame universelle, qui est la lumière pure, l'Etre suprême. La connaissance de Dieu comprend trois choses: la science et la pratique du Vêda, la mortification et la médita

Pour bien comprendre ceci, il faut d'abord admettre en principe que la ❘tion sur Dieu. Qui réunit ces trois choses parvient

méditation pieuse et l'austère dévotion, certaines prières extraites des Védas, les cérémonies religieuses et la divine science sont d'une efficacité irrésistible et incontestable pour effacer toutes sortes de péchés, conférer à l'âme tous les biens spirituels dans ce monde et dans l'autre, et obtenir dès celui-ci l'identifi

• Voyez le Manava-Dharma-Sastra, liv. vi. L'Oupnék'hat, passim. - L'abbé Dubois, ibid., p. 228-288. - Daniélo, Tableau de l'Univers, t. II, ch. III.

• Manava-Dharma-Sastra, liv. vi, st. 85..., et alibi passim.

3 Manava-Dharma-Sastra, liv. VI. - Oupnék'at, passim. Voyez plus haut la ve leçon.

au Créateur, se réunit avec Lui, s'identifie avec Celui qui remplit tout de son immensité, et devient un avec Lui. » Extraits textuels de l'Oupnék’hat,

passim. L'Oupnék'hat est rempli de passages sem

blables.

* C'est une des doctrines les plus importantes de la religion des Indiens, comme de leur philosophie morale. Elle se trouve au fond de toutes les anciennes religions qui ont eu des dogmes tant soit peu explicites; et elle rappelle à l'esprit ce passage de l'apôtre saint Jean : « N'aimez point le monde, ni « ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le « monde, l'amour du Père n'est point en lui; car « tout ce qui est dans le monde est ou concupis« cence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou << orgueil de la vie : ce qui ne vient point du Père, < mais du monde. Or le monde passe et sa concu«piscence; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure dans l'éternité. » I Joan., 11, 15-17. Les

Par l'amour de l'or, ils entendaient non-seulement la cupidité et l'avarice, mais encore les honneurs et toutes les jouissances de luxe que l'on se procure avec ce précieux métal, comme les emplois lucratifs, les belles maisons, les

Enfin, par l'amour des femmes, les Vanaprastha entendaient tous les plaisirs sensuels qui ne sont pas légitimés par les liens sacrés du mariage, et les repoussaient avec une vive horreur; encore n'usaient-ils des droits conju

riches vêtements, un genre de vie somp-gaux qu'avec une extrême retenue. Ils

tueux. Les Sanniasi et les Vanaprastha avaient un éloignement complet pour tous ces faux biens. Il les condamnaient absolument comme l'ambitionelle-même et la luxure.

Par l'amour de la terre, ils entendaient les propriétés foncières, les héritages, tous les biens immeubles, sans en excepter la possession d'une principauté ou d'un royaume. Sous ce rapport, le Vanaprastha diffère du Sanniasi en ce qu'il a encore un ermitage, quelques vases de cuivre ou de terre, et même quelques vaches pour lui fournir le lait qui est le fond de sa nourriture, ce qui est considéré comme une grande richesse. Le Sanniasi ne possède rien de tout cela; il est errant et n'a point de demeure fixe, ni qui lui soit propre; des herbes ou des racines, des grains ou des fruits sauvages sont toute sa nourriture; il ne mange qu'une fois par jour : un plat de bois, sa gourde, un bâton, une peau de gazelle avec son chétif vetement, sont toute sa richesse. Tout le reste est sévèrement proscrit comme

ne reconnaissaient dans l'union des sexes d'autre fin ni d'autre but que la multiplication du genre humain, la délivrance des âmes des liens de la métempsychose, l'accomplissement d'un devoir; et ils ne voyaient hors de là que dérèglement et fornication. Une seule faute d'incontinence suffit, selon eux, pour anéantir tous les mérites antérieurs et renverser de fond en comble la vertu la plus solidement établie. Le Sanniasi a de plus quitté pour toujours son épouse; il doit éviter avec soin la compagnie des femmes, et il ne peut pas même les regarder en face.

La répression des passions, la mortification du corps et des sens ont pour but de produire une complète insensibilité au chaud, au froid, à la douleur, au plaisir, à la colère, à la haine; l'oubli et le mépris de tous les préjugés et de tous les priviléges de classes ou de castes; l'impassibilité et l'apathie la plus parfaite, même en présence des objets qui ont coutume d'exalter le plus les sens et les passions; dispositions qui

superflu et comme un obstacle invincible | se résument dans un seul mot: l'entière

à la sanctification de l'âme et à sa déli

vrance.

antiques traditions, comme le témoignage universel de la conscience humaine, s'accordent avec l'Eglise catholique pour reconnaître ce penchant au mal naturel ou inné dans l'homme, la déchéance des premiers ancêtres du genre humain, et la transmission de ses funestes effets à tous leurs descendants. Ni l'orgueil, ni les sophismes, ni même les passions, ne pourront effacer de notre âme le sentiment de ce triple penchant au mal et de la dégradation de notre nature. Ces trois convoitises ou mauvais penchants sont encore à présent désignés dans l'Inde par trois mots pour ainsi dire sacramentels : locayetchanai, atlayetchanai, poutrayetchanai. L'explication qui va en être donnée est tirée du Manava-Dharma-Sastra, des anciens rituels cités par l'abbé Dubois, Mœurs, Institutions... de l'Inde, t. II, 228-288, passim. - De l'Oupnék'hat, I, no 20; v, n° 82-84. - Préface du traducteur persan, et alibi passim.

abnégation de soi-même. Arrivé à cet état, le Vânaprastha et le Sanniasi sont morts à toutes les choses d'ici-bas; la vie présente n'est plus rien pour eux '. Alors seulement il est capable de cette contemplation sublime et abstraite de l'essence divine dans laquelle il peut obtenir la délivrance, la suprême béatitude, la réunion complète et définitive avec Brahm2.

Le Manava-Dharma-Sastra, liv. vi. Tout ceci ne rappelle-t-il pas la mort philosophique de plusieurs sages de la Grèce; le quotidie morior de saint Paul, et le ... qui utuntur hoc mundo tanquàm non utantur. I Cor., VII, 29 31.

2 « Méditant avec délice sur l'Ame suprême (c'està-dire Dieu), assis, n'ayant besoin d'aucune chose, inaccessible à tout désir sensuel, sans autre société que son âme, qu'il vive ici-bas dans l'attente de la béatitude éternelle. - En prenant peu de nourriture, en se retirant dans les lieux les plus écartés,

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