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COMIQUE.

I. (67)

ORGON.

Ah! mon frère, bonjour.

CLEANTHE.

Je sortais et j'ai joie à vous voir de retour.

La campagne à présent n'est pas beaucoup fleurie.

ORGON.

(à Cleanthe)

Dorine? Mon beau-frère, attendez je vous prie.

Vous voulez bien souffrir pour m'ôter de souci,

Que je m'informe un peu des nouvelles d'ici.

(à Dorine)

Tout s'est-il ces deux jours passé de bonne sorte? Qu'est-ce qu'on fait céans, comme est-ce qu'on s'y porte?

DORINE.

Madame eut, avant-hier, la fièvre jusqu'au soir, Avec un mal de tête étrange à concevoir.

Et Tartuffe ?

ORGON.

DORINE.

Tartuffe? il se porte à merveille,

Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille.

ORGON.

Le pauvre homme!

DORINE.

Le soir elle eut un grand dégoût,

Et ne put au souper toucher à rien du tout,
Tant sa douleur de tête était encor cruelle.

ORGON.

Et Tartuffe ?

DORINE.

Il soupa, lui tout seul, devant elle;

Et fort dévotement il mangea deux perdrix,

Avec une moitié de gigot en hachis.

ORGON.

Le pauvre homme!

:

DORINE.

La nuit se passa toute entière,

Sans qu'elle pût fermer un moment la paupière; Des chaleurs l'empêchaient de pouvoir sommeiller, Et jusqu'au jour près d'elle il nous fallut veiller.

Et Tartuffe?

ORGON.

DORINE.

Pressé d'un sommeil agréable,

Il passa dans sa chambre au sortir de la table;

Et, dans son lit bien chaud, il se mit tout soudain, Où sans trouble il dormit jusques au lendemain.

ORGON.

Le pauvre homme!

DORINE.

A la fin, par nos raisons gagnée,

Elle se résolut à souffrir la saignée,

Et le soulagement suivit tout aussitôt.

ORGON.

Et Tartuffe ?

DORINE.

Il reprit courage comme il faut, Et contre tous les maux fortifiant son ame

2

Pour réparer le sang, qu'avait perdu Madame,
But, à son déjeûné, quatre grands coups de vin.

ORGON.

Le Pauvre homme!

DORINE.

Tous deux se portent bien enfin

Et je vais à Madame annoncer par avance

La part que vous prenez à sa convalescence. (68)

NOBLESSE.

I. (69)

ZAMORE.

CRUELS, sauvez Alzire, et pressez mon supplice!

ALZIRE.

:

Non, qu'une affreuse mort tous trois nous réunisse.

ALVAREZ.

Mon fils mourant, mon fils! ô comble de douleur!

ZAMORE à Gusman.

Du veux donc jusqu'au bout consommer ta fureur ? Viens, vois couler mon sang, puisque tu vis encore; Viens apprendre à mourir en regardant Zamore.

GUSMAN à Zamore.

Il est d'autres vertus que je veux t'enseigner,
Je dois un autre exemple, et je viens le donner.

(à Alvarez)

Le ciel qui veut ma mort, et qui l'a suspendue,
Mon père, en ce moment m'amène à votre vue,
Mon ame fugitive, et prête à me quitter,
S'arrête devant vous... mais pour vous imiter.

Je meurs: le voile tombe, un nouveau jour m'éclaire;
Je ne me suis connu qu'au bout de ma carrière.
J'ai fait jusqu'au moment qui me plonge au cercueil
Gémir l'humanité du poids de mon orgueil.
Le ciel venge la terre : il est juste; et ma vie
Ne peut payer le sang dont ma main s'est rougie.
Le bonheur m'aveugla, la mort m'a détrompé:
Je pardonne à la main par qui Dieu m'a frappé.
J'étais maître en ces lieux; seul j'y commande encore;
Seul je puis faire grâce, et la fais à Zamore.
Vis, superbe ennemi, soit libre, et te souviens
Quel fut et le devoir et la mort d'un chrétien.

(à Montèze qui se jette à ses pieds.) Montèze, Américains, qui fûtes mes victimes Songez que ma clémence a surpassé mes crimes. Instruisez l'Amérique, apprenez à ses rois

Que les chrétiens son nés pour leur donner des lois. (à Zamore.)

Des dieux que nous servons connais la différence : Les tiens t'ont commandé le meurtre et la vengeance; Et le mien, quand ton bras vient de m'assassiner, M'ordonne de te plaindre et de te pardonner.

ALVAREZ.

Ah, mon fils! tes vertus égalent ton courage.

ALZIRE.

Quel changement, grand Dieu! quel étonnant langage!

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