en en retranchant la voyelle e. C'est ainsi qu'on trouve nostin pour nostisne, connaissez-vous, et viden pour videsne, ne voyez-vous pas. Est-il donc invraisemblable que le verbe aio ait joué le même rôle, et que ai-n' ait eu la signification de que dites-vous. Or, voilà exactement ce que signifie ain prononcé en nazale française. La trace de l'origine une fois perdue, l'a fait écrire avec l'aspiration, et confondre avec l'ap pellation hein. » Cette étymologie est fausse, archifausse, et toutes les conséquences qu'en tire M. P. DE W. sont fausses également : 1°. ai-n' pour ais-ne n'a jamais signifié que dites-vous; il signifie ne dites-vous pas; 2°. hein on ain, comme l'écrit M. P. DE W., pour en accommoder l'orthographe à son étymologie, n'a point la signification d'ai n'; c'est une interjection d'appel et d'interrogation hem! dit l'Académie, est une interjection dont on se sert pour appeler. Ex.: Hem, hem! venez çà.— Hem, hem! on vous attend ici. Ilme fit hem, hem, qu'en dites-vous ? est-il dit dans le grand Vocabulaire et dans l'Eloge funèbre de Michel Morin.- Hem! interjection, mot latin devenu français, qui sert pour appe ler quelqu'un, ou lui faire sigue; disent les auteurs du Dictionnaire de Trévoux. Hen, mot que prononcent, ou plutôt son et bruit que font les personnes grossières, les gens mal élevés, quand ils n'ont pas bien entendu ce qu'on di sait, et qu'ils veulent le faire répéter; disent encore les mêmes lexicographes; 3°. l'interjection française hem, hen ou hein vient évidem ment de l'interjection latine hem, puisqu'elle a la même signification, la même orthographe et le même son. c'est M. P. DE W. a donc eu tort de dire que parce que la trace de son origine était perdue, qu'on l'a écrite avec l'aspiration, et confondue avec l'appellation hein. C'est donc, au contraire, pour conserver cette trace étymologique, et parce qu'en effet, l'h s'aspire en français, comme en latin, dans l'interjection hem ou hen, qu'on l'écrit encore avec l'aspiration. Cette interjection est donc la même que la prétendue appellation hein, qui n'en est qu'une variété orthographique. Dans les exemples français que cite M. P. DE W., et dans tous ceux qu'il pourrait citer, le plus ou moins de grâce ou de politesse dans l'emploi de cette interjection, ne fait rien à son origine. M. P. DE W. doit avoir remarqué, comme moi, que c'est principalement dans les interjections que le ton fait la musique ; que rien n'est plus ordinaire dans toutes les langues, surtout dans la langue chinoise, de voir la signification des mots modifiés par l'accent ou le ton avec lequel on les prononce. Il me paraît donc incontestable. que, dans les exemples cités par M. P. DE W., comme dans tous les autres exemples qu'il pourrait citer de son emploi, l'interjection française hem ou hen, ou comme il l'écrit hein, vient de l'interjection latine hem, et non du verbe latin ai-n'; qu'elle n'a point la signification de ce verbe ; que c'est toujours, de quelque manière qu'on l'écrive, une interjection, un cri d'appel; qu'elle doit s'écrire dans tous les cas possibles avec le signe de l'aspiration, et avec l'm finale du latin, comme l'écrit l'Académie, et non pas hen, comme l'écrit le Dictionnaire de Trévoux, en distinguantmal à propos hen de hem, qui n'en differe que par la prononciation; que, par conséquent, on ne doit pas non plus, et bien moins encore, écrire tantôt hein et tantôt ain, comme le propose M. P. DE W. En écrivant hem, au lieu de hen, même quand on se sert de cette interjection pour faire répéter, il n'y a pas plus d'inconvénient, que lorsqu'on écrit Dam et Adam, et qu'on prononce Dan et Adan. Une langue fixée par des chefs-d'œuvre immortels, est l'Arche sainte il ne faut y toucher qu'avec respect. Que dis-je, il n'est pas permis d'y porter la main sans être accusé de sacrilège. C'est dans ce seul but que j'ai cru devoir répondre à l'article du Journal des Arts que je viens de critiquer. Eloi JOHANNEAU. LETTRE à M. D'A., sur cette Question: Doit-on écrire et prononcer Tartares et Tartarie, ou Tatares et Tatarie? Paris, 25 février 1806. MONSIEUR, Vous m'avez fait l'honneur de m'écrire pour me demander si l'on doit dire Tartares et Tar tarie, comme presque tous les géographes, ou Tatares et Tatarie comme Pinkerton; et vous avez bien voulu ajouter que ma décision obligera une petite société de gens de lettres, et mettra fin à la contestation qui la divise à ce sujet. Certes, je suis loin de penser que mon opinion puisse faire règle et autorite; mais je vais établir des faits, et j'en tirerai ensuite la conséquence. Voici les faits: 1°. Il est certain que par un usage immémorial, on a toujours dit et écrit en français Tartares et Tartarie; 2°. il n'est pas moins certain qué le véritable nom, celui que ces peuples se donnent, est Tatares; et que c'est d'après eux que plusieurs auteurs modernes, comme M. Langlès dans son Dictionnaire TATAREMontcheoux, les appellent Tatares; que c'est ainsi que les appellent les Russes. Vous trouverez dans les Recherches sur les Peuples de la Sibérie, ouvrage in-8°., traduit du russe, et imprimé il y a trois ans à Paris, la confirmation que le véritable nom est Tatares. D'après ces faits incontestables, voici maintenant mon opinion: Si l'on était obligé d'écrire et de prononcer les noms de lieux en français, comme les écrivent et les prononcent les naturels ou indigènes, il n'y a pas de doute qu'on ne dût écrire et prononcer Tatares et non Tartares, et qu'il ne fallût réformer presque toute notre nomenclature géographique. Mais, quoique cette réforme soit bien à désirer sans doute pour la géographie, il n'y a guère d'espérance, il ne serait pas même à désirer, qu'elle eût ja mais lieu généralement pour le langage; et même, quand elle aurait lieu dans les ouvrages et les cartes géographiques, je ne crois pas qu'on puisse taxer personne de faute ou d'ignorance, en ne s'y conformant pas dans le langage usuel, et dans les ouvrages de goût et de littérature; d'autant plus qu'en vers et même en prose, on blesserait souvent l'oreille et l'enphonie, on rendrait la langue barbare, en s'y conformant. Nous devons en cela imiter les Grecs et les Romains, qui n'admettaient dans leur langue les mots barbares qu'en leur ôtant la rouille de la barbarie, l'étrangeté, qu'en leur donnant le droit de cité par une physionomie nouvelle et toute nationale. De là il suit que dans un ouvrage et dans un cours de science, on peut écrire et prononcer indifféremment Tatares ou Tartares, mais que dans le langage usuel et dans un ouvrage de goût, on doit préférer Tartares: la raison est pour le premier, l'usage est pour le second; et vous savez, Monsieur, le précepte d'Horace, en pareil cas. Il y a plus, il me semble qu'on choque l'oreille et même l'analogie, en prononçant Tatares. Puisqu'il y a dans ce mot une répétition, une réduplication de la première syllabe, l'analogie et l'eupho nie veulent que la répétition des deux syllabes soit parfaitement conforme; d'autant plas qu'en se disposant à prononcer tar dans la seconde syllabe, on est amené par la nature des organes de la parole, et par l'attraction des sons analogues, à prononcer tar dans la pre |