< tient le plus du temps et de l'éternité « (p. 79). Quelques esprits accoutumés aux lectures plus frivoles trouveront peut-être ce plan un peu entaché de mysticisme, et difficile à saisir au premier coup d'œil. A ceux-là nous n'avons qu'une réponse à faire: Lisez l'ouvrage de M. Gerbet, et dites-nous s'il est possible de montrer la vérité sous un jour plus net et plus resplendissant, d'exposer d'une manière plus poétique et plus philosophique les grands enseignements religieux que la ville sainte proclame de toutes parts, et, pour ainsi parler, par chacune de ses pierres. respect pour les derniers restes d'une personne chérie, que dans la foi à l'immortalité de l'âme et à une résurrection future, dont la tradition générale a conservé partout des traces plus ou moins sensibles. Les idées chrétiennes sur la mort, donnant à ces deux dogmes une certitude plus forte et de nouveaux développements, durent recevoir au dehors une expression plus claire et plus marquée. Dès le principe, elles se produisirent dans le langage des premiers chrétiens. La mort devint une naissance pour l'âme et un sommeil pour le corps. Voilà, sans doute, pourquoi les lieux de sépulture, désignés auparavant par des noms funèbres ou profanes, reçu C'est donc la philosophie et la poétique de Rome chrétienne que M. l'abbé | rent celui de cimetière (cœmeterium), Gerbet nous donne sous un titre modeste. A côté de la cité matérielle dont la beauté l'a si profondément saisi, il a su voir une beauté mille fois plus resplendissante, celle de la cité intellectuelle, qui en est comme l'archetype. C'est leur union constante qui fait le principal objet et le caractère le plus distinctif de, son livre, où les monuments bâtis de la main des hommes nous apparaissent toujours en relation avec les idées éternelles qui les ont élevés et groupés sur un point de l'espace, selon un plan et dans un ordre qui échappent trop souvent à l'œil de l'ob servateur. Le premier volume de l'Esquisse est destiné à la revue des monuments qui rappellent d'une manière plus directe l'unité, la perpétuité et l'universalité religieuses, et dont la réunion nous présente Rome comme étant nécessairement le centre du christianisme. L'auteur s'arrête d'abord à trois classes de monuments auxquelles vient se rattacher toute l'économie de la vie chrétienne: - les tombeaux des martyrs, qui proclament si haut le dogme pour lequel tant de héros ont versé leur sang; les temples, asiles naturels de la prière et de tout ce qui a rapport au culte; - les chaires pastorales, emblèmes de la hiérarchie ecclésiastique, du gouvernement spirituel et de la législation qui en émane. Le culte des tombeaux a son principe, moins encore dans l'affection et le qui signifie proprement un dortoir. Pendant que l'âme s'éveillait à la vie de la gloire et passait du rêve de l'existence temporelle aux célestes réalités, le corps allait, de son côté, prendre un peu de repos et subir une purification passagère au sein de la terre d'où il était sorti, jusqu'au jour peu éloigné où il devait être réveillé par les anges et transporté dans les cieux au devant du souverain juge. Le texte sacré nous offre plus d'une fois cette dénomination de sommeil, appliquée si justement à l'état du corps séparé de l'âme, mais nulle part peut-être sous une forme plus touchante que dans cette parole du Sauveur, lors de la résurrection d'une jeune fille : cette enfant n'est pas morte, elle dort; - non est mortua puella, sed dormit (Matt., Ix, 24). De cette manière de considérer la mort découlèrent tout naturellement le respect et l'honneur tout particuliers dont les fidèles environnaient les dépouilles mortelles de leurs frères. Elles étaient toujours les temples du SaintEsprit, sanctifiés par la grâce divine, consacrés par les sacrements dont la mort n'avait pu effacer le caractère. Cet honneur et cette révérence devaient s'accroître bien davantage à l'égard des corps des saints martyrs: il ne faut pas moins que les motifs fournis par l'énergie de la foi et de la charité chrétienne des premiers siècles pour expliquer la vénération, disons mieux, le culte qui leur fut décerné. Quelquesunes, de ces reliques furent toujours placées sous l'autel où s'immolait chaque jour la céleste victime. On vit des femmes du rang le plus élevé, des filles de consuls et de sénateurs, chercher elles-mêmes les corps des. martyrs, éponger leur sang, rassembler leurs membres épars sur le lieu du supplice et les confier secrètement à la terre, comme un dépôt qu'elle devait se tenir prête à restituer au jour du réveil. Elles croyaient entrer ainsi en participation de mérites et de récompenses avec ces généreux soldats du Christ, et elles n'ont point été trompées; car beaucoup d'entre elles obtinrent à leur tour la palme du martyre, et plusieurs autres, sans avoir part à la lutte sanglante, sont cependant honorées avec les glorieux vainqueurs, objet de leur pieuse sollicitude. M. l'abbé Gerbet donne sur les antiques funérailles chrétiennes des détails d'un grand intérêt, que nul catholique ne devrait ignorer, rien n'étant plus propre à faire aimer cette Église dont les innombrables enfants, unis, dans tous les temps et dans tous lés lieux, par une étroite affinité spirituelle, le sont encore, à la rigueur de la lettre, par les liens du sang. 1. Il ne nous est pas permis de suivre l'auteur dans sa visite aux catacombes, qui deviendra le guide de tout voyageur chrétien. Après avoir rapidement exposé l'abondance des corps saints que Rome possède au fond de ses immenses souterrains, trésors inappréciables qui lui appartiennent, comme étant, en quelque sorte, les produits de son sol, et qui suffiraient pour faire de cette ville un reliquaire universel, nous la voyons s'enrichir encore des reliques des saints étrangers, arrivant de toutes les parties du monde, sous l'influence d'une force attractive et centrale. Cette pensée devient pour M. Gerbet le sujet d'un tableau que nous voulons mettre 'sous les yeux de nos lecteurs : < Presque tous les saints connus dans les trois premiers siècles sont morts martyrs, ou du moins ont souffert << pour la foi, et il n'y a pas de siècle chrétien qui n'ait continué à son tour, avec la tradition de la vérité, celle du sang versé pour elle. Lorsque d'autres • saints ont paru, semblables en tout « aux martyrs, excepté la mort, la piété des fidèles a mis le même empresse⚫ment à soigner leurs tombeaux. Leurs ‹ corps ont été la partie la plus pré« cieuse du trésor de chaque église, « une espèce de majorat pieux substitué « de génération en génération, qui ne « devait changer de lieu que pour des « raisons graves, et, dans ce cas, les « précautions prises pour la translation des reliques, la solennité qu'on lui • donnait lorsque cela était possible, << perpétuaient les garanties de leur authenticité. Deux causes ont principalement concouru à ces translations, « la guerre et la charité. Tantôt on a « transporté des corps saints dans des pays moins exposés aux ravages de la ▼ guerre civile ou étrangère: Rome en « a reçu un certain nombre, soit par les ‹ Orientaux et les Grecs qui cherchè rent dans l'Occident un abri contre << les persécutions des Vandales et des ، iconoclastes, soit par les chrétiens « qui s'enfuirent de la Syrie et de l'É« gypte envahies par les Sarrasins, soit « par divers évêques et abbés de monastères, qui, dans les troubles du moyen âge, se réfugiaient sous la protection ◄ du tombeau de saint Pierre. Tantôt « l'esprit de charité, qui fait que les diverses églises s'aiment comme des « sœurs, les a engagées à se céder réciproquement quelques parties de ces « propriétés saintes. Ces donations du«rent être plus nombreuses envers l'É‹ glise romaine, qui n'est pas seule<< ment la sœur, qui est surtout la mère « des autres Églises. Toutes les parties de la chrétienté se sont fait un devoir ⚫ d'offrir à la métropole universelle une ◄ espèce de dîme de ces richesses de la tombe, qui sont, aux yeux de la foi, « des semences d'immortalité et des fruits de vie, comme les hameaux « d'un village suspendent aux piliers de « leur église paroissiale quelques grap« pes de leurs vendanges. « Il est résulté de tous ces faits que « Rome est l'ossuaire sacré du christia nisme le plus complet qui existe. Ce « que les caveaux de Saint-Denis furent « pour les races royales de la France, les temples de Rome le sont pour une « grande partie de cette dynastie de « saints qui se sont transmis, de siècle « en siècle, la couronne d'épines et de ‹ charité du Fils de l'homme. Le lundi de Pâques on montre au peuple, du « haut d'une tribune intérieure de Saint« Pierre, les reliques des saints que les < sacristies de cette église renferment, avec d'autres reliques encore plus au‹ gustes dont je ne parle pas en ce moment. C'est une heureuse idée que « d'avoir fixé au lendemain de la fête « de la résurrection du Sauveur, cette ‹ espèce d'ovation décernée aux restes « de ceux qui ont été les membres du « premier né d'entre les morts. Pendant « qu'un prélat présente successivement « ces reliques à la vénération des fidè⚫les, un chantre, debout à côté de lui, <proclame, sur un ton de récitatif « d'une simplicité antique, les noms des << saints auxquels elles appartiennent. Cette litanie de la résurrection future < est longue, et elle peut se continuer, « en nombreux versets, de basilique en < basilique. Si vous allez dans des tem« ples moins considérables, à SaintMarc, par exemple, le jour où sont exposées, au milieu d'une illumina«tion symbolique, les reliquaires de « cette seule église, vous serez ébloui « de ce luxe mortuaire. Chaque sanc« tuaire de Rome, si peu apparent qu'il soit, recèle une collection souvent « très-variée de reliques anciennes et « modernes, soit indigènes, soit appor tées de divers pays. On dirait que de • presque toutes les régions où l'Évangile a été prêché, des montagnes de « l'Arménie jusqu'aux forêts de l'Amé« rique, des grèves de l'Angleterre jus« qu'aux cavernes du Japon, la plupart « de ces hommes qui ont été martyrs < par le sang ou par la charité, ont « voulu que quelque chose d'eux-mêmes << allât rejoindre le grand concile des << catacombes. J'ai fait un relevé des « pays et des villes qui ont été le ber« ceau, la résidence ou la tombe des << saints dont il y a des reliques à Rome; « ce tableau géographique est en quel« que sorte la mappemonde funèbre de « l'univers chrétien. Quel vaste champ ‹ de méditations! Que de secrets divins « cette poussière nous révélerait, si << nous pouvions la sonder d'un regard ! « On se plaît quelquefois à rêver sur « les ruines d'un temple antique ou d'un camphithéâtre de gladiateurs ; il sem« ble que, toute idée de culte mise à « part, l'imagination et le cœur de« vraient être bien plus vivement frap‹ pés à la vue de cet immense amas de << débris, qui furent autrefois les tem‹ ples vivants de l'amour divin et les théâtres des plus beaux triomphes << de l'âme : ruines prophétiques qui, < au rebours de toutes les autres, font « penser surtout à l'avenir, et qui par« lent bien moins du néant de l'hommė « que de son immortalité (p. 93). A. COMBÉGUILLE. (La suite au prochain numéro.) SAINT ANSELME. FRAGMENT DE L'INTRODUCTION A L'HISTOIRE DE SAINT BERNARD. Nous sommes heureux de pouvoir communiquer | imité par beaucoup de catholiques de nos amis. Les abonnés de l'Université Catholique voient par cette communication que M. le comte de Montalembert ne les a pas oubliés, et ne peuvent que le remercier qu'il ait bien voulu ne pas les priver plus longtemps du plaisir d'entendre une voix qui leur est chère et bien connue. à nos lecteurs un extrait de l'ouvrage de M. le comte de Montalembert sur saint Bernard et son siècle. Cet extrait comprend la vie et la philosophie de saint Anselme. Plusieurs fois nos abonnés nous avaient témoigné leur désir d'avoir quelque nouvelle de ce grand et important travail. Ils verront par cet extrait que le noble auteur n'a point abandonné ses études. Au contraire, on ne pourra que s'étonner qu'il puisse suffire à tant de travaux, et, sous ce rapport, il offre un exemple qui devrait être ... Tandis qu'un moine' occupait si di Urbain II. gnement le siège de saint Pierre, tandis qu'un autre moine ' devançait en Orient l'élite de la chevalerie européenne ébranlée par sa voix, il y en avait un sa patrie, et se réfugia en France; la renommée de Lanfranc l'attira au Bec: il se livra, avec un zèle infatigable, à l'étude. L'amour de l'étude le conduisit troisième qui, luttant en Angleterre | peu à peu à l'amour de la solitude et de contre tous les abus et toutes les ruses du pouvoir temporel, se préparait une gloire encore plus consolante et plus pure: tant étaient riches alors en hommes de cœur et de génie le monde | chrétien, l'Église, et l'ordre monastique en particulier. Né, en 1033, d'une famille patricienne et riche, à Aoste, en Piémont, Anselme avait passé de bonne heure par les épreuves domestiques, où se forment souvent les grandes âmes. Il vit fort jeune mourir sa mère, et, comme nous le dit l'ami qui a écrit sa vie dans le plus grand détail, le vaisseau de son cœur perdit son ancre: il demeura presque abîmé dans les flots du siècle. Son père le prit en aversion. Il dut fuir Pierre l'Ermite. Juxta seculi dignitatem nobiliter nati, nobiliter sunt in Augusta conversati.... ambo divitiis non ignobiles. Eadm., Vita Anselmi, p. 2.; Id. Gerbe ron I. la pénitence monastique. Après quelques efforts, il vint à bout de dompter la passion de la gloire littéraire qui l'éloignait des lieux où la réputation de Lanfranc semblait rendre toute rivalité impossible'. Il triompha plus facilement des tentations de la grande fortune dont la mort de son père le laissa maître, et il se fit moine au Bec même, à l'âge de vingt-sept ans. Il y remplaça bientôt 2 Lanfranc comme prieur; et, quinze ans plus tard, à la mort du vénérable Her luin, fondateur du monastère, il fut élu abbé, malgré sa vive résistance, par les cent trente-six moines de la communauté. Il se jeta tout en larmes à leurs genoux pour les supplier de lui faire grâce de cette charge; mais eux aussitôt se prosternèrent tous devant lui, et le supplièrent d'avoir pitié d'eux et de leur maison 1. Il vécut ainsi trente ans au Bec, tant comme religieux que comme supérieur, partageant ses jours entre la pratique exacte des austérités monas 3 Eadmer, moine de Cantorbéry et plus tard arche-tiques et la continuation de ses chères, vèque de Saint-André, en Écosse, fut le compagnon de voyage et d'exil de saint Anselme, qui s'astreignit envers lui à un vœu d'obéissance spéciale, d'après l'autorisation du pape Urbain. Il a raconté, inconcussa veritate, dit-il, la vie de son ami dans les deux ouvrages intitulés: De Vita S. Anselm., et Historia novorum; dans l'un se trouvent les détails de la vie monastique et intime du saint, dans l'autre les événements de sa lutte avec les rois d'Angleterre. D. Gerberon les a publiés, avec des notes du savant Selden, à la suite de son édition des Oeuvres de saint Anselme, 1721, in-folio. Eadmer raconte qu'Anselme avait découvert un jour le travail dont il s'occupait, et, après l'avoir d'abord examiné et corrigé, il lui avait prescrit de détruire ce qu'il en avait déjà transcrit de ses tablettes de cire sur parchemin; mais Eadmer n'obéit qu'après en avoir fait secrètement une autre copie. Supplem., c. LXVIII, études. Il s'appliquait surtout à approfondir les problèmes les plus délicats et les plus difficiles de la métaphysique; et, guidé par les lumières de la foi et de l'humilité, il ne craignit pas d'aborder des questions regardées jusque là comme insolubles. « Je crois, mais je p. 213. Il est, du reste, parfaitement d'accord avec Guillaume de Malmesbury, historien si favorable à la dynastie normande. Parmi les modernes, nul n'a mieux raconté la vie d'Anselme que l'auteur anonyme de deux articles insérés dans les no 64 el 67 du British Critic, recueil de la nouvelle secte anglo-catholique. 4 Defuncta vero illa, illico navis cordis ejus, quasi anchora perdita, in fluctus seculi pene tota dilapsa est. De Vita S. Ans., p. 2. Ecce monachus fiam, sed ubi ?... Becci superemi. nens prudentia Lanfranci, qui illic monachus est, me aut nulli prodesse, aut nihil valere comprobabit... Necdum eram edomitus, necdum in me vigebat mundi contemptus... Eadm., p. 3. 2 En 1063. 4 At illi omnes, e contra in terram prostrati, orant ut ipse potius loci illius et eorum misereatur. Eadm., p. 9. L'archevêque de Rouen lui avait imposé l'obligation d'obéir au choix dont il serait l'objet. 5 Quid de illius jejunio dicerem, cum ab initio prioratus sui tanta corpus suum inedia maceravit... Imo de vigiliis... Eadm., p. 4. • Soli Deo cœlestibusque disciplinis jugiter occupatus, in tantum speculationis Divinæ culmen ascenderet, ub obscurissimas et ante suum tempus insolitas de Divinitate Dei et nostra fide questiones, Deo * Illi ideo rationem quærunt quia non credunt, nos vero quia credimus. Cur Deus homo, l. 1, désire comprendre, disait-il quelque | Il a mérité d'être regardé par plusieurs part, et ces efforts pour arriver à cette intelligence des vérités imposées par la religion nous ont valu ces traités magnifiques, où, se constituant le disciple et le successeur de saint Augustin, il a donné, sur l'essence divine, sur l'existence de Dieu, sur la Trinité, sur l'In comme le père et le fondateur de la philosophie chrétienne du moyen âge, et l'ardente sincérité avec laquelle il soumettait tous les résultats de la pensée et de la science aux règles de la foi, à l'autorité de l'Église', creuse un abîme entre sa tendance et celle des métaphy carnation, la création, l'accord dusiciens modernes. Il semble avoir défini libre arbitre et de la grâce, des solutions et des démonstrations qui ont conservé jusqu'à nos jours une si haute valeur aux yeux de la raison et de la foi. reserante, perspiceret, ac perspectas enodaret, apertisque rationibus quæ dicebat rata et catholica esse probaret. Eadm., p. 3. Credo, sed intelligere desidero. - Et il donna pour second titre à son Proslogion: Fides quærens intellectum. Proæm. * Proæm. Monologii. d'avance cette infranchissable distance lorsque, parlant des rationalistes de son temps, il dit : « Ils cherchent la raison parce qu'ils ne croient pas, et nous la cherchons parce que nous croyons. › Écoutons encore ce docteur de la vérité: Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, mais je crois afin de comprendre... Si l'autorité de l'Écriture sainte répugne à notre sens, quelque inexpugnable que nous semble notre raison, il faut la croire en cela dépouillée de toute vérité 1. Nul chrétien ne doit disputer sur le fait même de l'existence des choses que l'Église catholique croit et confesse; mais seulement, en conservant cette foi sans atteinte, en l'aimant et en y conformant sa vie, chercher humblement le mode de cette existence. S'il peut la comprendre, qu'il en rende grâces à Dieu; sinon, qu'il ne 3 Ses traités les plus fameux, le Monologium, où se trouve la démonstration de Dieu par l'idée que nous avons de la perfection infinie; le Proslogion, le Liber apologeticus, les dialogues de Veritate, de Libero Arbitrio, de Casu diaboli, etc., ont été com. posés pendant les quinze années de son priorat, selon D. Gerberon. Pour se faire une idée juste de la véritable nature des tendances philosophiques de saint Anselme, il faut lire l'essai sur sa théologie scolastique qui se trouve dans les Gesammelte schriften und Aussaetze de l'admirable Moelher, ❘ dresse pas la tête pour s'escrimer contre la vérité, mais qu'il la courbe pour adorers... Il y a des faux savants qui, avant de s'être munis des ailes de la foi, dirigent leur vol vers les questions souve « hausisse ex ejus libris omnino apparet. Breviar. « Roman., office de saint Anseline, au 21 avrii, « leç. VI. » 1 Voyez, entre autres, les humbles lettres par lesquelles il soumet ses traités au jugement de Lanfranc, déjà archevêque. Ep. 1, 63, 68; IV, 103. auteur de la Symbolique, publiés depuis sa mort par le professeur Doellinger. En dehors du point de vue orthodoxe, on peut consulter avec fruit la préface de la traduction du Monologium et du Proslogium, publiée en 1841 par M. Bouchitté, professeur à Versailles, sous le titre, du reste fort inexact, de Rationalisme chrétien. En 1842, un protestant, M. Franck, a publié à Tubingen un Essai sur saint Anselme, où il expose, pour les réfuter dans le sens rationaliste, la plupart des démonstrations du saint, tout en rendant justice à sa vie morale et publique. Il reconnaît en lui un moine parfait, dont toute la vie a eu pour base une vraie et profonde piété, un fils fidèle de l'Église. Mais, ajoute ce philosophe, Anselme partageait beaucoup des faiblesses de sa mère, et il lui manquait notamment la liberté subjective de l'esprit: Die subjective Geistesfreiheït. Avec cela tout est dit, et on a démontré sans beaucoup de peine l'infériorité du moine, fils de l'Église, comparé avec les docteurs du 19e siècle. L'Église, du reste, s'est prononcée sur la valeur des écrits d'Anselme en ces termes : 5 Nullus quippe christianus debet disputare quo<< Famam non solum miraculorum et sanctitatis | modo quod catholica Ecclesia certe credit... non C. 11. 3 Neque enim quæro intelligere ut credam, sed credo ut intelligam. Proslog., c. 1. 4 Atsi ipsa nostro sensui indubitanter repugnat, quamvis nobis nostra ratio videatur inexpugnabilis, nulla tamen veritate fulciri credenda est. De Concord. grat. et Lib. arb., quæst. III, c. vi. « assecutus, sed etiam doctrinæ quam ad defensio«nem Christianæ religionis, animarum profectum, < et omnium theologorum, qui sacras litteras schoelastico methodo tradiderunt, normam cœlitus sit, sed... quærere rationem quomodo sit. Si potest intelligere, Deo gratias agat; si non potest, non immittat cornua ad ventilandum, sed submittat caput ad venerandum. De fide Trinitatis, c. II. |