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détail, et sur-tout les beaux rôles de Roxane et d'Acomat.

Andromaque, Iphigénie, Mithridate, Britannicus, Phèdre, et Athalie, chefs-d'œuvre dans lesquels Racine s'est mis au-dessus de toute comparaison. Les Plaideurs, l'une des meilleures comédies de notre théâtre. Quelques Cantiques spirituels pleins d'onction et de douceur. Et des Épigrammes parmi lesquelles on en trouve une trop originale pour qu'on puisse se dispenser de la citer.

L'ORIGINE DES SIFFLETS.

Ces jours passés, chez un vieil histrion
Un chroniqueur émut la question,
Quand dans Paris commença la méthode
De ces Siflets qui sont tant à la mode.
Ce fut, dit l'un, aux pièces de Boyer.
Gens pour Pradon voulurent parier.
Non, dat l'acteur, je sais toute l'histoire,
Que par degrés je vais vous débrouiller.
Boyer apprit au parterre à bailler :
Quant à Pradon, si j'ai bonne mémoire,
Pommes sur lui volèrent largement :
Mais quand Sifflets prirent commencement.
C'est (j'y jouais, j'en suis temoin fidèle,)
C'est a l'ASPAR du sieur de Fontenelle.

On voit ici que Racine savait prendre tous les tons. Une belle Ode intitulée la Nymphe de la Seine, ses Chœurs d'Esther et d'Athalie, son Histoire de Port-Royal, et ses Discours a l'académie nous prouvent qu'il aurait pu embrasser tous les genres.

(15) Fragment d'une scène entre Orbassan et Tancrède. (16) VOLTAIRE. Tragédie de Tancrède.

François-Marie Arouet de Voltaire, de l'Académie française, Gentilhomme ordinaire du Roi, historiographe de France, naquit à Paris le 22 Février 1694, et mourut dans la même ville le 30 Mai 1778, à l'âge de 84 ans. Il est étonnant qu'on ait osé accuser d'impiété un homme qui a été baptisé deux fois, et dont le premier ouvrage littéraire fut une ode à l'honneur de la très-Sainte-Vierge; mais il est clair que c'est encore là une mauvaise chicane des partisans de l'obscurisme pour décrier l'apôtre de la tolérance. Quoiqu'il en soit, nous doutons que jamais personne ose entreprendre Voltaire du côté du Style; car, si jamais écrivain a connu l'art d'exprimer sans effort chaque idée qui lui est propre ; d'embellir tout sans jamais se méprendre sur le coloris qui convient à chaque chose; enfin, de n'être jamais ni audessus ni au-dessous de son sujet; assurément c'est Voltaire. On a tant parlé de ses disputes littéraires, qu'on m'accuserait de négligence si je les passais sous silence. Mais veuton savoir comment il traitait la canaille du Parnasse, et à quelle espèce d'antagonistes il avait à faire ? Voici comme il peint l'un de ses hypercritiques; quoique tracé par une main intéressée, le portrait n'est pas tellement hors de nature qu'on ne puisse fort bien en retrouver l'original de nos jours.

C'est un apprenti Aristarque qui parle de son respectable endoctrineur.

J'étais tout neuf : j'étais jeune, sincère,
Et j'ignorais son naturel félon :
Je m'engageai, sous l'espoir d'un salaire.
A travailler à son hebdomadaire,
Qu'aucuns alors nommaient patibulaire :
Il m'enseigna comment on dépeçait
Un livre entier, comme on le recousait,
Comme on jugeait du tout par la préface,
Comme on louait un sot auteur en place,
Comme on fondait avec lourde roideur
Sur l'écrivain pauvre et sans protecteur.
Je m'enrolai je servis le corsaire
Je critiquai, sans esprit et sans choix,
Impunément le théâtre, la chaire;
Et je mentis pour dix écus par mois.

,

Quel fut le prix de ma plate manie?
Je fus connu, mais par mon infamie,
Comme un gredin que la main de Thémis
A diapré de nobles fleurs de lis,
Par un fer chaud gravé sur l'omoplate.
Triste et honteux, je quillai mon pirate

Qui me vola pour fruit de mon labeur,
Mon honoraire, en me parlant d'honneur.

Mais débarrassons nous vîte de là; laissons le Pauvre Diable se consoler le mieux qu'il pourra; et montrons Voltaire avec les honnêtes gens.

Savez-vous, gentille Douairière,
Ce que dans Sulli l'on faisait
Lorsqu'Eole vous conduisait
D'une si terrible manière ?
Le malin Périgni riait,
Et déja pour vous préparait
Une épitaphe familière,
Disant qu'on vous repécherait
Incessamment dans la rivière,
Et qu'alors il observerait
Ce que votre humeur un peu fière
Sans ce hasard lui cacherait.
Cependant Espar, la Valière,
Guiche, Sulli, tout soupirait;
Roussi parlait peu, mais jurait;
Et l'abbé Courtin qui pleurait
En voyant votre heure dernière,
Adressait à Dieu sa prière,
Et pour vous tout bas murmurait
Quelque oraison de son bréviaire
Qu'alors contre son ordinaire,
Dévotement il frédonnait,
Dont à peine il se souvenait,

L

Et que méme il n'entendait guère, etc.

Voyons-le maintenant dans le style soutenu. En décrivant le combat de Turenne contre d'Aumale, il trace le tableau de l'escrime.

Tout ce qu'ont pu jamais la valeur et l'adresse,
L'ardeur, la fermeté, la force, la souplesse;
Parut des deux côtés en ce choc éclatant.
Cent coups étaient portés, et parés à l'instant;
Tantot avec fureur l'un d'eux se précipite,
L'autre d'un pas léger se détourne et l'évite;

:

Tantót, plus rapprochés, ils semblent se saisir:
Leur péril renaissant donne un affreux plaisir.
On se plaît à les voir s'observer et se craindre,
Avancer, s'arréter, se mesurer, s'atteindre :
Le fer étincelant, avec art détourné,
Par de feints mouvemens trompe l'œil étonné.
Telle on voit du soleil la lumière éclatante
Briser ses traits de feu dans l'onde transparente,
Et se rompant encor par des chemins divers,

De ce crystal mouvant repasser dans les airs.

Plus loin il représente Henri IV auprès de la charmante Gabrielle.

Les folatres plaisirs, dans le sein du repos,
Les Amours enfantins désarmaient ce héros.
L'un tenait sa cuirasse encor de sang trempée;
L'autre avait détaché sa redoutable épée,
Et riait en tenant dans ses débiles mains,

Ce fer, l'appui du trône et l'effroi des humains.

S'agit-il de rendre par une image frappante la bouillante impatience de la jeunesse :

Tel qu'échappé du sein d'un riant pâturage,
Au bruit de la trompette animant son courage,

Dans les champs de la Thrace un coursier orgueilleux,
Indocile, inquiet, plein d'un feu belliqueux,
Levant les crins mouvans de sa téte superbe,

,

Impatient du frein vole et bondit sur l'herbe;
Tel paraissait d'Egmont, etc.

Veut-il peindre le choc de deux armées par une comparaison digne du sujet :

Sur les pas des deux chefs, alors en méme-temps
On voit des deux partis voler les combatians.
Ainsi lorsque des monts séparés par Alcide,
Les aquilons fougueux fondent d'un vol rapide,
Soudain les flots émus des deux profondes mers,
D'un choc impétueux s'élancent dans les airs;
La Terre au loin gémit, le jour fuit, le Ciel gronde,
Et l'Africain tremblant craint la chute du monde.

Ici il trace le tableau de la famine.

Les mutins, qu'épargnait cette main vengeresse,
Prenaient d'un Roi clément la vertu pour faiblesse,
Et, fiers de ses bontés, oubliant sa valeur,

Ils défiaient leur maître, ils bravaient leur vainqueur;
Ils osaient insulter à sa vengeance oisive.
Mais lorsqu'enfin les eaux de la Seine captive
Cessèrent d'apporter dans ce vaste séjour
L'ordinaire tribut des moissons d'alentour;
Quand on vit dans Paris la faim pále et cruelle ;
Montrant déjà la mort qui marchait après elle;
Alors on entendit des hurlemens affreux;
Ce superbe Paris fut plein de malheureux,
De qui la main tremblante et la voix affaiblie
Demandaient vainement le soutien de leur vie.
Bientôt le riche même, après de vains efforts,
Éprouva la famine au milieu des trésors.

Ce n'était plus ees jeux, ces festins et ces fêtes,
Où de myrte et de rose ils couronnaient leurs tétes,
Où parmi des plaisirs, toujours trop peu goûtés,
Les vins les plus parfaits, les mets les plus vantés,
Sous des lambris dorés qu'habite la mollesse,
De leur goût dédaigneux irritaient la paresse.
On vit avec effroi tous ces voluptueux,
Páles, défigurés, et la mort dans les yeux,
Périssant de misère au sein de l'opulence,
Détester de leurs biens l'inutile abondance.

Le vieillard dont la faim va terminer les jours,
Voit son fils au berceau, qui périt sans secours.
Ici meurt dans la rage une famille entière;
Plus loin des malheureux, couchés sur la poussière,
Se disputaient encore, à leurs derniers momens
Les restes odieux des plus vils alimens.
Ces spectres affamés, outrageant la nature,
Vont au sein des tombeaux chercher leur nourriture.
Des morts épouvantés les ossemens poudreux
Ainsi qu'un pur froment sont préparés par eux.
Que n'osent point tenter les extrémes misères?
On les voit se nourrir des cendres de leurs pères.

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