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et embrasse... qu'elle taille enchanteresse!... au devant, deux légers contours... ô spectacle de volupté! la baleine a cédé à la force de l'impression ... Empreintes délicieuses, que je vous baise mille fois!.. Dieux! dieux! que sera-ce quand?... Ah! je crois déjà sentir ce tendre cœur battre sous une heureuse main. Julie! ma charmante Julie! je te vois, je te sens par-tout, je te respire avec l'air que tu as respiré; tu pénètres toute ma substance: que ton séjour est brûlant et douloureux pour moi! il est terrible à mon impatience. O viens! vole, ou je suis perdu.

Quel bonheur d'avoir trouvé de l'encre et du papier: j'exprime ce que je sens pour en tempérer l'excès; je donne le change à mes transports en les décrivant.

Il me semble entendre du bruit. Serait-ce ton barbare père? je ne crois pas être lâche... mais qu'en ce moment la mort me serait horrible! Mon désespoir serait égal à l'ardeur qui me consume. Ciel! je te demande encore une heure de vie, et j'abandonne le reste de mon être à ta rigueur. O désirs; ô crainte! & palpitations cruelles!... On ouvre!...on entre ..! C'est elle! c'est elle! je l'entrevois, je l'ai vue, j'entends refermer la porte, Mon cœur, mon faible cœur, tu succombes à tant d'agitations. Ah! cherche des forces pour supporter la félicité qui t'accable. (82)

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DA
ANS l'univers, tout aime tout désire,
Du tendre Amour tout peint la volupté;

Si le papillon vole avec légèreté,

Un autre papillon l'attire;

Les fleurs en s'agitant semblent se carresser :
Le lierre à l'ormeau s'unit pour l'embrasser.

Les oiseaux sont charmés de pouvoir se répondre,

Et le doux murmure des eaux

Est causé par plusieurs ruisseaux
Qui se cherchent pour se confondre. (84)

V. (85)

O MOURONS, ma douce amie! mourons, la bien aimée de mon cœur! Que faire désormais d'une jeunesse insipide dont nous avons épuisé toutes les délices? Explique-moi, si tu le peux, ce que j'ai senti dans cette nuit inconcevable; donne-moi l'idée d'une vie ainsi passée, ou laisse m'en quitter une qui n'a plus rien de ce que je viens d'éprouver avec toi. J'avais goûté le plaisir, et croyais concevoir le bonheur. Ah! je n'avais senti qu'un vain songe et n'imaginais que le bonheur d'un enfant! Mes sens abusaient mon ame grossière; je ne cherchais qu'en eux le bien suprême, et j'ai trouvé que leurs plaisirs épuisés n'étaient que le commencement des miens. O chef-d'œuvre unique de la nature! Divine Julie! possession délicieuse! à laquelle tous les transports du plus ardent amour suffisent à peine! Non, ce ne sont point ces transports que je regrette le plus : ah! non; retire, s'il le faut, ces flammes enivrantes pour lesquelles je donnerais mille vies; mais rends-moi tout ce qui n'était point elles, et les effaçait mille fois. Rends-moi cette étroite union des ames que tu m'avais annoncée et que tu m'as si bien fait goûter. Rends-moi cet abattement si doux rempli par les effusions de nos cœurs; rends-moi ce sommeil enchanteur trouvé sur ton sein; rends-moi ce réveil plus délicieux encore, et ces soupirs entrecoupés, et ces douces larmes, et ces baisers qu'une voluptueuse langueur nous faisait lentement savourer, et ces gémissemens si tendres durant lesquels tu pressais sur ton cœur ce cœur fait pour s'unir à toi.

Dis-moi, Julie, toi qui d'après ta propre sensibilité sais si bien juger de celle d'autrui, crois-tu que ce que je sentais auparavant fût véritablement de l'amour? Mes sentimens, n'en doute pas, ont depuis hier changé de nature; ils ont pris je ne sais quoi de moins impétueux, mais de plus doux, de plus tendre, de plus charmant. Te souvient-il de cette heure entière que nous passâmes à parler paisiblement de notre amour et de cet avenir obscur et redoutable par qui le présent nous était encore plus sensible; de cette heure, hélas! trop courte, dont une légère empreinte de tristesse rendit les entretiens si touchans? j'étais tranquille, et pourtant j'étais près de toi; je t'adorais et ne désirais rien. Je n'imaginais pas même une autre félicité, que de sentir ainsi ton visage auprès du mien, ta respiration sur ma joue, et ton bras passé autour de mon cou. Quel calme dans tous mes sens! quelle volupté pure, continue, universelle! Le charme de la jouissance était dans l'ame; il n'en sortait plus; il durait toujours. Quelle différence des fureurs de l'amour à une situation si paisible! C'est la première fois de mes jours que je l'ai éprouvé auprès de toi, et cependant, juge du changement que j'éprouve; c'est de toutes les heures de ma vie celle qui m'est la plus chère, et la seule que j'aurais voulu prolonger éternellement (1). Julie, dis-moi donc si je ne t'aimais point auparavant ou si maintenant je ne t'aime plus?

Si je ne t'aime plus? quel doute! ai-je donc cessé d'exister et ma vie n'est-elle pas plus dans ton cœur que dans le mien? Je sens, je sens que tu m'es mille fois plus chère que jamais, et j'ai trouvé dans mon abattement de nouvelles forces pour te chérir plus tendrement encore. J'ai pris pour toi des sentimens plus paisibles, il est vrai, mais plus affectueux et de plus différentes espèces; sans s'affaiblir ils se sont multipliés; les douceurs de l'amitié tempèrent les emportemens de l'amour, et j'imagine à peine quelque sorte d'attachement qui ne m'unisse pas à toi. O ma charmante maîtresse, ô mon épouse, ma sœur ma douce amie! Que j'aurai dit peu pour ce que je sens, après avoir épuisé tous les noms les plus chers au cœur de l'homme!

Il faut que je t'avoue un soupçon que j'ai conçu dans la honte et dans l'humiliation de

:

(1) Femme trop facile, voulez-vous savoir si vous êtes aimée? Examinez votre amant sortant de vos bras. O amours! si je regrette l'âge où l'on te goûte, ce n'est pas pour l'heure de la jouissance, c'est pour l'heure qui la suit.

Note de J. J. ROUSSEAU.

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