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Qu'engendra de ses flancs la superstition;
Et pour approfondir la nature des hommes
Pour connaître ce que nous sommes,
Je ne m'adresse point à la religion.

J'apprends de mon maître Épicure,
Que du temps la cruelle injure
Dissout les êtres composés;
Que ce souffle, cette étincelle,

Ce feu vivifiant des corps organisés

N'est point de nature immortelle.

Il naît avec le corps, s'accroît dans les enfans,
Souffre de la douleur cruelle.

Il s'égare, il s'éclipse, il baisse avec les ans.
Sans doute il périra, quand la nuit éternelle
Viendra nous arracher du nombre des vivans.
Vaincu, persécuté, fugitif dans le monde,
Trahi par des amis pervers,
Plus de maux dans cet univers

Je souffre en ma douleur profonde,
Que dans les fictions de la fable féconde,
N'en a jamais souffert Prométhée aux enfers.

Ainsi pour terminer mes peines, Comme ces malheureux au fond de leurs cachots, Las d'un destin cruel et trompant leurs bourreaux, D'un noble effort brisent leurs chaînes: Sans m'embarasser des moyens,

Je romps les funestes liens
Dont la subtile et fine trame,
A ce corps rongé de chagrins,
Trop long-temps attacha mon ame.

Tu vois dans ce cruel tableau

De mon trépas la juste cause;

Au moins ne pense pas du néant du caveau
Que j'aspire à l'apothéose;
Mais lorsque le printemps paraissant de nouveau
De son sein abondant offre des fleurs écloses,
Chaque fois d'un bouquet de myrtes et de roses
Souviens-toi d'orner mon tombeau. (98)

VII. (99)

CROYEZ que si j'étais Voltaire,
Et particulier comme lui,
Me contentant du nécessaire,

Je verrais voltiger la fortune légère,

Et m'en moquerais aujourd'hui.
Je connais l'ennui des splendeurs
Le fardeau des devoirs, le jargon des flatteurs,
Ces misères de toute espèce

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Et ces détails de petitesse

Dont il faut s'occuper dans le sein des grandeurs.

Je méprise la vaine gloire,

Quoique poëte et souverain.

Quand du ciseau fatal retranchant mon destin,
Atropos m'aura vu plongé dans la nuit noire,
Qu'importe l'honneur incertain

De vivre après ma mort au temple de Mémoire?
Un instant de bonheur vaut mille ans dans l'histoire.
Nos destins sont-ils donc si beaux ?

Le doux plaisir et la mollesse,
La vive et naïve allégresse,

Ont toujours fui des grands la pompe et les travaux.
Ainsi la fortune volage

N'a jamais causé mes ennuis;

Soit qu'elle me flatte ou m'outrage,

Je dormirai toutes les nuits

En lui refusant mon hommage.
Mais notre état fait notre loi;
Il nous oblige, il nous engage,
A mesurer notre courage
Sur ce qu'exige notre emploi.
Voltaire dans son hermitage,
Dans un pays dont l'héritage
Est son antique bonne-foi,
Peut s'adonner en paix à la vertu du sage

Dont

Dont Platon nous marque la loi.
Pour moi, menacé du naufrage,
Je dois en affrontant l'orage,
Penser, vivre et mourir en Roi. (100)

ÉNERGIE.

I. (101)

CAMILLE.

ROME, l'unique objet de mon ressentiment!
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant!
Rome qui t'a vu naître et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore!
Puissent tous ses voisins, ensemble conjurés,
Sapper ses fondemens encor mal assurés;
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'orient contre elle à l'occident s'allie;
Que cent peuples ligués des bouts de l'univers,
Passent pour la détruire et les monts et les mers;
Qu'elle même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles!
Tome I.

Que le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux!

Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir. (102)

ΙΙ. (103)

CLEOPATRE,

RÈGNE : de crime en crime enfin te voilà roi.
Je t'ai défait d'un père, et d'un frère et de moi:
Puisse le ciel, tous deux vous prenant pour victimes,
Laisser tomber sur vous la peine de mes crimes!
Puissiez-vous ne trouver dedans votre union
Qu'horreur, que jalousie, et que confusion!
Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble,
Puisse naître de vous un fils qui me ressemble! (104)

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